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JOURNAL DE LA RESISTANCE
27 mai 2015

Chemin de la Résistance et des Maquis
Mis en ligne sur le site le 17 avril 2020 / mise à jour 8 juillet 2024


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Ci-dessus : 27 mai 1943, le Conseil national de la Résistance
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Source : Yvonne RAINERO de QUIMPER
En téléchargement :
Journée nationale de la Résistance- 27 mai 2015 - Quimper

Journée nationale de la Résistance- 27 mai 2015 - Quimper

Nous sommes rassemblés en ce jour anniversaire de la 1ère réunion à Paris du Conseil National de la Résistance sous la présidence de Jean Moulin, qui marqua l’unification de la Résistance. Jean Moulin qui fut sous-préfet de Châteaulin et prit le nom de Max dans la clandestinité en hommage à son ami le poète quimpérois Max Jacob.

Ce 27 mai 2015, année de commémoration des 70 ans de la victoire sur le nazisme, est marqué par l’entrée au Panthéon de Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Jean Zay et Pierre Brossolette.

Nous nous associons pleinement à cet hommage national qui honore quatre grandes figures de la Résistance.

Mais il y a une absence regrettable dans ce choix présidentiel, celle des communistes, qui prirent une part essentielle aux combats de la Résistance et de la Libération.

De grands résistants de cette famille de pensée auraient tout aussi légitimement leur place au Panthéon.

Missak Manouchian, le héros de l’Affiche Rouge.

Marie-Claude Vaillant-Couturier, journaliste qui prit clandestinement en 1933, elle avait 21 ans, les premières photos des camps de concentration, alertant sur le danger du nazisme ; résistante, déportée à Auschwitz puis à Ravensbruck, où elle vient en aide aux autres déportées, seule femme témoin au procès de Nuremberg.

Ou encore Gabriel Péri, le journaliste de l’Humanité, fusillé en 1941, auquel Aragon dédicaça « la Rose et le Réséda » ainsi qu’à Honoré d’Estienne d’Orves, Guy Moquet et Gilbert Dru, deux jeunes résistants fusillés, l’un était membre des Jeunesses Communistes, l’autre des Jeunesses Chrétiennes.

Ou Danièle Casanova. Fondatrice en 1936 de l’Union des Jeunes Filles de France, elle organise la solidarité envers les républicains espagnols ; résistante dès octobre 1940, arrêtée en février 1942, déportée en janvier 1943 à Auschwitz, elle y meurt en mai.

Ou Henri Rol-Tanguy, le Morlaisien qui dirigea la Libération de Paris et reçut la capitulation des forces d’occupation.

Cet hommage de la Nation leur a été refusé.
Je dis bien refusé, car leurs noms parmi d’autres ont été suggérés par d’anciens résistants.

Aucun communiste, aucun représentant du « parti des fusillés », auquel rendit hommage François Mauriac.

Aucun syndicaliste. Aucun ouvrier.

Aucun de ceux et celles qui n’étaient pas nés sur notre sol mais avaient choisi de s’y battre pour notre liberté, pour notre droit au bonheur comme Missak Manouchian le poète arménien, Henri Krasucki, le jeune juif polonais qui rejoint à 15 ans le groupe de Manouchian, et revenu de déportation deviendra un grand dirigeant syndical, Charles de Bortoli, l’Italien communiste de Brest, né non loin de Venise, fusillé en août 1942 à Balard...

Cette exclusion, ce tri entre les mémoires, ne sont pas dignes de l’esprit d’unité de la Résistance qui rassembla ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas, dans la diversité de leurs origines, dans la diversité de leurs opinions philosophiques, religieuses, politiques, autour de ce qu’ils avaient en commun : l’amour de la France, l’amour de la liberté, le refus de se soumettre au nazisme, l’espoir d’un avenir heureux qu’évoque le titre du programme du CNR, « Les Jours Heureux ».

Célèbres ou anonymes, ils ont combattu côte à côte, ils ont partagé les mêmes risques, les mêmes souffrances, le même espoir.

Réunis dans la lutte et jusqu’à la mort pour beaucoup d’entre eux.

L’aristocrate et polytechnicien Honoré d’Estienne d’Orves, issu d’une famille monarchiste, arrêté quelques semaines après avoir débarqué à Pors Loubous, à Plogoff, et l’ouvrier métallurgiste Henri Texier qui fut responsable du PCF et secrétaire du syndicat CGT des métaux à Quimper de 1936 à 1939 ont connu la même fin, fusillés au Mont Valérien à quelques semaines d’intervalle en août et septembre 1941 après être passés tous deux par la prison du Cherche Midi.

Le journaliste socialiste Pierre Brossolette arrêté à la sortie d’Audierne après avoir fait naufrage à Feunteun Aod en Plogoff, et le cheminot communiste et cégétiste François Harré responsable du groupe des cheminots résistants de Quimper, se sont rejoints dans la mort : le premier se défenestrant en 1944 pour ne pas parler, le second arrêté en octobre 1942 par des policiers, mort sous la torture après 5 jours et 5 nuits de supplices.

Comme le jeune résistant communiste d’Ergué-Armel, Jean Le Berre, tué à la prison Saint- Charles en avril 1944.

Comment ne pas rapprocher aussi le destin du lieutenant de vaisseau Yves Le Hénaff, de Penhars, ancien élève du lycée de la Tour d’Auvergne de Quimper, qui avait rejoint la France Libre en 1943 et accompagnait Pierre Brossolette sur le Jouet des Flots lors de son naufrage, et celui de Louis Bernard, jeune ouvrier communiste de Locmaria, entré très tôt en résistance et arrêté en juillet 1942 : le premier est mort étouffé dans le train de la déportation, le second d’épuisement au retour du camp de Mauthausen.

Quelques-uns des exemples que je viens de citer, personnalités connues comme résistants anonymes, montrent combien l’histoire de la Résistance est présente dans notre département.

Île de Sein, Cap Sizun, pays bigouden, Centre-Finistère, presqu’île de Crozon, Brest, Quimper, Concarneau, Rosporden, Morlaix... nombreux sont les lieux qui nous invitent au souvenir.

La Résistance y a laissé des traces matérielles : monuments, plaques, noms de rues, même si trop de ces héros modestes n’ont pas eu la reconnaissance qu’ils méritaient.

Des stations du métro parisien évoquent aussi le souvenir de résistants nés dans le Finistère et partis travailler dans la région parisienne, comme Corentin Celton, né à Ploaré, et Corentin Cariou, de Loctudy. Tous les deux communistes et syndicalistes, Corentin Celton, infirmier des hôpitaux, secrétaire de la fédération CGT des services publics et de la santé, fut fusillé au Mont Valérien en décembre 1943. Corentin Cariou, dirigeant du syndicat CGT des gaziers, ancien membre du Comité Central du PCF, fut fusillé au camp de Compiègne en février 1942.

Très tôt le Finistère a connu des actions de résistance, de simples gestes individuels, ou des actes déjà organisés. Souvent par des communistes.

Le préfet du Finistère dans un rapport du 4 avril 1941 place les communistes au premier rang des adversaires de la Révolution Nationale de Pétain précisant «aussi actifs qu’irréductibles...doivent être considérés comme rebelles à toute propagande ».

En août 1941 les autorités militaires allemandes appellent le préfet à agir contre la recrudescence des attentats et sabotages.

Émile Le Page et Pierre Jolivet, dont cette stèle rappelle le souvenir, ont été de ceux qui ont fait très tôt le choix de résister. Ces 2 jeunes postiers, membres des jeunesses communistes puis du PCF en 1939, ont fait partie des premiers groupes résistants du parti communiste au sein de l’Organisation Spéciale puis des FTP. Avec leur groupe, dont Émile Le Page était le responsable, ils ont participé dès janvier 1941 à des sabotages, des attentats contre la caserne de la Wehrmarcht, contre le Soldatenheim de Quimper, ils ont préparé l’action contre le siège de la LVF que leurs camarades effectuèrent sans eux en juin 1942.

Car entretemps ils avaient été repérés à la suite d’une distribution de tracts pour le 1er mai 1942. Arrêtés par des policiers français et torturés, ils sont livrés aux Allemands, à nouveau torturés, condamnés à mort, et fusillés, tout près d’ici au champ de tir de la Tourelle, en juin et juillet 1942. C’étaient les premiers résistants fusillés à Quimper.

Ils avaient 19 et 20 ans.

Alain le Grand, spécialiste de la Résistance dans le Finistère, faisait état de témoignages disant que loin de donner un coup d’arrêt à la résistance locale, leur mort poussa d’autres jeunes à suivre leur exemple.

Le 14 juillet 1942, un rassemblement se tient au cimetière d’Ergué-Armel auprès de la fosse commune où leur corps avaient été jetés.

En 1942 et 1943 la répression se renforce, sans parvenir à stopper les actions de résistance.

Le premier maquis, du nom de 2ème bataillon Stalingrad, est créé en juillet 1943 par les FTP entre Spézet et St Goazec.

À l’approche de la Libération, la Résistance se développe. Arrestations, exécutions, déportations se multiplient aussi.

Si de nombreux résistants tombent, d’autres prennent leur place comme le dit le chant des Partisans.

Des actions spectaculaires sont même organisées, comme l’enlèvement et la destruction des 40 000 dossiers finistériens du STO à Quimper en janvier 1944 par le groupe d’Antoine Le Bris, protégeant ainsi un très grand nombre de Finistériens de la déportation du travail en Allemagne. Plusieurs des auteurs de ce coup d’éclat étaient des anciens du lycée de La Tour d’Auvergne, qui fut un véritable foyer de résistance, on y fabriqua même des explosifs dans les salles de classe alors que les Allemands occupaient encore la ville.

René Vautier, qui nous a quittés il y a peu, était aussi un élève de La Tour d’Auvergne. Avec ses camarades des Éclaireurs de France, il parcourait les sentiers côtiers pour relever les emplacements des batteries allemandes et les transmettre à Londres. Il eut la Croix de Guerre à 16 ans avec son groupe.

Les jeunes, souvent très jeunes, ont été très présents dans la Résistance. Les femmes aussi,on en parle peu.

Je voudrais en citer quelques-unes : Yvette Harré, dirigeante des jeunesses communistes à Quimper, et résistante comme son père le cheminot François Harré; Suzanne Bernard, d’une grande discrétion sur son activité de résistante, qui a pris la relève de son mari Jean à la FNDIRP ; Éliane Berthomé, résistante et déportée ; Denise Larzul, elle aussi très discrète, dont une salle municipale porte le nom dans ce quartier : engagée à 21 ans en 1943 dans la Résistance, elle rejoint le maquis de Langolen en 1944 quand la Gestapo est sur ses traces et a la surprise d’y retrouver son père ; intégrée dans la 1ère compagnie FTP elle prend part à ses actions contre des trains de munitions, de ravitaillement, elle participe aux combats de la Libération à Quimper, Concarneau, dans la presqu’île de Crozon, remplaçant même son chef de corps quand il fut emprisonné à la prison St Charles. Elle reçut la Croix de Guerre.

Bien d’autres résistants à Quimper et dans notre région ont pris part aux combats de la Résistance et de la Libération. Ils étaient ouvriers, employés, cheminots, postiers, instituteurs, marins, paysans, lycéens...

Parmi eux beaucoup de communistes.

Le jeune cheminot Charles le Port d’Ergué-Armel, le ferblantier Arthur Quéinec de Penhars, et Marcel Volant de Quimper, tous les trois FTP, fusillés en avril 1944 sur les dunes de Poulguen à Penmarc’h avec leurs camarades du Cap Sizun et du pays bigouden.

Jean Bernard, communiste résistant de la 1ère heure, capitaine FTP, condamné par la section spéciale de Rennes et déporté, comme son jeune frère Yves, qui est arrêté en classe au lycée de Pont L’Abbé en octobre 1942, il avait tout juste 18 ans.

André Quiniou, dirigeant régional de la JC avant guerre, employé du Trésor public, un des responsables avec Jean Bernard du PCF clandestin à Quimper, arrêté et torturé par des policiers français, meurt à l’hôpital de Lorient en août 1942. Son camarade Yves Dérédec, arrêté en même temps que lui, déporté, survivra.

Louis Bernard et Martial Corcuff, jeunes communistes du quartier de Locmaria à Quimper, sont déportés en mars 1944 dans le même convoi qu’Yves Dérédec, de Compiègne vers Mauthausen.

Mathias Le Louet, salarié des Ponts et Chaussées, responsable d’une imprimerie clandestine, arrêté en mars 1943 et condamné lui aussi par la section spéciale de Rennes, s’évade en juin 1944 et reprend contact avec la Résistance.

René Tressard l’instituteur communiste, engagé dans les FTP, arrêté dans sa classe en 1942, déporté à Buchenwald, mort lors de l’évacuation du camp.

Jean le Berre, né à Penhars, salarié de la Sécurité Sociale, dirigeant de notre section, responsable syndical, militant du Secours Rouge qui précéda le Secours Populaire. Rentré de captivité en février 1942, il renoue aussitôt avec ses contacts et participe à la mise sur pied de groupes FTP. Fin 43, grillé dans le Finistère, il poursuit son activité de direction de la résistance communiste dans le Morbihan et au plan régional.

Alain Quiniou, employé de banque, militant communiste et cégétiste dès les années 20, résistant dès juin 40. Versé dans les FTP en 1942, il prend part à de nombreuses actions. Arrêté, torturé par des policiers français avant d’être livré aux Allemands, déporté à Mauthausen où il meurt en mai 1944.

Théo Le Coz, un des organisateurs de la résistance communiste à Quimper qu’il doit quitter pour les Côtes du Nord quand l’étau se resserre autour de lui, il y jouera un rôle dirigeant dans la clandestinité.

René Le Bars, secrétaire départemental du syndicat CGT des impôts en 1936, communiste, participe à de nombreuses actions.

Louis Schvartz, artisan graveur quimpérois, actif lui aussi dans la clandestinité. Et tant d’autres ...Que leurs proches me pardonnent de n’avoir pu tous les citer.

Honorer la Résistance aujourd’hui, ce n’est pas seulement entretenir la mémoire de celles et ceux qui l’ont animée.

C’est faire vivre les valeurs humanistes et progressistes pour lesquelles ils se sont battus.

Ce n’est pas un hasard si ceux et celles qui sont revenus se sont souvent engagés pour de grandes causes :

Germaine Tillion pour la paix en Algérie.

Geneviève De Gaulle-Anthonioz contre la pauvreté et les exclusions avec ATD-Quart monde

Henri Krasucki, comme Georges Séguy le jeune cheminot résistant, pour la défense des ouvriers et des salariés avec la CGT.

Julien Lauprêtre, le gamin de Paris qui croisa Manouchian à la prison de la Santé, pour la solidarité avec le Secours Populaire.

Stéphane Hessel pour les Droits de l’Homme, des sans-papiers aux droits du peuple palestinien.

On pourrait en citer beaucoup d’autres.

Ce sont ces valeurs partagées dans la Résistance qui ont donné corps à leurs engagements. Ce sont elles qui ont été le socle du programme du CNR, « Les Jours Heureux ».

Programme qui prévoyait l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale libérée de la domination des féodalités financières, et qui inspira les grandes réformes de la Libération : Sécurité Sociale, 70 ans cette année, nationalisations, statut de la fonction publique, comités d’entreprise, indépendance de la presse par rapport aux puissances d’argent...

Ces conquêtes sont aujourd’hui attaquées de toutes parts par les politiques d’austérité et les lois régressives décidées par le gouvernement.

Et le MEDEF en demande encore plus.

N’oublions pas les propos de son ancien vice-président Denis Kessler en 2007 : « Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945 et défaire méthodiquement le programme du Conseil National de la Résistance ».

La mise en cause des droits sociaux, le recul des services publics, le poids grandissant de la finance sur toute la société, le contrôle des médias par les grands groupes du CAC 40, les régressions démocratiques, appellent une riposte sociale, citoyenne, démocratique.

Il y a 10 ans des anciens du CNR parmi lesquels Lucie et Raymond Aubrac, Daniel Cordier, Stéphane Hessel, Lise London, Georges Séguy, Germaine Tillion, lançaient un appel à défendre l’héritage de la Résistance et à se rassembler pour un nouveau « Programme de Résistance » pour notre siècle.

Leur appel se terminait par ces mots : « Résister c’est créer, créer c’est résister ». Lucie Aubrac disait aussi : « Résister se conjugue toujours au présent. »

Il y a urgence aujourd’hui à poursuivre cet esprit de résistance et à nous unir autour d’un nouveau projet progressiste et transformateur pour notre époque.

C’est tout le sens que nous voulons donner à cette commémoration.

Yvonne Rainero