AUTRET Yves
Capitaine PIERRE
Chemin de la Résistance et des Maquis
Mis en ligne sur le site le 11 janvier 2021


Nom du ou des réseaux d'appartenance dans la Résistance :
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Capitaine PIERRE

FTP

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Yves,

Aujourd'hui tes camarades et amis sont autour de toi, autour de ton épouse Marie-Thérèse et de toute ta famille pour te rendre un fraternel et respectueux hommage.

Capitaine Pierre, un jeune capitaine de 20 ans.

Longtemps avant de te rencontrer pour la 1ère fois, j'avais entendu parler de toi. Mon père, un de tes camarades de lutte, avait été frappé par ton extrême jeunesse et l'importance des responsabilités que tu assumais.

Il fallait faire face, vous aviez perdu tant des vôtres dans ce combat terrible, une élite, les meilleurs camarades disiez-vous.
Dès la guerre d'Espagne tu as fait ton choix.

Tu as 13-14 ans, et à l'image de Louis Berthelot que tu aimes et que tu respectes comme un père, tu es du côté de la République, du côté des opprimés, du côté de la justice sociale.

Que ce message universel porté par la révolution de 1789, Liberté, Egalité, Fraternité, aille vers plus de fraternité entre les travailleurs, entre les peuples en lutte pour leur liberté.

Du côté du partage, de la mise en commun, entre ceux qui ont tout et ceux qui n'ont rien. Rien d'autre que la force de leurs bras pour gagner leur pain.

Tu as choisi. Comme tes aînés-les affranchis comme tu les nommes- tu es aux côtes des communistes contre fascisme et nazisme, ces poisons violents qui vont déclencher la Seconde Guerre Mondiale, mettre l'Europe à feu et à sang, faire des millions de morts, détruire des pays entiers.

Pour l'Espagne, tu t'engages, jetant dans le drapeau rouge, jaune, violet tendu pour une quête de soutien, tout l'argent que tu avais sur toi.

Ce n'était sans doute pas beaucoup, mais c'était tout ce que tu avais.

La terrible défaite, l'occupation de notre pays, t'amène à t'engager plus encore, à prendre de grandes responsabilités.

Tu mets au service de ton pays toutes tes qualités d'intelligence, ta probité, ton courage, ton audace, mais aussi tu feras preuve de toute la prudence nécessaire pour protéger ceux que tu recrutes et organises.

Tu deviens à 18 ans le responsable départemental des jeunesses communistes clandestines, noyau de FTPF.

Tu sillonnes tout le Finistère pour mettre sur pied cette jeunesse engagée qui fournira en 44 les cadres des bataillons FTP-FFI qui libéreront notre département.

Tu étais fier d'eux, ceux de Brest, de Pont-de-buis, de Morlaix, de Quimperlé...Fier du courage de ces toutes jeunes filles agents de liaison, elles qui prenaient tant de risque. Fier de toute cette activité, sabotage, tracts, journaux clandestins...

L'audacieuse attaque de la prison Saint-Charles pour délivrer des camarades promis à la mort. ..

Les Ecoles Primaires Supérieures étaient cette pépinière. Ils ont tous fait nous disais-tu de valeureux combattants de 18-20 ans.

Les aînés n'étaient plus là.

La délation, l'acharnement de la police de Vichy avait fait des ravages terribles dans leurs rangs.

Les jeunes postiers de Quimper, Emile Le Page et Pierre Jolivet, les ouvriers brestois, Carlo Debortoli, Jules lesven, Pierre Corre, Albert Abalain et ses 18 camarades, tout le maquis de Penarpont...Tous fusillés. D'autres emprisonnés, abominablement torturés, déportés...

En décembre 43, mon père et toi vous échappez à la souricière tendue dans le petit appartement de mes parents, à Brest, par la sinistre gestapo de Bonne nouvelle. Une de tes planques ce soir là. Des scellés en interdiront désormais l'accès.

La mort t'attendait à chaque pas comme elle attendait tous ceux de l'Armée de l'Ombre.

Clandestin, une de tes bases est le maquis de l'Etoile rouge, à Plonévez-du-Faou.

Lors du débarquement tu fais partie de l'Etat-major FTP du département, sous les ordres de Daniel Trellu. Parmi tes camarades tu y retrouves mon père.

Tu es affecté au bataillon Normandie comme commissaire aux effectifs, auprès de la 1ère équipe jedburgh, Giles, parachutée pour encadrer les troupes et le combat.

Vous êtes félicités pour la qualité et l'ardeur des soldats sans uniforme
et devenez FTP-FFI.

Tu es chargé des parachutages et commence par repérer 12 terrains pour recevoir de Londres l'armement de ces bataillons en formation.

Ces armes tant attendues qui conduisent cette jeunesse aux côtés des armées alliés à la Libération du Finistère le 20 septembre 1944.

En 46 tu retournes à la vie civile.

Tu n'as pas un sou, tu as sacrifié tes études, mais tu as toute la vie devant toi.

Vivre debout. Tel était votre idéal à tous.

Vous étiez du côté de la vie, de l'espoir, mais il vous a bien fallu faire la guerre.

Qui l'aurait fait à votre place?

« Je suis fier d'avoir lutté pour l'indépendance de mon pays et pour sauver de l'esclavage le peuple de France » écrivait Albert Abalain.

Cette fierté est aussi la tienne.

Notre pays, notre République, a témoigné sa reconnaissance de tes services.

Tu as été élevé au grade de chevalier de la Légion d'Honneur, ton parrain était notre préfet.

Tes camarades, tes amis, nous tous ici, Yves, nous te disons Merci!

Repose en paix.

Tu rejoins fraternellement tes camarades de combat dans notre coeur et notre mémoire.


Hommage du bureau départemental de l'ANACR29 à leur Président d'Honneur Yves Autret,

  1. Pour le bureau départemental,

  2. Anne Friant-Mendrès

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Ci dessus : Anne FRIANT lit le discours de l'ANACR du FINISTÈRE lors de l'enterrement de Yves AUTRET

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Pont-de-Buis-lès-Quimerc'h, février 2005.

Entretiens entre Yves Autret, capitaine Pierre dans la Résistance, et Anne Friant-Mendrès, fille d'un des camarades de Résistance de Yves.

En note, des biographies de militants du Finistère écrites par leur camarade Eugène Kerbaul en 1985 . Elles complètent les informations données.

Pont-de-Buis l’ouvrière née de sa poudrerie fondée en 1688. La poudre à canon est destinée à Brest, le port de guerre du ponant. Ses ouvriers sont les paysans des communes voisines.

La cité s’est bâtie sur les dernières pentes montagneuses avant l'océan, au bord de la Douffine, affluent de l’Aulne, rivière qui traverse Châteaulin, la ville voisine.
Sous-préfecture du Finistère, célèbre par la présence de 1930 à 1933 d'un sous-préfet promis à un avenir héroïque, Jean Moulin, Châteaulin est un carrefour, ouvrant vers Carhaix à l'est, vers Crozon à l'ouest, à mi-chemin entre Brest et Quimper. Elle sera considérée comme un point stratégique par l'armée d'occupation.
Pont-de-Buis, par sa poudrerie, sa population ouvrière, sa situation géographique ouverte sur tout le département par sa proximité avec Châteaulin, devient très tôt un centre de Résistance à l’Occupation Allemande et à la Collaboration de 1940 à 1944.

1-Yves Autret. Cette période de notre Histoire est aussi celle de l’entrée dans la vie du tout jeune homme que j’étais alors.
La France est défaite par les armées allemandes. Philippe Pétain, né en 1856, Maréchal de la guerre 14-18, reçoit les pleins pouvoirs. Il conclut un armistice le 22 juin 1940 dans des conditions honteuses, laissant notre alliée, l’Angleterre, seule face à l’ennemi et entre dans une politique de collaboration avec l’Allemagne nationale-socialiste. La « Révolution Nationale », nom donné par Pétain à l’action de son gouvernement de Vichy, est à l’ordre du jour. Interdiction des grèves et promulgation du « Statut des Juifs » dès la fin de l’année 1940.

Depuis septembre 1939, à la suite du Pacte Germano-Soviétique, le Parti Communiste est dissous.


Mais nous, nous ne doutons pas. Nous savons quel combat nous attend. La guerre d’Espagne et son issue tragique nous y a préparés. Staline veut gagner du temps pour s’armer en prévision de l’inéluctable affrontement entre fascisme et socialisme. Bientôt l’Union Soviétique sera à nos côtés.

Le pays est occupé, dépecé, rationné, pillé. Beaucoup d’hommes sont prisonniers de guerre, et bientôt la jeunesse sera requise pour le Service du Travail Obligatoire en Allemagne.

La Bretagne est en zone occupée. Toute la côte est en zone interdite. Brest est pour la Kriegsmarine une position stratégique de la plus haute importance.
Nous entrons dans « le tragique des quatre années maudites »*. Le tout jeune homme que j’étais devra vite grandir.

Pont-de-Buis. Il faut parler d’abord de la famille Berthelot, et en particulier du père, Louis Berthelot. Cet homme qui était une grande figure du mouvement syndical et politique avait appris à lire et à écrire en suivant la scolarité de ses enfants. Il n’était pas allé à l’école. Tout jeune, il était dans les bois à faire des sabots. Un homme formidable. Nous habitions le même quartier, une cinquantaine de mètre séparait nos maisons. Il avait perdu une jambe …et sa religion dans les tranchées. C’était un grand blessé de la guerre 14-18. Je le connaissais bien, et j’ai toujours eu pour lui la plus grande admiration. C’était un père attentif à l’éducation de ses enfants. Il les a formé aux valeurs progressistes et républicaines. Il connaissait les « Histoires de Yann et de Chann », et tous les soirs il les leur racontait.
Ouvrier à la poudrerie, il était secrétaire des Anciens Combattants, militant syndical et politique.

Il fut arrêté fin 42 ainsi que son fils Pierre par les flics de Châteaulin. Ils furent tous deux déportés. Ils revinrent des camps, mais l’épreuve fut si dure que sa femme en perdit la raison, ce dont souffrit beaucoup la plus petite, sa dernière fille.

Il y avait aussi Maurice Cam, qui participera à mes côtés aux premiers sabotages, et Guy, son neveu.
Maurice était ouvrier aux écritures à l’arsenal. Il était avec nous aux Jeunesses Communistes. Il faisait partie du groupe de Brest. Quand ils ont été chassés de Brest, Guy et lui ont rejoint le maquis de Saint-Goazec-Spézet.

Guy Cam a aussi laissé la vie dans ce combat.

Je vois toujours un frère de Maurice. Il vient là en vacances.



2-L’Aigle d’Or

Yves Autret. Brest. 1941. Il faut parler de l’hôtel restaurant de l’Aigle d’Or, 57 rue Jean Jaurès à Brest. Brest était en zone interdite, mais les Allemands avaient besoin de main-d’œuvre pour la construction de leur Mur de l’Atlantique et le port de guerre. Brest était un immense chantier. Les hommes démobilisés venaient y chercher du travail.

« L’Aigle d’Or » était un restaurant ouvrier, où tous les copains se retrouvaient. Il y avait là Le Rest, Jean-Pierre Le Rest, un gars du bâtiment, de Quimerc’h . Il a disparu au cours d’un transport.

Tous les gars de Pont-de-Buis fréquentaient cet hôtel. Il y avait là Albert Abalain, François Le Gall qui était ingénieur, Yves Gourmelon, mort des suites de tortures. « L’Aigle d’Or » était l’âme. Pierre Corre, tous les chefs se retrouvaient là.

Je me rappelle que Pierre Corre descendait souvent chez Berthelot.

Il y avait aussi des Républicains Espagnols. Un fort groupe.* C’était un grand restaurant ouvrier. On y trouvait aussi des « Bretons émancipés de Paris.» Beaucoup ont été internés puis libérés. L’un d’eux, un Morvan de Douarnenez, dit « La Sardine », m’a servi de planque pendant toute l’occupation.

J’aimerais savoir ce que sont devenues ces femmes qui tenaient le restaurant après la guerre. Elles sont allées voir les copains et leur porter des colis quand ils ont été arrêtés.


NOTE*Ils se sont évadés des CTE, Compagnies de travailleurs Etrangers, soumis par l’occupant à un travail de forçat pour la construction du mur de l’Atlantique et les travaux de la base sous-marine. Ils étaient détenus au Fort de Montbarey. Cf Eugène Kerbaul ( Chronique d’une section communiste de province) et le livre de Antonio Muñoz Zamora ( Mathausen 90 009) racontant « La Resistencia Española contra las hordas nazis en la ciudad de Brest »



NOTE: Eugène Kerbaul cite Claudette Jeanne Cormault dans son Dictionnaire Biographique :
« Née à Brest en 1910. Entre dans la Résistance au Front National et aux F.T.P.. Activité d’hébergement à Brest dans son hôtel de « L’Aigle d’Or », au 57 de la rue Jean Jaurès. Elle « planque » de nombreux résistants, dont Yves Gourmelon de Quimerc’h, Jean-Pierre Le Rest, qui échappera de peu à une arrestation sur ce lieu même. Elle cache aussi des armes, procure de faux papiers et des tickets d’alimentation aux résistants.
4-En fin 1943, lors de la comparution devant le conseil de guerre allemand de Brest, du résistant communiste Jean Hénaff, elle réussit à prendre de ses mains les plans de la prison allemande de Pontaniou, établis pour préparer une évasion qui réussira le 25 octobre1943, libérant Hénaff et six autres résistants dont Jean Nicolas, qui fut tué au combat en juillet 1944 ».

C’est Jean Nicolas qui « reçut de madame Cormault, aidée de son frère Philippe Le Cars et de sa belle-sœur Denise, une mallette à double fond contenant le matériel qui permit l’évasion du 25 novembre 1943 ».



3-Les Jeunesses Communistes

Yves Autret. Je m’occupais des Jeunesses Communistes. Nous avions été formés par les instituteurs. Notre groupe était très soudé.
Je suis entré aux Jeunesses Communistes au moment de la guerre.

Je me rappelle, en 37, en pleine guerre d’Espagne, un grand meeting organisé par Tanguy-Prigent et le Parti Communiste à Pleyben. Je suis parti à bicyclette avec Pierre Berthelot et Maurice Cam. J’avais quarante sous pour faire ma virée. Mon premier geste a été de mettre mes quarante sous dans le drapeau des Républicains Espagnols, le drapeau violet, jaune, rouge .

Nous étions tous les trois à l’école. Nous avions passé le certificat d’études et nous préparions le brevet.

Nos professeurs étaient des hommes très cultivés et de fervents républicains.

Après le certificat d’études nous avions étudié l’antiquité, les civilisations égyptienne, grecque, romaine... Pont-de-Buis a été une pépinière de normaliens et d’employés des P.T.T.I.(poste….). On en trouvait partout, à toutes les responsabilités. Hascouët, notre instituteur, était fier de nous. Même après la guerre il était fier de l’équipe qu’il avait formée.

Nous avions un professeur de français sur Pont-de-Buis, François Merrien. Il donnait des cours le soir après la classe. C’était un normalien, un brillant élève et de surcroît un sacré beau garçon. Il devait avoir trois ans de plus que nous. Nous étions au parti avec lui.

Il nous faisait étudier « Le Capital » de Marx. Nous lisions et commentions son œuvre. Prix, salaires, profits. Je crois sa pensée toujours d’actualité, seulement il faut que cela reste libre, consenti, compris.

Du fait de l’existence de la poudrerie, nous comptions dans notre environnement des syndicalistes assez solides.

Pont-de-Buis est tout de même le seul patelin où on a fait grève contre la guerre en 1940 ! Le responsable était Jean Masson, militant ouvrier qui mourra en camp de concentration. Cela concernait la poudrerie. Un comble dans une usine d’armement !

Je me rappelle avoir discuté du fond de l’affaire, le Pacte Germano-Soviétique du 23 août 1939 avec René Berthelot.

-René Berthelot a fini adjoint au maire dans la banlieue de Paris-

Les Russes avaient demandé à Gamelin, généralissime des armées franco-anglaises en 39-40, dès 38 chef d’état-major de la Défense nationale, le droit de traverser la Pologne. Il y avait eu refus. Partant de là l’accord franco-russe et L’accord franco-polonais n’étaient plus honorables.

On s’était fait des amitiés et du respect pendant la Résistance. Et on les a perdus.

« La « ligne » !Je me rappelle cette interpellation d’un responsable du Parti d’Huelgoat :

_
« Tu n’es pas dans la ligne !»
_
« Tu nous fais c…. avec ta ligne ! » -lui répondis-je, indigné par ce reproche.

Je n’ai sans doute pas été le seul. Beaucoup sont partis, qui n’étaient pas dans « la ligne ». Et les copains qui ont laissé leur vie dans ce combat, étaient-ils dans « la ligne » ? La grande richesse humaine des hommes et des femmes qui luttaient pour les mêmes idéaux peut-elle se réduire à une « ligne » ?

Note sur notre instituteur, François Merrien:

François Merrien :
« Né vers 1920 a Pont-de-Buis. Instituteur. Il adhère au P.C.F. clandestin en 1940 sous l’occupation allemande. Versé aux F.T .P. en 1942, il prend part à de nombreuses actions contre l’occupant. Arrêté par des policiers français, torturé, il est livré aux Allemands qui le déportent dans un camp de concentration où il meurt. » E. Kerbaul.


4- L’Action Clandestine.

Yves Autret. Ie phosphore. Pour notre première action, nous avons fait un « coup de phosphore ». Nos premières actions étaient commandées par Albert Abalain. Il fallait nous aguerrir.

Les premiers échantillons de phosphore que nous avons eus ne provenaient pas de la poudrerie, mais de l’Ecole Publique de Pont-de-Buis, école toute neuve que les Allemands avaient réquisitionnée.

Le phosphore blanc est solide, cristallin, translucide, d’aspect cireux, souvent jaune pâle à cause de la présence d’impuretés. Il est insoluble dans l’eau et dans l’alcool. La propriété qui caractérise le mieux le phosphore blanc est sa grande réactivité chimique. Il s’enflamme spontanément à l’air dès 25°C environ. On doit veiller à ce qu’il ne soit jamais en contact avec la peau, la température du corps étant suffisante pour qu’il s’enflamme spontanément. Les brûlures provoquées par le phosphore blanc sont extrêmement douloureuses et se cicatrisent lentement. C’est de surcroît un poison violent. Le phosphore blanc doit être conservé sous l’eau et manipulé avec précaution.

Nous le mettions, entouré de chatterton, dans des boîtes de pastilles valda remplies d’eau, bien hermétiques. Cela ressemblait à des bâtons de craie de deux centimètres. Il fallait le couteau pour les débiter. C’était très efficace. J’en avait fait l’expérience chez moi. Je n‘arrivais plus à éteindre le feu, même après un séjour dans l’eau du lavoir. Le feu reprenait. Le balai de ma mère y passa !.

Notre première action de sabotage se fit sous la direction d’Albert Abalain. Il s’agit du même petit groupe, très soudé. Il y avait Pierre Berthelot, Jean- Pierre Le Rest et moi.

Nous sommes sortis après le couvre-feu, par des chemins repérés à l’avance. On est allé à travers champ pour incendier un dépôt de foin de l’armée allemande, sur
Quimerc’h. Nous plaçons notre phosphore, deux à trois morceaux, et nous filons.

8- Nous retraversons la vallée et nous attendons. Une demi-heure, puis trois quarts d’heure, toujours pas de feu. Abalain nous a dit :
« On y retourne, on va y aller à l’allumette. »
C’est alors que nous avons vu le feu dans le dépôt, et nous sommes rentrés.
D’autres opérations identiques ont suivi. Nous avons aussi incendié les dépôts de foin de l’armée allemande à Châteaulin et à Pleyben.

Le premier mai 1942, nous avons fait sauter le téléphérique de la poudrerie de Pont-de-Buis. Il y avait pour ce sabotage, Georges Abalain, Pierre Berthelot, Maurice Cam et moi. Le téléphérique servait à transporter les caisses de la poudrerie à la gare. Pour cette opération nous avions utilisé du plastic que nous avions collé sur le cable. Cela explosa sur le versant de Quimerc’h.

Je pense encore à cet attentat à l’explosif, dans la descente vers le Faou. Il y avait un camion d’essence en panne. Des gars de Quimerc’h y ont mis un morceau de phosphore. Tout a brûlé. C’est petit le cadavre d’un brûlé. Il y en avait plusieurs. L’un était toujours recouvert de son casque. Ce casque paraissait si grand.

La poudrerie nous fournissait les explosifs. Le directeur, monsieur Morel, lui-même, Louis Berthelot et Pierre Sizun(?)* au laboratoire étaient dans le coup.
La dynamite, elle, provenait de la carrière du Hingar.
Je crois que Morel, le directeur de la poudrerie, a été fusillé à Lyon.


Albert Abalain n’était pas souvent là. Il était notre aîné de cinq ans et engagé dès le début dans la Résistance dont il est une grande figure. Le groupe de maquisards de Pont-de-Buis portera son nom.

Albert Abalain était de Quimerc’h. Il avait fait une scolarité brillante. Il avait été reçu à tous les concours, Ecole normale, P.T.T., mais refoulé en raison des crises d’épilepsie dont il souffrait. Curieusement, elles disparaîtront quand il entrera dans la résistance. Il n’aura plus une seule crise.





Yves Autret- Je pense à eux tous, à ces aînés que nous avons perdus. Ils étaient dignes de l’admiration que nous leur portions et que nous leur portons plus que jamais. Ils avaient l’esprit ouvert, des « affranchis » disions-nous alors. Je pense aussi à Le Gall, François Le Gall, ingénieur agronome à Quimerc’h. Il a été tué dans la vallée de l’Aulne. De temps en temps il allait à Brest pour rencontrer tout ce groupe de résistants. Il était gros, presque une infirmité. Cela ne l’a pas empêché de tenir sa parole. Il avait dit qu’il ne serait pas pris vivant.
La gestapo l’a arrêté en bas de Quimerc’h, où sa mère tenait un café. Ils sont partis à la recherche d’un maquis le long de la Doufine. Il a sauté sur une des sentinelles, au cours d’une tentative d’évasion, et il a été tué.


Note « Communiste depuis 1936, Albert Abalain est réformé de l’armée. Dès les premiers mois de l’occupation, avec Pierre Corre, il procède à des sabotages à l’arsenal de Brest où il travaille. Devenu F.T.P., il effectue également des attaques à main armée dans la région. Responsable du Parti Communiste clandestin à Brest, après l’arrestation du triangle de direction le 28 avril 1942, il séjourne à Pont-de-Buis auprès de son père, ouvrier à la poudrerie, de ses frères, Georges son aîné de deux ans, Nicolas, et sa sœur Joséphine.

La police et la gendarmerie, en liaison avec les services allemands, redoublent de zèle. Le jeudi premier octobre 1942, elles s’emparent à Pont-de-Buis en Quimerc’h, d’Albert Abalain, pionnier de l’action immédiate. Son frère Georges, ouvrier comme lui à l’arsenal de Brest, échappe de justesse au coup de filet et alerte aussitôt Jean Guyomarc’h à Penn ar Quinquis, la maison familiale au Cloître-Saint-Thégonnec. »

Son nom figurait en effet sur le carnet d’Albert. Jean et Georges, redoutant une perquisition, passeront la nuit à brûler documents et tracts.
A cinq heures du matin, les gendarmes envahissent l’endroit, sous la conduite du capitaine Saliou, commandant la compagnie de Morlaix. Ils arrêtent tout le monde : Georges Abalain, Jean Guyomarc’h, son frère François ….Ils fouillent partout mais ne découvrent rien. »(R. Pichavant, « Les Clandestins de l’Iroise », tome IV.)

Jean Guyomarc’h, le futur lieutenant-colonel Pascal dans la Résistance, menottes aux poignets, réussit à prendre la fuite.
Ils arrêtent aussi Pierre Guyomarc’h, son frère, gérant d’une coopérative paysanne à Plounéour-Ménez.

Yves Autret.Nous savions qu’Albert Abalain devait se rendre au dispensaire de Châteaulin pour une visite de contrôle. Nous avons couru à la gare pour le prévenir, mais nous ne l’avons pas trouvé.

NOTE« En fait, par prudence, dissimulé dans le wagon des P.T.T., il était sorti par une autre issue. Mais les gendarmes français l’ont intercepté sur la route et emmené à la brigade. Lui aussi, menottes aux poignets, réussit à s’en évader le soir. Toute la nuit il poursuit sa cavale. Aucun paysan n’a voulu le débarrasser de ses menottes. Il revient par le bas de Saint-Ségal, le long de l’Aulne. Ils franchit la passerelle, à deux cents mètres de la gare de Pont-de Buis, devant chez son oncle auprès duquel il veut chercher refuge. Les gendarmes sont là, et commencent par le rosser d’importance. Ils le remettront aux Allemands. » (R. Pichavant)


5-Le Mont-Valérien. 17 septembre 1943.

Dix-neuf Résistants de Brest sont fusillés.

Yves Autret .Cette fin d’année 1942 sous la botte allemande est terrible. Les armes récupérées par les camarades au départ des Anglais en juin 40, les explosifs dérobés à la Pyrotechnie de Saint-Nicolas à Brest et à la poudrerie de Pont-de-Buis, d’où ils sont transportés à destination par les frères Abalain,- « du pur sucre » disait Georges-, permettent une succession d’attentats dans le secteur stratégique de Brest. Les polices allemande et française sont sur les dents. Leur but : démanteler « l’Organisation Terroriste de la Région de l’Ouest ». Pour les zélés collaborateurs et les occupants nous n’étions pas des Résistants, mais des « Terroristes ».

Le 28 août 1943, Albert Abalain et dix huit autres résistants, « dangereux terroristes », seront condamnés à mort par le Tribunal militaire allemand de Paris, pour « actes de sabotage et de terrorisme contre les troupes d’occupation allemandes » et « entreprise active de recréer le parti communiste illégal dans le but de combattre les troupes allemandes d’occupation », pour trois des résistants . Ils seront les dix neuf Brestois fusillés au Mont-Valérien le 17 septembre 1943.

La dernière lettre d’Albert Abalain et un article de presse commentant cette exécution témoigne de la noirceur, de l’ignominie de cette époque, mais aussi de l’exceptionnelle qualité d’homme de ces combattants de la liberté.

Quelle richesse humaine chez ces hommes. Toute ma vie je serai tellement fier de l’estime qu’ils m’ont portée.

« La mort naturelle libère l’humanité de ses fragments usés ; la mort violente donne par réaction une énergie nouvelle à cette humanité. Toute ma vie, j’ai lutté contre la guerre et pour une vie meilleure, pour le progrès. Les morts sont de grands convertisseurs. Ma mort sera utile. »
C’est le message que nous a laissé le docteur Fernand Jacq, le médecin des pauvres du Huelgoat, fusillé à Châteaubriant en décembre 41.
Dès le 31 août, un engin explose à l’intérieur de l’arsenal. La relève est là.



6-Les Jeunesses Communistes. Nouvelles responsabilités. La clandestinité.

Yves Autret- 1942. L’année de mes dix-neuf ans. Je suis déjà «dans le coup ». Après les arrestations sur Brest, Jean Guyomarc’h est venu me voir. Il était responsable du Front National. C’était un copain des frères Abalain. Jean Guyomarc’h avait un charisme exceptionnel. Encore un qui sortait de l’Ecole Normale, comme Daniel Trellu. Il était venu au Pont-de-Buis. Il connaissait une belle fille qui était à l’Ecole Normale avec lui. Je ne sait pas s’il l’a vue, mais il est venu me voir chez moi, chez ma mère. Et c’est là qu’il m’a demandé de prendre les Jeunesses Communistes.
Ce jour là, je bêchais le jardin. Mon père était mort en 37, et j’étais l’homme de la maison.

-
« Je vais te donner un coup de main. »- m’a-t-il dit aussitôt.
-
« Pas avec tes belles pompes ! ».-lui ai-je répondu.

Il portait aux pieds de belles chaussures. C’était si rare en cette période de rationnement, que je les ai remarquées. Elles venaient de la ville de Fougères. C’étaient les copains qui lui en avaient fait cadeau. Il était responsable de l’inter-région, et couvrait tout l’Ouest, dont Fougéres.

-
« Je tâcherais de t’en avoir une paire. »
Et il s’est mis à bêcher le jardin.

J’avais donc la responsabilité des Jeunesses Communistes à l’échelon départemental. Je devais garder le contact avec les groupes existants, en créer d’autres, et rendre compte.

A Brest j’avais un contact. Au Pont-de-Buis aussi.

J’ai créé le groupe de Quimperlé. Mon contact était Jean Yézou. Il faisait ses études à Quimperlé à l’E.P.S., Ecole primaire Supérieure très réputée. Il préparait ce que l’on appelait alors le brevet supérieur. Beaucoup de Pont-de-Buisiens allaient à Quimperlé préparer ce diplôme, car on pouvait enseigner comme instituteur 11-avec le brevet supérieur. A Quimper, c’était un lycée, ce qui était pour nous plus difficile. Il a fait ensuite toute sa carrière à l’académie.
Nous avions le même âge. Il est sorti de sacrés gars de cette école. Tous ont fait des responsables d’unités. André Le Cras, ancien élève de Pierre Guéguen, faisait partie de ce groupe, ainsi que Etienne Millour, tué au combat de Kernabat, Moal( ?)*. Des gars bien, tous. Tous ont fait des responsables FTP. Eux, ils ont fait du boulot !.

Au lycée de Morlaix j’ai créé un autre groupe. Mon contact était un gars de Quimerc’h, Jean Le Foll. C’était aussi un ami de Jean-Pierre Le Rest. Il tombera entre les mains des Allemands qui
le fusilleront à Mousterlin.

Il y avait aussi dans ce groupe Even, marchand de vin à Brest, basé à Morlaix.

Par les Morlaisiens, j’ai pu créer un groupe à Saint-Pol-de-Léon. C’était une équipe de gars chaleureux, des emballeurs de légumes.
Je voyageais en car parfois, en train surtout. Jean Guyomarc’h m’avait donné 900F. Un bon salaire d’ouvrier.

Comme j’avais assez avec cette somme, j’ai refusé sa proposition de m’en redonner.
Je portais une vieille veste de mon père, la couturière de la famille l’avait retapée pour moi, un pantalon en tissu marin, une canadienne. Les trains n’étaient pas chauffés, jamais à l’heure, et il fallait donc se protéger du vent et de la pluie pendant les longues attentes.

J’étais souvent en sabots.

Il ne fallait surtout pas me faire remarquer. Comment passer le plus inaperçu possible ?.Je pense à Baptiste Sissou, de Plounéour-Ménez. Il passait inaperçu partout où il passait : Sabots de bois et musette. Mains sales, ce qu’il obtenait en frottant ses mains contre les pneus. C’était un responsable de l’organisation F.T.P. Baptiste a été arrêté en 43 par des policiers français qui l’ont livré aux Allemands. Il est mort en camp de concentration.

Je pense aussi à Eugène Kerbaul. Au camp de Châteaubriant, où il était interné comme beaucoup de communistes, il faisait partie du groupe des « évadeurs ». Ce groupe était chargé de préparer des évasions. Par où s’évader d’un camp ?. Et bien, par la porte du camp !. Personne n’avait pensé à la porte. Ils sont donc sortis à sept, par la porte, avec des habits de théâtre faits en carton.


A Brest, j’étais soigné. J’allais dans un petit restaurant près de l’Economie Bretonne ». C’était une grosse épicerie tenue par un « Breton Emancipé » de Paris. Il était aussi grossiste en café, sucre, denrées précieuses en cette époque où nous étions affamés
par l’occupant. Il me donnait du lait concentré, des boîtes de sardines.

Plusieurs responsables de nos organisations sont passés chez moi, dont une fille qui a été longtemps notre interrégionale. Elle a été arrêtée à Guingamp et déportée.

Je l’ai rencontrée assez souvent.

Une autre femme a pris la suite, Blanche Emmerich.(cf doc) Elle venait de Paris. Elle dormait chez moi et se levait de bonne heure pour prendre le train et repartir. Elle prenait bien sûr un petit déjeuner à la maison, et cela se passait mal avec ma mère. Après son départ, elle lui reprochait de s’être servie trop largement et d’avoir mangé tout le beurre. Impardonnable aux yeux d’ une bretonne !.
Cette femme a été retirée du circuit, à ma demande et en accord avec Jean Guyomarc’h, car nous redoutions que ses allées et venues n’attirent l’attention sur nous. Elle avait un genre qui ne passait pas inaperçu.
Elle a alors été retirée du circuit voyageur et mise à la propagande. Elle est allée à Trédudon, c’est Jean Guyomarc’h qui s’en occupait. Je sais qu’elle a eu l’occasion de travailler sur la ronéo que nous avions sortie de la bibliothèque de la poudrerie à la barbe des allemands.
J’ai eu de ses nouvelles après la libération, elle a repris contact avec moi. Elle appartenait à une famille pour laquelle des gens de Pont-de-Buis ont travaillé.


« L’Emprunt » de la ronéo. Ce fut un coup osé !. Nous sommes allée « piquer » une ronéo dans la poudrerie de Pont-de-Buis. Les renseignements avaient été donnés par un des frères Abalain. Nous sommes partis à deux à la bibliothèque. Un des fils Berthelot m’accompagnait. Il a pointé pour moi. Je suis sorti avec la ronéo sous le bras à la barbe des Allemands. Un garde était à cinquante mètres. Un Allemand est sorti d’un café, en face, avec son chien. Par bonheur il n’a rien vu. Guyomarc’h était au pied du mur, de l’autre côté de l’enceinte. La ronéo est passée par dessus le mur et il l’a réceptionnée. Dehors il y avait aussi un des frères Abalain.

Nous, nous avons utilisé l’entrée officielle de la poudrerie pour quitter les lieux.

Cette ronéo a donc été envoyée à Trédudon. Je l’ai mise sur mon vélo,…et j’ai pédalé jusqu’à Trédudon. Elle a été placée dans l’écurie chez Pierre Plassart.
Mais ils s’en sont peu servi, et j’ai ramené la ronéo à Pont-de-Buis, toujours sur mon vélo.

Le groupe de Brest était très jeune, et je savais que je pouvais faire beaucoup mieux.-A côté de ceux qui avaient disparu, je me sentais un petit joueur.
A Brest, je rencontrais Marcel Boucher, un gars de l’arsenal. Il avait pris la responsabilité du groupe de Brest, quand son chef, Yves Giloux a été arrêté. –Yves Giloux est l’un des dix-neuf Brestois fusillés au Mont Valérien le 17 septembre 1943._

Marcel Boucher avait aussi travaillé avec Pierre Corre. Il avait donc un sacré pédigrée. Il avait une vitalité et un culot fantastiques. Nous avions le même âge. Il habitait Recouvrance.

Son beau-frère, ouvrier à l’arsenal lui aussi, était le spécialiste des faux-papiers. Il me racontait ses histoires, comment il s’y prenait pour réaliser ses faux-papiers, comment il améliorait ses techniques. Il reproduisait les cachets avec des pommes de terre. Comme il était à l’artillerie, il pouvait avoir du matériel pour graver.
J’avais des papiers de la Kriegsmarine. (Ouvrier de l’arsenal ?)

Ce qui me donnait le droit de circuler de jour comme de nuit.

Un soir, à Pont-l’Abbé, ils m’ont coincé dans des chicanes. Quand j’ai sorti mes papiers, ils se sont presque mis au garde-à-vous.
_
« Vite – couché- madame. » _et ils m’ont ouvert le passage.
Je transportais ce jour là une mitraillette démontée.

Je voyageais léger le plus souvent possible. J’avais des caches dans les phares de vélo, dans les pneus aussi, quand délaissant le train ou le car j’utilisais le moyen de transport le plus économique, le vélo.

J’ai eu aussi comme agent de liaison, Emma Caroff, une jeune fille de Trédudon, d’une famille de paysans. Elle m’accompagnait lors de mes déplacements à vélo quand je devais transporter des « colis » dangereux. A deux nous attirions moins l’attention. Nous avions un vélo chacun.

14- Un jour, nous avions rendez-vous à six heures du matin au Cloître-Pleyben. Elle m’a attendu, près du carrefour convenu, de six heures du matin jusqu’à six heures du soir. Nous avions deux ou trois cent mille francs à trimballer. Quand on s’arrêtait, le soir, pour demander le souper et le coucher dans une petite ferme, elle savait s’y prendre pour rassurer et nous obtenir un bon accueil.

Elle allait immédiatement à l’étable et se mettait à traire les vaches.

Si c’était l’homme qui se présentait en premier, je l’abordais en lui parlant breton. On ne nous a jamais refusé l’hospitalité.
« Lak an azez ta », et on poussait un bol de soupe devant moi.

Les paysans pauvres de la Montagne ont été remarquables.

Le matin Emma trayait de nouveau les vaches et m’apportait un bol de lait tout frais.

Je dormais dehors, bien à l’écart de la ferme. Je voulais rester maître de mes mouvements, et ne pas être pris au piège.
Je pouvais dormir partout. Je mettais mon blouson sous ma tête et je m’endormais aussitôt. J’étais armé généralement. J’avais une arme fournie par Lozach courant 43.
Marcel Lozach était un armurier de métier, originaire de Landeleau. Il venait de Clermont-Ferrand.
La première fois que je l’ai rencontré il était habillé en curé. Il portait un bréviaire dont les pages découpées cachaient son ersalt, un pistolet belge.*On s’est vu à Plonévez-du-Faou, chez une personne qui habitait le bourg.

Marcel Lozach avait un frère qui tenait une ferme à Plonévez-du-Faou. C’était un homme roux, assez grand. Je l’aimais bien. D’une grande honnêteté.


J’avais une bonne mémoire, ce qui limitait les documents, mais quelques fois je devait transmettre la presse clandestine.
Mon boulot était de faire le point avec les gars. J’étais chargé de contacter les jeunes, en organisant parfois de petites réunions. Je faisais avec eux un tour d’horizon politique, eux, ils me donnaient leurs projets. Je leur faisais confiance. Je devais alors faire remonter les informations. C’était mon rôle, faire la liaison entre les différents groupes dans le département, et faire la liaison avec l’interrégion.
J’utilisais, en particulier pour le journal clandestin « France d’Abord » et les transmissions sur Paris, la filière du rail. Nous avions des camarades sur les grandes lignes Paris- Quimper et Paris-Brest, dans les wagons-lits, ou encore par le wagon-P.T.T. de Quimper.

Pour tous ces déplacements, je devais être prudent. J’avais rendez-vous dans un endroit précis. Il y avait énormément de retards de trains qui mettaient en l’air les rendez-vous prévus. Ils étaient alors rattrapés, soit deux jours, soit une semaine après, même heure, même lieu.

Je savais toujours où j’allais. J’avais des« planques » chez des résistants où je savais pouvoir dormir. Mais je n’étais jamais à l’abri d’une mauvaise surprise : un soir, fin 43, alors que j’arrivais à hauteur du numéro 49 de la rue Jean Jaurès à Lambézellec, où je pensais passer la nuit chez Jacob Mendrès, j’ai fait immédiatement demi-tour en voyant des voitures garées devant chez lui. J’ai dormi cette nuit là rue Henri Barbusse, chez Germain Riou. Il m’a dit que Jacob avait pu échapper à l’arrestation.

Il y avait un copain qui était mitron à Recouvrance. Je l’appelais discrètement par le soupirail. Par lui je savais toujours où trouver Marcel Boucher.
Il fallait prendre des précautions. Je tournais et virais plusieurs fois pour vérifier que je n’étais pas suivi.
Le cinéma aussi était un lieu de rencontre.

J’ai été plusieurs fois interpellé pour des contrôles de papiers.

Un jour j’ai été emmerdé par un flic français. Il voulait à tout prix m’envoyer à la gendarmerie de Rosporden. Je n’étais pas disposé à me laisser faire. J’étais armé. Ce jour là, j’ai désarmé le flic. J’ai toujours sa paire de menottes et son sifflet.
Je me demande si ce n’est pas ce jour là que j’ai été arrêté aussi par les Allemands ?.J’avais l’arme d’un gars de Concarneau.


Les sabotages. Les déraillements de trains étaient une de nos tâches. Pour tous les déraillements, j’étais présent avant et après. Les informations étaient transmises pour que cela paraisse dans France d’Abord. Marcel Boucher, le chef du groupe de Brest, y prenait un rôle important. Il avait une façon de faire tout à fait originale. Boucher et les gars avaient mis ça au point : déraillement en six à dix minutes, mais dehors tous les soirs pendant quinze jours. Marcel boucher était un bricoleur de génie. Il avait mis au point une valise dans laquelle tout était prêt pour faire un déraillement.

Tout le matériel était démontable et enveloppé de chiffons pour que ça ne fasse pas de bruit. Il fallait être dehors toutes les nuits pendant huit jours, pour noter les passages de trains ainsi que les patrouilles. Avant de décider d’un déraillement, il fallait réunir toutes les informations. Il y avait dix-sept ou dix-huit gars sur ce boulot, et le déraillement se faisait à trois ou quatre.

L’opération se passait ainsi :

De nuit, après le couvre-feu, huit soirs de rang, ils mettaient une petite goulée d’huile sur les tirants, à l’endroit choisi pour le déraillement. Cela facilitait le boulot. Le soir de l’opération ils enlevaient six tirants. Après, avec des barres, ils déplaçaient le rail. A plusieurs ils tiraient sur le rail, le déplaçaient, et remettaient le tirant de l’autre côté. L’opération, grâce à la préparation antérieure, n’avait pas durée dix minutes.

Je pense que l’on peut compter 72 déraillements sur toute la période.

On a travaillé en cheville avec Landévant, où un groupe de Républicains Espagnols faisait parler de lui, et les Côtes d’Armor. En effet, il y avait, pour tout l’ouest, deux grandes grues, à Saintes et au Mans, que l’occupant faisait transporter par rail selon les besoins. Trois déraillements ensemble coinçaient les grues pour quelques temps. C’est ce que nous avons réussi.

Il y a eu aussi le déraillement du tunnel de Quimerc’h. Tous les jours quatorze trains montaient et quatorze trains descendaient. Ils transportaient des galets de Tréguennec, à côté de Pont-l’Abbé, pour la base sous-marine de Brest. En descente, la locomotive de tête a déraillé, la locomotive de queue a continué sa course et lui est passée dessus.

Au loin, nous entendions un bruit curieux, inquiétant.

Note .Dans la nuit du 16 mars, avec André Lagoguet, Jean Sizorn « et sept amis du Pont-Neuf, Jean Auffret et Roger Guéguen, tous deux chargés de signaler par fusées, dans la forêt du Cranou, l’approche des trains descendant de Brest, Pierre Auffret, François Perrot, René Duigou, Camille Omnès et Alain Masson, Pierre Bodénan a fait dérailler un convoi de treize wagons et deux locomotives sous le tunnel de Quimerc’h. Non sans mal !. La clé à dévisser les boulons avait été modifiée. Il fallut en quérir une autre, tandis qu’un premier train passait. Le second sera le bon. 245 traverses et 19 longueurs de rail avaient cédé, ce qui interrompra longtemps le transport des galets de Tréguennec sur la côte du pays bigouden aux chantiers de la Todt à Brest. » (R. Pichavant)

Yves Autret.Près de Daoulas, à Dirinon, nous avons fait dérailler un wagon de chaussures et un wagon de cochons. Les cochons s’étaient échappés dans toute la campagne. Ceux que l’on a pu rattraper étaient noirs, car les chairs de ces animaux se meurtrissent facilement.
Le cochon, butin de guerre de l’armée Allemande, ne quittait pas comme cela sa Bretagne natale !

Pendant cette période d’activité intense de sabotage il n’était pas organisé d’attentats individuel.

Je n’habitais plus Pont-de-Buis, mais Châteaulin.

Je ne fréquentais pas beaucoup Trédudon. Je trouvais que c’était dangereux.



7-LES EVADES BELGES. Vers octobre 1943

Yves Autret. J’ai dû m’occuper de trois Belges, à la demande de Henri Lambert( ?)*Ces trois Belges s’étaient évadés d’un camp de travail de la Todt à Brest et devaient rejoindre l’Angleterre. Ils avaient besoin d’une planque. Je me suis présenté à la porte d’une gentilhommière à Saint-Pol-de-Léon. La porte me fut ouverte par un valet de pied et je fus reçu par mademoiselle de Kervénoël. Les trois belges m’attendaient. Mademoiselle de Kervénoël devait cacher des aviateurs alliés dans l’attente d’une évasion par l’Aberwrac’h ou l’Aber-Benoît. Elle ne pouvait loger tout le monde.

J’ai pris des billets pour mes trois Belges et pour moi. Je les ai convoyés en train jusqu’à Châteaulin, en les disséminant dans les wagons. J’ai surveillé aussi de près le changement de train qui s’effectuait à Landerneau.

A Châteaulin, Auguste Le Guillou les a pris en charge. Après une nuit au dessus de la perception, ils seront confiés à (Louis Baugion ?)et rejoindront la grotte de Roz Divez, entre les écluses de Pen-ar-Pont et de Guilec .

Ils participeront ainsi aux débuts du maquis de Châteaulin. Théo Mertens, Gustave de Nève et Roger Elaut vont vivre là jusqu’à la fin octobre. Le ravitaillement s’avérant difficile, ils déménageront pour une carrière entre les fermes de Pen-ar-Pont et du Quinquis.



Quelques notes: René Pichavant, Tome IV
19 octobre 1943. Arrestation au café de Louis Le Meur, à Châteaulin, en face du tribunal, de Robert Alba et Yves Le Gall.
( Lagardère).(p.297)
12 mars 1944. Encerclement du maquis de Pen-ar-Pont par six cents soldats. (p.309).
(16 mars 1944, sabotage dans le tunnel de Qimerch.(Rappel)).
27 avril, destruction du Moulin Job. « La veille, Micheline Flohant, agent de liaison, avait signalé le curieux manège d’ officier et de son ordonnance devant la maison de Pierre Bodénan. Celui-ci et son groupe s’étaient réfugiés dans la cabane de Creach-Moyec, à huit cents mètres du Pont-Neuf. Ce 27, les Allemands du commando Schaad de Landerneau aidés par des miliciens bretons sous leur uniforme, procèderons aux arrestations de François Le Gall, 34 ans, ingénieur agronome, dont les parents tiennent la « Buvette de la Gare », de Roger Géguen et de Jean Le Foll, qui, traîné au préalable chez les parents de Pierre, ne révèlera rien. Tous les trois seront conduits en camion à la ferme de Penhoaden et laissés sous la garde d’une seule sentinelle. Frannçois savait ce qui l’attendait. Il avait juré qu’on ne le prendrait pas vivant. Il sauta de toute sa force et de tout son poids de cent kilos sur la sentinelle qu’il étrangla. Mais un soldat s’était attardé à la ferme tandis que ses compères saccageaient le moulin. Il entendra les bruits de lutte provenant du camion et, accouru, atteindra François de deux balles dans la tête. Ses deux compagnons seront conduits à la prison Saint Charles et fusillés. »


8-L’ATTAQUE DE LA PRISON SAINT-CHARLES. 11-12 mars 1944.

Yves Autret. Nous avons tenté une attaque contre la prison Saint Charles à Quimper. Joseph Michenski, un déserteur de l’armée allemande était à nos côtés.
Il était très bien. Et puis les choses ont mal tourné. Il y a eu vol d’argent chez des paysans. Une autre fois, il est rentré saoul comme un cochon et a tiré dans le grenier d’une ferme abandonnée que l’on avait à Plonévez-du-Faou. Les gars dormaient là. Il y avait Alix, Yvinec, leur Chef. Il a failli les toucher. Ils ont pu le maîtriser et le désarmer.

Témoignage dans le tome I du « Finistère dans la guerre » (Legrand et Thomas), p.378-392.+lettres p.410_411.

Un coup de main d’une grande audace et d’un courage exemplaire, préparé, en accord avec l’Etat-Major des F.T.P., par Pierre Cabellic, (commandant Fernand), et Fanch Iliou, pour délivrer des Résistants condamnés à mort.
René Pichavant, tomeIV p.164-165, donne la date du 9 avril, et celle d 12 mars à la page 308 du même volume.

P.310, Jean Pichon et Théo le Belge étaient de « l’aventure quimpéroise »
Amis de la Résistance-ANACR, témoignage de Jean Kérrizoré,
« Résistants et Maquisards du Finistère » Tome I


9-ON S’ORGANISE EN VUE DES COMBATS DE LA LIBERATION.

Yves Autret.A la création des maquis dans le Finistère, tout l’appareil a été divisé en Sud et Nord.
Tout un appareil a été arrêté à Quimper, à la Tour d’Auvergne. Ce fut un coup dur.
Le commandant Fernand a pris le Sud. On s’est étoffé. Est arrivé Stephan, le Commandant André, un prisonnier évadé. Il avait traversé toute la Pologne, l’Allemagne, puis la France jusqu’à Toulon.

Quant à moi, j’avais en charge le Nord-Finistère. J’avais avec moi Lozach qui était le responsable aux armes. Le Gall avait la partie militaire.

Voici notre organisation :

Trellu commandait tout le Finistère. Au Nord : Yves Autret, Responsable aux Effectifs, dont la compétence s’étendait à tout le Finistère, Marcel Lozac’h, Responsable technique et Yves Le Gall, Responsable Militaire.

Au Sud, Gouil, Responsable Technique, Pierre Cabellic (Le Commandant Fernand, qui devait mourir des blessures reçues à Kernabat), Responsable Militaire et André Stéphan, Responsable aux effectifs. Des gars bien, qui avaient de la dimension.


Lors d’une réunion à Plonévez-du-Faou, début 44, ça avait bardé. Trellu nous avait imposé Le Gall. Nous, nous voulions Yvinec, Capitaine Callac, au poste de Responsable Militaire. Nous connaissions bien Yvinec. Tous les gars du maquis l’adoraient. Yvinec était un véritable ascète et les gars le portaient aux nues.
Le Gall avait passé six mois dans les geôles. Arrêté à Châteaulin, pris pour « Raymond », c’est à dire Daniel Trellu, il avait finalement été relâché. Il pouvait donc être surveillé et suivi .
Le Gall n’a jamais été un FTP de cœur.


10-LE GROUPE YVES GILOUX DE BREST. LE MAQUIS DE PLONEVEZ-DU-FAOU.
YA. Le groupe Yves Giloux fut chassé de Brest et séparé. Une partie gagna le « refuge » de Trédudon, l’autre partie est allée à Plonévez avec Yvinec et Alix en février 44. Ils ont fini par rejoindre Scrignac et les Côtes du Nord en avril 44.
J’ai déblayé le terrain pour tous ces gars là.
J’étais au maquis de Plonévez-du-Faou avec Yvinec. Dans un bosquet, un trou dans la terre. Comme un rat. Un fusil Lebel sans magasin. On ne pouvait engager qu’une seule balle dans le canon. J’ai monté la garde. Je tenais à prendre mon tour, comme les copains. Nous étions une douzaine.

Le jour du Débarquement, le six juin, je suis à Trédudon.
La consigne était de faire une ligne qui coupait le Finistère pour empêcher les Allemands de regagner la Normandie. Harcèlements. Barrages. Couper les arbres. Il fallait organiser tout cela.


LES ARMES.
Yves Autret. Les armes arrivent à Plonévez. Yvinec a fait un coup sur une troupe allemande en débandade.
J’avais accompagné les gars pour aller à Trédudon. Nous avions pris le car à Pleyben. Il s’était arrêté à La Feuillée. Le café Marzin était en partie occupé par les Allemands. Ils y avaient une armurerie. Ils ont trouvé le moyen de piquer le fusil-mitrailleur! C’est Raoul de Pont-de-Buis. Marié, deux enfants. Marin.
Ils étaient prêts à tout pour avoir une arme.

Les armes. Nous avons eu une rencontre à Châteauneuf pour les armes. Il y avait Trellu, Le Gall, Thierry Kunst de Rennes. Péron représentait le Parti. C’était un cheminot d’Auray, où sa femme était directrice d’école.
Berthaud Chef Départemental des FFI a râlé parce que seuls les F.T.P. avaient des armes.

Quand Berthaud se plaignait auprès des « Jedburgh » parce qu’ils n’armaient que les FTP, on lui répondait : » Comment voulez-vous qu’on les parachute ailleurs, il n’y a personne ! »
Nous les FTP nous étions alors les seules forces capables de réceptionner les parachutages, de répartir les armes, de débarrasser rapidement le terrain de toutes traces.
Il y a le terrible exemple de Kernabat. Le parachutage précédent avait grillé le terrain.
Pour Scaër j’avais donné la responsabilité du parachutage au Père Henri, Guillaume Péron. C’était un gars tranquille, gentil, il était formidable. Je ne sais pas comment ils ont pu penser à faire un autre parachutage sur le même terrain.



L’ARGENT.

Yves Autret. Il n’y avait pas d’argent dans les parachutages. André l’a cherché plusieurs jours.
Il y a eu 700 000 F à Braspart. Lebel et Knox ont mis 100 000 ou 200 000F pour payer les gars.
Berthaud nous a donné de la main à la main, à Iliou et à moi, 6 ou 8 millions de Francs, pour payer nos troupes. Deux jours après il ne restait plus rien. On avait payé les gars.
Lozach a fait un coup à la perception d’Huelgoat. Un million. Il est venu me le porter. Il ne manquait pas un centime.
Cet argent a servi à payer la troupe. On l’utilisait aussi pour le soutien aux familles de fusillés et de déportés.
Le plus débrouillard était Georges Nédelec, instituteur du Faou. Il allait directement prendre de l’argent chez le notaire, à Plougastel, notaire auquel signait des reconnaissances de dettes. Toutes ses unités ont fonctionné comme cela.
Son frère, Alexandre, a été arrêté dans l’affaire des armes du Faou.

Je touchais une solde de lieutenant. Je suis resté dans l’armée quelques temps. J’ai donné le reliquat de ma solde au Parti Communiste. Si bien que c’est ma sœur qui a payé les bagues quand je me suis marié.


11-LES PARACHUTAGES. LES F.T.P. reçoivent des armes. Juillet 44.

Yves Autret. Lorsque les parachutages furent décidés, il est apparu que seuls les F.T.P. étaient capables de les recevoir. Douze parachutages furent prévus, annoncés par douze messages de fruits. A moi de me débrouiller pour trouver douze lieux de parachutages. Tous les terrains prévus n’étaient pas praticables. La vallée de la Douffine était trop accidentée, les avions n’ont jamais voulu y faire de parachutage. Je préparais toutes ces opérations essentielles et pleines de danger à partir de simples cartes routières. Puis Je faisais le lien entre les groupes et les parachutages annoncés.
J’étais alors logé au Maquis de Châteauneuf avec Le Gall.
LE 9 juillet, le groupe de Châteaulin-Châteauneuf ( ?) reçoit la première équipe « Jedburgh », « Giles », du Finistère, au Hellen. (p 325,326 IVR.P.). La seconde, « Gilbert », suivra à Kervir en Scaër, le 10. La même nuit, ce sera la mission « Francis » à Quimperlé.
Cette nuit du 9 au 10 juillet, j’étais à Plourach, dans les Côtes-du-Nord, avec soixante gars. Nous avions rendez-vous avec un commandant anglais, Schmidt, qui n’est jamais venu. Nous devions recevoir des armes. Son agent de liaison est arrivée, une fille de Concarneau, une demoiselle Schwartz dont le père était armateur. Nous redoutions un traquenard. C’est Jean Sizorn qui, par prudence, avait assuré la garde de l’ agent de liaison toute la nuit.
C’est à Plourach que j’ai entendu pour la première fois le Chant des Partisans. Une fille Salaün de Châteauneuf l’a chanté dans la cour de la ferme où nous attendions le commandant Schmidt. Emma, mon agent de liaison était là aussi.
Les gars étaient dissimulés dans les bois autour de cette ferme.
Au retour, avec les soixante gars, on est tombé sur une noce, près de la mine de Poullaouen. Il n’y avait plus moyen de les déloger.

Le maquis de Châteauneuf se déplaçait constamment ; Nous étions en bisbille avec l’équipe « Jedburg » qui, au moindre bruit, déplaçait le campement.
De cette équipe, c’est Knox que j’ai connu le mieux. Knox avait fait la Guerre d’Espagne. Il s’était engagé dans les Brigades Internationales. Un jour il a rencontré au maquis un gars de Saint Thois, « Charles Marché Noir ». Ils avaient fait la Guerre d’Espagne ensemble, Charles était son chef. Ils ne se sont pas quittés pendant trois jours. Ils ont liquidé une caisse d’apéro de chez Moigne à Châteauneuf. Knox était paraît-il professeur de latin et grec dans le civil. Il pouvait interroger en allemand les prisonniers et parlait couramment le français. Je pense qu’il appartenait à la CIA.
Nous n’avons jamais su quand de FTP nous sommes passés FFI. Nous avons toujours gardé notre autonomie. Les visites de Trellu étaient assez rares, mais nous avions un chef qui descendait souvent de Rennes*. Son nom ne me revient pas en mémoire. Il est allé en Indochine ensuite et a fait une carrière dans l’armée. Il est devenu général. Même Berthaud, notre chef d’Etat-Major FFI, se taisait devant lui.

*Thierry Kunst?


12-Les Survivants de ce combat.

Yves Autret. Cette fraternité qui nous unissait dans la Résistance, nous unit toujours, nous, les survivants, une fois la liberté reconquise. A quel prix cette liberté ! Combien de camarades avaient à peine deviné l’aube de cette liberté, massacrés, torturés, fusillés en ces temps de barbarie nazie. Et encore nous n’imaginions pas les monstruosités que les libérateurs découvrirent dans les camps nazis. Le calvaire de ceux qui y sont restés. Les yeux immenses et la peau sur les os. Ceux qui en étaient revenus témoignaient à jamais de l’horreur qui s’était abattue sur les peuples.
Les juifs d’Europe avaient été exterminés.
Mais nous ne l’avons pas compris.
On ne parlait pas d’antisémitisme en Bretagne.
A partir de juin 1942, les Allemands imposent à tout « juif »- selon leurs lois raciales- de plus de six ans de porter une étoile jaune. Cette mesure spectaculaire aurait pu nous frapper. Ce ne fut pas le cas.
On ne s’est pas rendu compte qu’ils avaient besoin d’aide. Les gars n’ont pas dit assez comment et pourquoi s’exerçaient ces persécutions. On ne nous a jamais donné leur protection comme objectif.



Jean-Louis Derrien a été le chauffeur du docteur Perper lorsqu’il était à Plonéour-Ménez. Il ne savait même pas que Perper était juif.
Nous en avons tant parlé, nous avions tant de souvenirs, tant de coups durs, tant d’émotions partagées, mon copain Jean Sizorn et moi. Il est mort au début de l’année 2001. Il était bien, sur tous les plans. Il avait formé sur Landerneau un groupe F.T.P., très actif dans le sabotage. Quand on se réunissait pour dire où aurait lieu le prochain sabotage, si Jean disait « on va le faire là »-on savait que c’était là qu’il se ferait. Sa mère et sa sœur ont été arrêtées et déportées à Ravensbrück. Sa mère n’est pas revenue.
Il était bourrelier. La famille avait une petite entreprise à côté de Landerneau. On y faisait des tentes, des voiles. Une équipe de femmes, quatre ou cinq. Jean ne s’en occupait pas. Et ça marchait. Ses employés et lui étaient en bonne entente. C’était un sacré gars. Il avait une vedette qu’il garait devant la maison quand il passait par Quimerch. Je savais que nous allions passer un bon moment à raconter nos histoires. Pas seulement nos souvenirs de résistants, nous pouvions aussi parler des saumons qu’il braconnait.
André Stéphan, et sa femme, Yvonne. Commandant André.
Daniel Trellu, notre chef F.T.P.pour le Finistère, a écrit une lettre d’adieu à Yvonne. Quand nous l’avons enterrée, il nous a lu cette lettre. C’était très beau. Nous étions tous en larmes.
Daniel Trellu était aussi un grand poète. Il a publié un recueil de poèmes, « Des mots et des Chants », « G…. ha soniou » en breton. Son poème sur « L’arbre » est si beau.
André Stéphan avait été fait prisonnier en 40. Grâce à un réseau communiste il a pu s’évader d'Allemagne. Chaque soir il savait où il allait. Il a été guidé comme cela d’étape en étape par des communistes allemands. Il était le responsable F.T.P.du Sud-Finistère, et nous étions ensemble à l’Etat-Major F.T.P. en 44. Après la guerre il est devenu patron d’un chantier de construction navale à Concarneau.
Guillaume Alix, officier mécanicien de la marine marchande.




13-LA LIBERATION. LES ARCHIVES.

Yves Autret. Nous avons des archives. Mais où sont-elles, ça c’est une autre histoire !.
Fin 44, le Parti a un bureau rue Théodore Le Hars. C’est l’ancienne compagnie Lebon. Mais un jour il a fallu tout déménager. Nous avions des dactylos. Elles avaient tapé en double et en triple exemplaires l’histoire de toutes les unités. Tout était encore bien frais dans nos mémoires.
Il a fallu tout déménager. Un commissaire de police est venu me dire : » Tu sais, Autret, on va perquisitionner. »
On avait là des chaussures, des vêtements,(du tabac *)….
Dans la nuit, on a tout chargé pour le front de Lorient. Nos documents ont alors été rangés dans des cartons de cigarettes. Et un beau jour nous sommes partis. Gaby Paul, ouvrier de l’arsenal, commandant FTP et membre du Comité Départemental de Libération, a déménagé de Quimper. Il a eu besoin de cartons, il les a pris, et les papiers sont restés sur place. Je ne sais pas ce qu’ils sont devenus, je ne sais pas qui a bien pu mettre la main dessus.

LE DESARMEMENT DES F.T.P.

Le désarmement des F.T.P.(Général Allard ?*)


14-LES FUSILLES DE MOUSTERLIN.
Yves Autret. J’ai participé à l’identification des fusillés de Mousterlin. Ils avaient du sable sous les ongles et dans la bouche. On les avait enterrés alors qu’ils étaient encore vivants.
J’ai reconnu mes camarades.




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Quelques notes:
9 juillet, la mission Giles.(Knox, Lebel, Tack.) .Le Hellen en Edern.
Prévu initialement pour le 4. (p.325,326,327, 328.)

« Le Finistère dans la guerre ». tome II, p.117,121.
Albert Abalain, normalien de la promotion 1932-1935, quitta l’enseignement pour raison de santé.
Même livre, p.130-138, Parachutages.
Maquis,139-200.
P.232, note sur Noël Lerrant et Joseph Michenski.(+photo, tome I, p.325.)
P149, Jean-François Lepage.
P.153, les trois Belges.
P155, le groupe Yves Giloux. (3 février 1944, 2 cavaliers abattus à Trédudon. Marcel Boucher)
P.173, déraillements.
Photo de Pierre Cabellic, p.175.
Cf p 176. Kernabat. Pb du deuxième parachutage.
Equipes Jedburgh p187.***
P.328, tome I, chronique des attentats et sabotages. Sources p.339.



Parti Communiste français, quelques dates:
1937, procès de Moscou
23 août 1939, Pacte germano-soviétique
26 août 1939, interdiction de la presse communiste
26 septembre, dissolution du PC
Les communistes sont chassés du parlement, des mairies…
Nov 1939, « désertion » de Maurice Thorez.
Jacques Duclos assure l’intérim à la tête du parti depuis Bruxelles.
Jacques Duclos, rentré en France, donne consigne aux élus parisiens de » sortir de la clandestinité, en septembre 1940. Résultats catastrophiques. Des centaines de militants sont arrêtés.


24 août 1939, mobilisation.
3 septembre 1939, déclaration de guerre.
10 mai 1940, les armées allemandes déferlent sur la France.
100 000 morts en un mois . Désastre fulgurant. La Débâcle.
« Je n’ai pas eu les boches, mais j’ai eu le régime. » Weygand au moment de l’Armistice.
Hitler a promis « le Reich pour mille ans ».
Le drapeau à croix gammée flotte au dessus de l’Europe.
« Dictature fasciste de Pétain, vieillard retombé en enfance.
…Derrière Pétain, c’est le sinistre aventurier Laval, c’est la clique des assassins fascistes s’apprêtant, avec l’aide de Hitler, à exploiter honteusement le peuple de France. » Georges Guingouin, Appel à la lutte, août 1940.

Front National,
Organisation de Résistance, très large, créée à l’initiative des communistes en mai 1941.

Organisation Spéciale, O S, organisation de combat contre l’occupant créée en octobre 1940, sera transformée en FTPF.

28 avril 1942, création des FTPF, Francs-Tireurset Partisans Français par Charles Tillon.

Le Comité Militaire National qui se met en place en mars 1942, est dirigé par Charles Tillon assisté de trois commissaires : le commissaire politique ou « aux effectifs », Eugène Hénaff*, le commissaire militaire ou « aux opérations », Georges Ouzoulias, le commissaire « technique », chargé du matériel et des renseignements, Georges Beyer. Cette structure est totalement calquée sur celle du parti clandestin. Il en ira de même à tous les échelons, « interrégion », plusieurs départements, « région », un département, et sous-secteur, subdivision du département, où seront mis en place des triangles de « commandement ».

F.F.I. :ordonnance du 1 février 1944
* Eugène Hénaff de Spézet



Ci dessous : cliquez sur le dossier pour le télécharger.

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Yves Autret est décédé jeudi, à l'âge de 93 ans. Il habitait Ty Jopic, à Quimerc'h. À la déclaration de guerre, Yves Autret, formé dans le milieu ouvrier de Pont-de-Buis, va prendre la responsabilité des Jeunesses Communistes et entre dans la Résistance, sous la direction d'Albert Abalain, fusillé au Mont Valérien le 17 septembre 1943. Il va ensuite organiser la jeunesse résistante FTP dans le Finistère, l'action directe contre l'occupant et les sabotages. À la fin de la guerre, sous le nom de clandestinité de capitaine Pierre, il devient chef de l'état-major FTPF-FFI, puis il anime le Comité Départemental de Libération et continue à militer pour le PCF dans le centre-Finistère.
Décoré de la Légion d'honneur

Après la guerre, cette force de la nature a exercé différents métiers dans le bâtiment. Il fut même plongeur lors de la construction du barrage de la Rance. Yves Autret était président d'honneur de l'Association nationale des anciens combattants de la Résistance (Anacr) dans le Finistère et fut aussi, un temps, président du comité châteaulinois. Il était par ailleurs décoré de la Légion d'honneur. La fédération finistérienne du Parti Communiste a tenu à lui rendre hommage : « Notre pays et les Finistériens peuvent être reconnaissants vis-à-vis d'hommes comme Yves Autret qui, la foi progressiste et révolutionnaire chevillée au corps, ont permis de libérer le territoire de l'occupation nazie ». Les obsèques ont lieu aujourd'hui, à 16 h 30, au crématorium de Quimper.

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