PRIGENT Tanguy
Chemin de la Résistance et des Maquis
Mis en ligne sur le site le 26 août 2021



Nom du ou des réseaux d'appartenance dans la Résistance :
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En 1939 sous-lieutenant

Jacques Le Ru dans la Résistance

Libération-Nord

Crée un journal clandestin nommé La Résistance paysanne

Participe aux combats de la Libération à la tête de 200 FFI et de troupes françaises parachutées d'Angleterre.

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Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Tanguy-Prigent
Avant la Seconde Guerre mondiale


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L'élection de François Tanguy-Prigent comme
conseiller général du canton de Lanmeur (journal Le Populaire du 22 octobre 1934).


François Tanguy-Prigent est issu d'une famille de petits propriétaires paysans. Après l'école primaire, il travaille à la ferme de ses parents et se syndique dès l'âge de 16 ans au sein de la Fédération paysanne. Il devient rapidement l'un des dirigeants de cette organisation.

Il s'engage également très jeune en politique, puisque dès l'âge de 18 ans, il devient secrétaire de la section locale des jeunes socialistes, qui dépendait de la
SFIO. Dès le milieu de la décennie 1930, il devient conseiller général du Finistère (canton de Lanmeur) en octobre 1934 et maire de sa commune d'origine, Saint-Jean-du-Doigt, en mai 1935. Il anime aussi la « Coopérative de Défense Paysanne » dont il était le fondateur.

En mai 1936, il est élu député à la
Chambre des députés, lors des élections qui ont porté le Front populaire au pouvoir. À cette occasion, il bat de manière totalement inattendue un notable local, candidat sortant dans son fief familial, et devient ainsi le plus jeune député de France1. Il fait alors partie des quinze députés élus en Bretagne signataires d'un « programme du Front Breton », qui vise alors à créer un groupe parlementaire breton à l'Assemblée nationale, et à défendre des lois en faveur de la régionalisation des institutions ou en faveur de l'enseignement de la langue bretonne2.

Pendant la Seconde Guerre mondiale

Il est mobilisé en 1939 lors de la déclaration de guerre comme sous-lieutenant dans l'artillerie portée et fait toute la campagne jusqu'à la Débâcle. Après l'armistice du 22 juin 1940, il est partisan de la fermeté à l'égard des Allemands et le 10 juillet 1940, Tanguy-Prigent est l'un des quatre-vingts parlementaires qui refusent les pleins pouvoirs à Pétain. Tanguy-Prigent fut de ceux qui votèrent en uniforme. Il avait fait la guerre dans les dragons et s'était engagé de retour au pays dans Libé-Nord3.

De retour à Saint-Jean-du-Doigt, il est arrêté en septembre 1940 par les Allemands, certes rapidement relâché, mais révoqué de sa fonction de maire par la nouvelle autorité préfectorale. François Tanguy-Prigent crée dès la fin de l'année 1940 dans le nord du
Finistère le Bulletin bimensuel de la Coopérative de Défense paysanne de Morlaix, qui critique la politique menée par la Corporation paysanne ; cette coopérative regroupe 4390 adhérents en 1942 et diffuse à partir de 1941 son Bulletin dans 18 départements, toléré un temps par le régime avant d'être interdit, mais son action a jeté les bases d'un syndicat agricole clandestin, la Confédération générale de l'agriculture (CGA)4.

Bien que se sachant surveillé, il participe ensuite à la
Résistance, tout d'abord en créant la Confédération générale de l'agriculture, syndicat clandestin, qui s'oppose à la Corporation paysanne mise en place par le Régime de Vichy ; puis, en 1943, en participant à la reconstitution clandestine du parti socialiste SFIO, puis en adhérant au mouvement Libération-Nord.

Dans la clandestinité, François Tanguy-Prigent devient « Jacques Le Ru ». À partir de 1943, il est totalement entré en clandestinité et il organise un
maquis dans le nord du Finistère, utilisant sa bonne connaissance du monde rural local pour lutter contre l'Occupant et le Régime de Vichy. Il crée au début de l'année 1944 un journal clandestin nommé La Résistance paysanne4 et participe aux combats de la Libération à la tête de 200 FFI et de troupes françaises parachutées d'Angleterre.

Après la Seconde Guerre mondiale


Le 4 septembre 1944, François Tanguy-Prigent devient ministre de l'Agriculture (c'est par la radio qu'il apprend qu'il a été nommé à ce poste par le général de Gaulle). Il conserve cette fonction jusqu'au 22 octobre 1947.

Il entreprend alors la modernisation de l'agriculture française. Dès le
12 octobre 1944, il supprime la corporation paysanne, organisme corporatiste créé en 1940 par le régime de Vichy. Il aide aussi au développement des syndicats, coopératives et foyers ruraux, dans un but d'accompagnement culturel de la reconstruction et d'émancipation des campagnes de la tutelle religieuse sous laquelle elles se trouvaient alors. Il participe activement à la fondation de la Fédération Nationale des Foyers Ruraux (FNFR), en 1946, qui deviendra rapidement un des grands mouvements d'éducation populaire.

Il est aussi à l'origine de la création du statut du
fermage et du métayage (loi du 13 avril 1946). Ce statut, très protecteur des droits des paysans vis-à-vis de leurs propriétaires, est encore en vigueur aujourd'hui.

François Tanguy-Prigent est élu aux deux assemblées nationales constituantes de 1945 et 1946, puis comme député du
Finistère jusqu'en 1958, toujours en tant que socialiste SFIO.

En
1951, il est vice-président du Comité d'étude et de liaison des intérêts bretons (CELIB), avec Paul Ihuel et André Morice, le président étant René Pleven.

Opposé au retour de
Charles de Gaulle en 1958, il quitte la SFIO en octobre 1959 et milite au PSA puis au PSU, qu'il représente à l'Assemblée nationale de 1962 à 1967 (il siège avec les non-inscrits).
Il fut également conseiller général du Finistère et directeur de journal.

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Les membres du gouvernement Félix Gouin avec de gauche à droite Jules Moch (lunettes et cigarettes), Marcel Paul, Francisque Gay Gaston Deferre, Félix Gouin, François-Tanguy Prigent, Marcel-Edmond Naegelen, Ambroise Croizat, Robert Prigent et André Philip (pipe à la main). S.l. [Paris (75)], janvier-juin 1946. (

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Source : https://archives.seinesaintdenis.fr/ark:/naan/a011551966260wsVQPF
JOURNAL L'HUMANITE , Les membres du gouvernement Félix Gouin avec de gauche à droite Jules Moch (lunettes et cigarettes), Marcel Paul, Francisque Gay Gaston Deferre, Félix Gouin, François-Tanguy Prigent, Marcel-Edmond Naegelen, Ambroise Croizat, Robert Prigent et André Philip (pipe à la main). S.l. [Paris (75)], janvier-juin 1946.
  • Cote : 83Fi/
  • Date(s) : 1945-1947
  • Description physique : tirage noir et blanc ; cadrage : paysage ; dimensions : 15x20 cm.
  • Copie : AD093HI_0000007230
  • Auteur : Auteur : non id.
  • Droits : Droits réservés - Mémoires d'Humanité / Archives départementales de la Seine-Saint-Denis
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Source : https://books.openedition.org/pur/22642

C'est en faisant voter à la Libération le statut du fermage et du métayage que Tanguy Prigent est entré dans l'histoire du XXe siècle.

Cette biographie retrace l'ascension d'un petit paysan du Trégor finistérien, devenu ministre de l'Agriculture du général de Gaulle en septembre 1944. Authentique paysan, Tanguy Prigent s'affirme comme militant socialiste SFIO et comme militant agricole et coopératif dans les années 1930. À 25 ans, il devient en 1934, le plus jeune conseiller général de France, puis en 1936, le plus jeune député.

Combattant en mai-juin 1940, il refuse les pleins pouvoirs au maréchal Pétain et développe immédiatement une opposition légale à la Révolution nationale et à la Corporation paysanne de Vichy. Le maire de Saint-Jean-du-Doigt entre rapidement en résistance en jetant les bases en Bretagne du mouvement Libération-Nord, puis de Résistance paysanne dont il devient un des chefs dans la clandestinité en 1943-1944.

Pendant trois ans, de 1944 à 1947, Tanguy Prigent s'efforce au gouvernement, avec bien des difficultés, d'amorcer la reconstruction et la modernisation de l'agriculture française, de faire des réformes sociales, de créer un syndicalisme agricole de gauche, la CGA, dans une conjoncture de pénuries et de rationnement. Il devient ensuite l'une des principales personnalités socialistes de la Quatrième République, soutenant Guy Mollet dans sa politique algérienne, jusqu'à la rupture provoquée par les conditions du retour au pouvoir du général de Gaulle, après le 13 mai 1958.

Devenu un opposant à Guy Mollet, Tanguy Prigent rejoint le PSA à la fin 1959, puis devient l'un des principaux dirigeants et le seul député du PSU de 1962 à 1967. Tanguy Prigent contribue alors à enraciner en Bretagne un socialisme moderne et élargi. À travers sa carrière politique et militante, c'est aussi un demi siècle de combats politiques et sociaux du Finistère qui est retracé dans cette biographie qui puise à de nombreuses sources publiques et privées. En couverture : Tanguy Prigent à son bureau du ministère de l'Agriculture © Centre d'Histoire du Travail – Nantes

Source : https://books.openedition.org/pur/22655?lang=fr

Chapitre VII. Contre les Allemands : Jacques Le Ru le résistant
p. 125-146


1) Le socialiste et républicain Tanguy Prigent n’accepte pas le régime de Vichy. Le patriote accepte encore moins la victoire et l’occupation allemandes dont il subit toutes les contraintes en sa qualité de maire d’une commune littorale de la Manche. Son premier emprisonnement en septembre 1940 lui fait connaître rapidement l’arbitraire et les méthodes de l’occupant.

2) Cherchant le contact avec ses camarades socialistes parisiens, Tanguy Prigent va participer activement à la création et au développement du mouvement de Résistance Libération-Nord, dans le Finistère et en Bretagne. Il va aussi s’efforcer de reconstruire le parti socialiste et devient un cadre important de la Résistance en 1942 et 1943. La surveillance constante des autorités vichyssoises, et sans doute des Allemands, l’oblige à passer totalement dans la clandestinité durant l’été 1943. Dès lors, il devient un résistant à plein temps chargé d’organiser les cadres de l’Armée secrète et les comités départementaux de la Libération dans l’Ouest de la France, jusqu’à sa participation aux combats de la Libération dans la région de Morlaix en août 1944.

La réorganisation du parti socialiste

3) Dater cette entrée en résistance est bien difficile car cela signifie de s’entendre sur la définition de l’action de résister. La Résistance est souvent assimilée à l’engagement dans une organisation ce qui minore les actes individuels. En outre, on a souvent tendance à valoriser la lutte clandestine et la phase ultime du phénomène, c’est-à-dire celle de l’action militaire. Cela pose aussi la question de la perception que les acteurs ont eu de leur engagement. En outre dans le cas des socialistes, l’action politique pour reconstruire le parti et l’action résistante au sein d’un réseau et d’un mouvement sont souvent imbriquées et il n’est pas facile de démêler ce qui au début de l’occupation a primé.

4) Après-guerre, Tanguy Prigent considère que dès l’automne 1940, son initiative individuelle de relations régulières, sous couvert d’action municipale ou syndicale, avec ses camarades socialistes du Finistère constitue une première forme de d’action qui pose des jalons pour une organisation plus structurée1.

5) L’ancien député socialiste a certainement renoué des contacts avec ses camarades parisiens lors d’un premier voyage dans la capitale en novembre 1940 comme le pense le policier chargé de surveiller les allées et venues de cet opposant au régime de Vichy2. Mais il anticipe sur la réalité : il ne s’agit encore que de contacts informels car la SFIO n’existe plus et le mouvement Libération-Nord n’a pas encore vu le jour. La gestation du mouvement Libération-Nord issu du Manifeste des douze, signé par douze syndicalistes CGT et CFTC et publié le 15 novembre 1940, sera assez longue. Elle s’étend de la publication du premier numéro du journal clandestin Libération le 1er décembre 1940, feuille tapée en sept exemplaires par Christian Pineau, à la publication du manifeste dans le n° 52 du journal le 30 novembre 1941 qui annonce la naissance « officielle » du mouvement concrétisée par la mise en place à Paris d’un comité directeur en décembre 19413. Pour étendre en zone occupée l’influence d’un mouvement né à Paris quatre filières existent : d’abord celles de la CGT et de la CFTC puis celles des socialistes et de la franc-maçonnerie.


4) C’est par la filière socialiste que Tanguy Prigent entre en contact avec le mouvement Libération-Nord en gestation. Le principal recruteur du mouvement dans les milieux socialistes est Henri Ribière, proche collaborateur de Max Dormoy au ministère de l’Intérieur lors du Front populaire. Daniel Mayer et Henri Ribière ont pris l’initiative de reconstruire un parti socialiste clandestin sous l’appellation de Comité d’action socialiste, le CAS, fondé par neuf militants à Nîmes, en zone sud, le 30 mars 19414. Daniel Mayer en devient le secrétaire général. Le CAS de zone nord se constitue au début de 1941 mais la mise en place est lente. Selon Amédée Dunois, l’un des fondateurs, sur les dix régions prévues seules trois sont en rapport régulier avec l’organisme directeur au 30 décembre 1942. En fait, sur le terrain ce sont des responsables ou des élus locaux qui tentent de faire revivre les fédérations socialistes anémiées.


C’est ce que fait Tanguy Prigent dès l’été et l’automne 1940. L’action syndicale agricole ouverte sert de couverture à une démarche plus politique mais il ne faut sans doute pas en surestimer l’importance.

Les socialistes s’investissent prioritairement et sans doute principalement dans le combat légal contre Vichy et, pour Tanguy Prigent, contre la Corporation paysanne.

Contrairement au Parti communiste on ne trouve nulle trace dans le Finistère d’une activité socialiste propre et autonome, sous forme de propagande, comme le fait le Parti communiste clandestin dans les villes, les ports et même les campagnes du centre Bretagne dès la fin 1940 et au printemps 19415. Au départ, l’exemple du Midi méditerranéen de la France, montre que des groupes d’amis socialistes se forment autour d’un notable6.

Mais comme l’écrit Jean-Marie Guillon, le comportement politique des socialistes tient de la « société secrète plutôt que [du] parti clandestin7 ». Les Bretons qui n’ont ni la culture ni la pratique des sociétés secrètes républicaines du XIXe siècle n’apparaissent pas non plus sur le devant de la scène. Mais on peut penser que l’activité syndicale et le rayonnement de Tanguy Prigent débordent largement les cercles limités des militants.

Il se meut sans difficulté dans les campagnes finistériennes et mène un combat de nature politique traditionnel (débat sur des idées, des structures, des orientations permettant de défendre les conceptions socialistes en matière agricole). Ce combat peut et va se transformer en action résistante au sein de Libération-Nord.



L’entrée en résistance

8) La question de la date d’entrée à Libération-Nord se pose. C’est Henri Ribière, dirigeant du CAS en zone occupée et l’un des principaux responsables du mouvement avec Christian Pineau qui prend l’initiative par courrier de fixer un rendez-vous à Rennes à Tanguy Prigent8.

Ce qui semble indiquer que les contacts parisiens antérieurs ne sont pas à l’origine de l’entrée en résistance de Tanguy Prigent. Mais dans son témoignage de 1948, le Breton n’indique pas la date de cette première rencontre que Alya Aglan situe en 1941
9. Si ce fait était avéré, il ferait de Tanguy Prigent l’un des premiers membres de Libération-Nord en Bretagne. Mais aucun document précis ne permet d’en préciser la date.

Le Breton anticipe quand il écrit dans ses mémoires : « En novembre [1940] également, je participai avec des socialistes à la création du réseau clandestin Libération-Nord, où j’eus, sous divers déguisements et fausses identités, la responsabilité de dix-neuf départements français
10. » Or, Henri Ribière n’a commencé à prendre des contacts en province qu’en 1941 et on peut estimer que la rencontre n’a sans doute pas eu lieu avant le second semestre de l’année 1941 car auparavant Libé-Nord recrute essentiellement des syndicalistes de la région parisienne. Un premier contact entre les syndicalistes de Libé-Nord et des militants socialistes a eu lieu à Paris en décembre 1940 à l’initiative d’Henri Ribière, suivi d’une seconde réunion le 22 juin 194111.

C’est ainsi que les noyaux socialistes regroupés dans le Finistère par l’ancien député de Morlaix vont être mis en contact avec Libération-Nord. Jean Gosset va recruter de son côté des membres du mouvement notamment dans la région brestoise mais sans doute pas avant 1942. Les milieux socialistes sont le principal creuset de ce recrutement résistant. Sans doute existe-t-il des contacts individuels avec Libération-Nord en 1941 et 1942 mais le mouvement structuré ne se développe vraiment dans le Finistère qu’en 1943
12.

D’ailleurs, en 1942, on ne trouve pas trace dans le Finistère d’une propagande socialiste ni d’une diffusion du journal Libération alors que la propagande communiste est sans cesse signalée (tracts, journaux) ainsi que des exemplaires du Courrier de l’Air largués par la Royal Air Force
13.



9) En réalité, cette absence de visibilité sur le terrain s’explique par la demande de Ribière qui souhaite que Tanguy Prigent organise d’abord un réseau de renseignements, travaillant pour Libé-Nord de façon à informer Londres de la présence allemande notamment à Brest14.

La résistance militaire nécessairement limitée à quelques agents passe donc avant l’implantation de Libération-Nord alors que les socialistes finistériens mènent une action politique légale. Se pose la question de l’origine de l’antenne bretonne du réseau Cohors-Asturies, fondé par le philosophe Jean Cavaillès, et initialement lié au mouvement Libé-Nord. En 1948, Tanguy Prigent dit avoir contacté Aldéric Lecomte, un ingénieur des travaux publics à Brest, ayant ses entrées à l’arsenal et contrôlant les services électriques.

Le maire de Saint-Jean-du-Doigt aurait donc joué un rôle d’initiateur de cet important réseau de renseignements mis sur pied à Brest à la fin 1941 et au début 1942 par Aldéric Lecomte et Jean Gosset, un professeur brestois. Ce réseau se développe ensuite à Quimperlé, à Lorient et dans le Finistère nord. La chronologie de la naissance du réseau semble corroborer l’hypothèse d’une prise de contact de Ribière dans la seconde partie de 1941.

Notons que tous les socialistes résistants ne rejoignent pas la même organisation. Le maire de Landerneau Jean-Louis Rolland, qui est révoqué en 1942, participe au réseau britannique Jade-Fitzroy et appartient à Libé-Nord. Pour les Britanniques comme pour les Allemands, l’intérêt stratégique de la Bretagne est essentiel. Tanguy Prigent et Aldéric Lecomte vont mettre en place Libération-Nord dans la région et dans le Finistère.



Jacques Le Ru, un des principaux responsables du CAS et de Libération-Nord dans l’Ouest

15) La question de l’attitude des Allemands se pose. Tanguy Prigent pense que le Kreiskommandant Klein, conseillé par son interprète Guy Le Normand, l’a protégé durant toute sa présence à Morlaix. Car, « il n’ignorait rien des raisons de mes fréquents voyages à Paris et à travers la France
(Il était homme d’honneur, et notre rébellion le consolait du courrier volumineux que Guy obtint dès le premier jour de jeter à la corbeille sans le traduire : les dénonciations de Français par les Français ; mais il faut dire aussi, dût ma modestie en souffrir, que je l’avais charmé, comme j’avais déjà et allais encore charmer d’autres “supérieurs hiérarchiques”)15 ».



11) Très connu et étroitement surveillé par la police française, Tanguy Prigent joue en 1942 et au début 1943 un rôle de liaison entre le centre parisien, du parti et du mouvement, et les responsables locaux.

Sous le pseudonyme de Jacques Le Ru, Jacques Le Rouge, le Breton fait régulièrement la liaison avec Paris. Il y dispose d’une « boîte aux lettres », chez le concierge des Foyers paysans, au 11, quai d’Orsay16. Gaby, l’agente de liaison d’Henri Ribière, vient régulièrement relever le courrier de Jacques Le Ru. Après le départ pour Londres en mars 1942 de Christian Pineau, mandaté pour négocier avec la France libre, Henri Ribière devient le principal responsable de Libé-Nord.

Lors de ses séjours à Paris, Tanguy Prigent participe à des réunions chez des résistants socialistes notamment chez Jean Texcier. Édouard Depreux dit l’avoir souvent rencontré pendant l’Occupation17. Le maire de Saint-Jeandu- Doigt devient un dirigeant national du CAS et de Libé-Nord. La confusion des responsabilités est évidente, la complémentarité du parti et du mouvement essentielle, les militants socialistes fournissant souvent l’ossature et les premières recrues du mouvement. En Bretagne, il y a bien homologie des deux formations et Tanguy Prigent y contribue fortement18. S’appuyant sur les réseaux socialistes et syndicalistes, il est en effet chargé conjointement de reconstituer le CAS puis la SFIO dans l’Ouest de la France et de développer le mouvement.

C’est ce qu’il fait par exemple dans le Maine-et-Loire en confiant en juillet 1943 à Ascencio la mission de réorganiser la SFIO dans ce département19. Ce militant angevin participe ensuite au noyau fondateur du CDL du Maine-et-Loire à la fin de 1943. Tanguy Prigent est l’un de ces responsables nationaux qui concilient action résistante et travail partisan.


12) Peut-être est-ce en 1942 que Ribière et Libé-Nord lui confient la responsabilité de 19 départements dans l’Ouest et le Sud-Ouest occupés, dans une zone allant de la Normandie (Rouen) à la Bretagne, du Poitou (Poitiers) aux Landes (Mont-de-Marsan).

Cette responsabilité est effective en 1943, surtout après son passage dans la clandestinité : Tanguy Prigent rattache des groupes locaux préexistants ou en forme d’autres dans la région qu’il dirige.

Avec la transformation en mars 1943 du CAS en parti socialiste reconstitué, il est en liaison avec Georges Brutelle et Capdeville ; en zone nord, comme Henri Ribière et Robert Verdier il procède à la nomination de secrétaires départementaux et de cadres fédéraux au fur et à mesure de la reconstitution de fédérations socialistes clandestines20. Relayés par d’autres camarades sur le terrain, les résultats s’avèrent plus positifs en Bretagne qu’en Normandie. En 1943, sous l’impulsion de Tanguy Prigent et d’Aldéric Lecomte, Libé-Nord devient le premier mouvement de Résistance du Finistère, ce qui n’est pas le cas des Côtes-du-Nord où le Front national se développe davantage que Libé-Nord, en attirant d’ailleurs bon nombre de militants socialistes21.

Le mouvement est aussi très bien implanté dans les trois autres départements bretons. À Morlaix, il est dirigé par le Dr Le Jeanne et par Dupoux, professeur au collège22. Tout un maillage de responsables cantonaux est mis en place dans le Finistère Nord.



Dans le Finistère Sud l’implantation de Libé-Nord semble avoir été plus précoce : en mars 1942, l’instituteur de Penhars, Nicolas Kervahut, a pris contact par le réseau Cohors-Asturies. Un maillage serré de responsables se met alors en place dans les communes et les petites villes du sud et du centre Finistère. Libération-Nord revendiquera 7 000 membres dans le Finistère en 1944. Dès 1943, un responsable civil départemental Lecomte (Durand) et un responsable militaire, Mathieu Donnart (Poussin) coordonnent le développement du mouvement supervisé par Tanguy Prigent qui transmet les directives centrales.


Un indésirable


14) Le début de l’année 1942 est douloureuse pour le fermier de Saint-Jeandu- Doigt. Âgé de 91 ans, Yann Nonn, le grand-père admiré qui a tant influencé le petit Tanguy, quitte Kervari pour venir mourir chez son petitfils à Pen ar c’rah. Selon son souhait, le doyen de la commune est enterré civilement le dimanche 1er février 1943 en présence « d’une foule considérable ».

C’est l’ancien député socialiste Hippolyte Masson qui prononce l’éloge funèbre de « ce parfait honnête homme, exceptionnellement sobre et discret, dur pour lui-même et pour les autres, [qui] a honoré sa commune et sa profession
23 ». Le grand-père disparaît au moment où les syndicats agricoles fondés par Tanguy Prigent sont dissous.


15) En 1942, les autorités, dont le sous-préfet de Morlaix Husson, sont de plus en plus exaspérées par l’opposition ouverte du maire de Saint-Jeandu- Doigt, et son agitation dans la paysannerie bretonne.

Soupçonnent-ils son engagement résistant ? C’est probable, mais les rapports officiels n’en font pas état. Relatant la réunion du 8 février 1942 de dissolution de ses syndicats agricoles, le sous-préfet écrit : « Parmi les personnalités en vue, influentes dans différents milieux sociaux, qui saborderaient ou tenteraient de saborder l’oeuvre de redressement national, j’ai l’honneur de vous faire connaître, qu’en dehors des autonomistes qui critiquent systématiquement les actes du gouvernement, le nom de M. Tanguy Prigent […] est susceptible d’être retenu24.

» En visite le 2 mai 1942 à Plougasnou, qui a aménagé une cantine scolaire, dans cette commune voisine de Saint-Jean-du- Doigt, le même sous-préfet dénonce « la mauvaise influence de Mr Tanguy Prigent qui mène une lutte sournoise contre la politique agricole suivie par le gouvernement25 ».



16) Tous les rapports officiels estiment qu’il faut « se débarrasser » de cet activiste gênant en le révoquant de sa fonction de maire mais on hésite car les successeurs ne se bousculent pas au portillon au moment où la « démissionnite » gagne de plus en plus d’édiles locaux pris en tenaille entre les exigences allemandes et leurs administrés.

Ainsi en novembre 1942, le sous-préfet de Morlaix qui réclamait la peau du maire socialiste estime que sa révocation « est devenue inopportune » car le débarquement d’Afrique du Nord a troublé l’opinion publique et « les candidats à la mairie de Saint- Jean-du-Doigt se récusent26 ».

La décision est finalement publiée au Journal Officiel le 23 janvier 1943 car le révoqué « manifeste de l’hostilité à l’œuvre de rénovation nationale27 ». Le 31 janvier, l’ensemble du conseil municipal de la petite commune du Trégor démissionne pour protester contre la révocation de son maire.

Il est probable que les démarches publiques engagées par Tanguy Prigent, auprès du ministre de l’Agriculture et auprès du préfet, au nom de son comité d’entente des coopératives du Finistère ont provoqué cette décision.


Le passage dans la clandestinité

17) La situation personnelle du résistant devient de plus en plus périlleuse.


18) Le commandant Klein a quitté Morlaix et au cours d’un séjour à Paris, en janvier 1943, Tanguy Prigent est arrêté par les Allemands, une seconde fois.

On sait peu de choses sur cette seconde arrestation attestée par plusieurs documents
28. Tanguy Prigent écrit laconiquement dans ses mémoires : « Des Allemands m’arrêtèrent et me torturèrent à Paris, grâce à des Parisiens je m’évadai29. »

Or il semble bien que la réalité ait été différente. À la Libération, Tanguy Prigent a donné le 11 septembre 1944 dans son journal La Résistance paysanne une autre explication de sa libération immédiate : une erreur d’homonymie des policiers allemands
30.

Pendant sa période clandestine, Jacques Le Ru va circuler sous plusieurs identités ; il dispose entre autre d’une carte d’identité au nom de Charles Montoille, un agriculteur de 39 ans, né dans l’Oise et résident à Berneuil
31. Interpellé un soir lors d’une rafle à Paris par un gendarme français, ce dernier lui fait discrètement remarquer que sa carte est fausse car la signature est trop bien écrite32.

Conduit au quai des Orfèvres, il est relâché. Grâce aux réseaux d’aide et d’information en Bretagne et sans doute aussi à la chance, Tanguy Prigent ne sera pas inquiété pendant son année de vie et d’action clandestine.



19) Durant l’été 1943, Tanguy Prigent qui circule beaucoup et évite de coucher chez lui, à Saint-Jean-du-Doigt et à Morlaix où résident son épouse et ses enfants, a échappé de peu à l’arrestation. Étant à Rosporden, il a été averti par Hémery, qui l’a remplacé comme directeur de sa coopérative, que les Allemands se sont présentés chez son père, chez son épouse à Morlaix ainsi qu’à la coopérative. L’ancien maire est contraint de plonger dans la clandestinité33.

À bicyclette, il rejoint une gare des Côtes-du-Nord, puis Paris où il devient le bras droit d’Henri Ribière à Libé-Nord. Tanguy Prigent pense avoir été dénoncé notamment par Hervé Budes de Guébriant mais il dut reconnaître qu’il n’en avait rien été après l’enquête officielle du ministère de l’Intérieur de novembre 1946.

Bientôt, son épouse résistante, doit elle aussi passer dans la clandestinité car le filet des polices allemandes se resserre autour d’eux. Les deux enfants Mireille et Georges sont confiés à une tante de Tanguy Prigent, une sœur de sa mère. Deux proches cousins des Tanguy Prigent, Yves et Yvonne Jégaden, arrêtés et torturés, meurent en juillet 1944 sans avoir donné la planque qu’ils connaissaient34.

Tanguy Prigent se meut comme un poisson dans l’eau sur la lande bretonne où il trouve des hébergements sans difficultés, par exemple à Poullaouen ou chez le militant socialiste Yves Augel à Guingamp35. À Rennes, il dort chez son ami le professeur Charles Foulon qui a été avant la guerre secrétaire des jeunesses socialistes du Finistère.

Secrétaire du comité départemental de Libération clandestin d’Ille-et-Vilaine, Charles Foulon doit lui aussi se cacher dans une école de Poullaouen au printemps 1944, dans une planque certainement fournie par Tanguy Prigent.



20) Sans doute reconnu par des habitants de la région au cours de ses nombreux déplacements à bicyclette, le résistant bénéficie d’un appui de la population locale.

Il écrit dans ses mémoires : « Des paysans, des policiers et des commissaires de police français hébergèrent, sauvèrent des résistants, des juifs, et valurent à la région de Morlaix le record national de déserteurs du Service du Travail Obligatoire36. » Comme dans l’ensemble de la Bretagne, des milliers de jeunes gens sont réfractaires aux STO, près de 10 000 dans le Finistère à la fin de l’été 1943. Les gendarmes et des policiers ferment les yeux ou les préviennent avant de venir les rechercher.

En 1943, des policiers individuellement, puis par petits groupes sont en contact avec la Résistance.

Ainsi, en octobre 1943, le secrétaire Messager du commissariat de police de Morlaix est en liaison avec les FTP.

Et en décembre 1943, avec l’arrivée du commissaire Le Du, l’ensemble du commissariat de Morlaix rejoint Libération-Nord. Tous les policiers participeront à la libération de la cité37.

Cet engagement collectif est d’autant plus remarquable que les effectifs policiers de la ville sont passés de 13 en 1940 à 17 en 1942 et 33 en 1944, résultat de l’étatisation de la police par Vichy en 1941-1942 et du renforcement policier du régime.

Mais en 1942, les policiers du Finistère s’étaient livrés à plusieurs rafles de résistants communistes à Brest et dans le Sud-Finistère. Dès lors on comprend mieux les rapports vagues d’un inspecteur de police des RG de Brest, et non de Morlaix, qui signale la disparition de Tanguy Prigent de Saint-Jean-du- Doigt. Le 11 septembre 1943, ce policier estime que l’ancien maire et sa famille ont quitté la commune depuis environ un mois.

En fait, le passage dans la clandestinité s’est produit à la fin juillet ou dans les premiers jours d’août 1943 car Tanguy Prigent « n’a pas assisté aux obsèques de son père, décédé au début août dernier ».

C’est le second deuil qui frappe les Prigent pendant la guerre. Ce « départ précipité » est attribué à la crainte d’un nouvel internement, après les deux arrestations par les Allemands de celui qui était « un militant actif du parti socialiste » ; « certains pensent qu’il est dans la région parisienne, d’autres aux environs de Morlaix ».

Un second rapport du 13 novembre affirme « de source sûre », que le fugitif ne se trouve pas dans la région de Morlaix, ni même dans Finistère, concluant : « Il serait possible qu’il se cache sous un nom d’emprunt dans une autre région38. »


21) Objet de polémique après guerre, de Guébriant et les hommes de la Corporation paysanne ont-ils demandé l’internement de leur adversaire ou a-t-il été dénoncé comme la rumeur en a couru au début de 1943 dans les campagnes trégoroises et comme Tanguy Prigent en a été convaincu ? A-til été dénoncé ? L’enquête diligentée dans les archives par le ministère de l’Intérieur à la fin 1946 à la demande du cabinet de Tanguy Prigent conclut fermement par la négative : « Les minutieuses investigations d’archives auxquelles je me suis livré, ne permettent pas d’apporter la preuve qu’une quelconque demande tendant à l’internement de Monsieur Tanguy Prigent ait été formulée soit auprès du gouvernement de Vichy, soit auprès des autorités allemandes, tant par Monsieur de Guébriant que par toute autre personne39. »

Son activité et ses voyages sont suffisamment nombreux pour alerter les polices allemandes. La polémique rebondira après la guerre mais pour l’heure Tanguy Prigent plonge totalement dans l’action clandestine.



La lutte clandestine


Comme son beau-frère communiste Marcel Hamon, déplacé à Saumur en 1940, et passé dans la clandestinité à la fin 1942 à la direction du Front National et des FTP où il dirige le service B, un service de renseignements travaillant pour les Soviétiques, Tanguy Prigent se jette totalement dans l’action clandestine.

Le Breton seconde Henri Ribière dans les dix-neuf départements de l’Ouest et du Sud-Ouest dont il a la charge.

D’abord, il transmet des instructions aux groupes civils de Libé-Nord et de la SFIO, tient des conférences pour expliquer les méthodes de lutte, cherche de nouveaux responsables pour remplacer ceux qui ont été arrêtés, distribue des fonds aux groupes du mouvement
40.

Le résistant se déplace beaucoup dans les villes de l’Ouest et du Centre de la France assurant la liaison entre les organisations départementales de Libé-Nord et le centre parisien du mouvement.

Par exemple, il assure la liaison régulière avec Gabriel Goudy, de l’UD CGT de Loire-Inférieure qui a créé l’un des premiers groupes de Libé- Nord à Nantes
41. Avant d’être démantelé par des arrestations en décembre 1943 et en janvier 1944, Libé-Nord est particulièrement actif dans la région nantaise.




23) Puis Henri Ribière charge Tanguy Prigent d’établir des liaisons entre l’organisation civile et l’organisation militaire de Libé-Nord au moment où sont jetées les bases de l’Armée secrète en zone nord. Par exemple, responsable civil de Libé-Nord, Tanguy Prigent et
Jacques Brunschwig-Bordier, un autre dirigeant du mouvement, rencontrent un général à Saint-Maixent près de Niort pour lui proposer de prendre un commandement dans l’AS.

Cette tâche fut particulièrement délicate et difficile selon son témoignage de 1948. Il rencontre des difficultés dans la région de La Rochelle, dans le nord du Poitou et même en Bretagne car plusieurs responsables militaires « acceptaient sans plaisir la suprématie du comité civil de Libé-Nord ».

Ces difficultés ne sont guère surprenantes car, s’estimant incompétents sur le terrain militaire, les cadres socialistes de Libé-Nord contactent le plus souvent des officiers de carrière et des officiers de réserve pour leur confier des responsabilités militaires dans le mouvement puis au sein de l’Armée secrète (AS). Ce ne sont plus des camarades partageant les mêmes convictions politiques mais des hommes venant de différents horizons et souvent des milieux de droite.

C’est le cas en Bretagne où Libé-Nord est chargé d’organiser et de diriger l’Armée secrète à l’automne 194342. Dès juillet 1943, Henri Ribière et Tanguy Prigent ont rencontré le général Audibert (Bertrand) de Loire- Inférieure, désigné comme responsable militaire de la Bretagne et l’Ouest, pour mettre sur pied l’Armée secrète43. Des liaisons sont aussi établies avec son adjoint, le général Allard, chargé du commandement de la région M2 (quatre départements bretons).

Le 2 décembre 1943, lors de sa dernière visite à Paris avant son arrestation, Audibert rencontre Tanguy Prigent dans un bistrot parisien. Il est convenu de développer les relations entre l’AS et le mouvement et de mettre sur pied les futurs comités départementaux de Libération (CDL). Le lendemain, à Montparnasse, Tanguy Prigent remet au général Audibert 150 000 francs de la part de Ribière44. Il est bien l’un des principaux chefs de Libé-Nord à la fin 1943 au moment où il est chargé d’une nouvelle mission plus politique : celle de l’organisation des CDL dans les 19 départements dont il a la charge.



24) Ce troisième axe est ouvertement politique. Il s’agit en effet dans le cadre de la préparation de la libération du pays de mettre en place une autorité reconnue par toutes les forces résistantes ainsi que par les partis politiques afin d’assumer la direction de l’insurrection armée et surtout d’incarner la nouvelle légitimité française pendant la période transitoire en attendant le retour en France du gouvernement installé à Alger, le comité français de libération nationale, le CFLN.

Les CDL doivent être constitués à l’image du Conseil National de la Résistance (CNR), formé par Jean Moulin en mai 1943. Ils doivent compter des représentants des mouvements de Résistance, des partis politiques et des syndicats. Au nom du CFLN, Francis-Louis Closon est parachuté en France en septembre 1943 avec des instructions pour former ces CDL clandestins dont la mise sur pied se déroule de la fin 1943 (novembre-décembre) au début 1944 (janvierfévrier).

Parallèlement, le CFLN prépare en liaison avec la Résistance intérieure, notamment le comité général d’études (CGE), des listes de commissaires régionaux de la République, de préfets et de maires des villes qui doivent prendre leurs fonctions au moment de la libération du territoire.

Président de la commission de l’Intérieur du CNR, Henri Ribière s’efforce en janvier et février 1944 de définir les statuts des CDL et des CLL, les comités locaux de libération45. Surtout, à l’issue de plusieurs entretiens avec Francis-Louis Closon qui préside une « commission des comités de libération », il obtient que son mouvement, en rivalité avec l’OCM, soit représenté dans tous les CDL de zone nord. Tanguy Prigent applique ces directives sur le terrain, participant au nom de Libé-Nord à la mise sur pied des CDL dans 19 départements de l’Ouest de la France, ainsi qu’à la désignation des responsables à la Libération.

Il est probable qu’il a proposé Aldéric Lecomte, chef civil de Libé-Nord, comme préfet du Finistère. Il aurait aussi « installé » dans ses fonctions clandestines, une vieille connaissance, l’ancien député-maire radical de Brest Victor Le Gorgeu, nommé commissaire de la République en Bretagne qui va lui-même installer les CDL clandestins en Bretagne.

Les socialistes et Libé-Nord sont bien représentés dans les CDL bretons dans la période clandestine où ils partagent les responsabilités avec les démocrates chrétiens de Défense de la France, puis avec le Front national et les communistes46. Mais nous avons peu d’informations sur le rôle effectif de l’ancien député socialiste qui ne perd pas de vue les intérêts du monde paysan pendant cette période résistante.




Contribution indirecte au programme du CNR


25) Tanguy Prigent prend de gros risques personnels en s’engageant totalement au sein de Libé-Nord. Pourtant, en sa qualité d’ancien parlementaire socialiste ayant refusé de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, il aurait pu prétendre à un siège à l’Assemblée consultative d’Alger mise en place à l’automne 1943. Le CFLN le lui a proposé.

Mais s’il aurait souhaité exposer ses thèses agricoles devant l’Assemblée et le gouvernement qui préparent la réorganisation de la France, le résistant de l’intérieur décline cette offre sachant qu’il ne pourrait plus rentrer en France occupée47.

Il décline aussi la proposition de Libé-Nord et du mouvement OCM, l’organisation Civile et Militaire, qui veulent faire de lui leur représentant permanent à l’Assemblée consultative.

Le militant syndical souhaite contribuer à la renaissance du pays en France même.




26) Ses relations étroites avec Henri Ribière qui va, après Charles Laurent, représenter Libé-Nord au CNR, et ses contacts avec Daniel Mayer, délégué du parti socialiste et du CAS, vont conduire Tanguy Prigent à contribuer indirectement à l’élaboration du programme du CNR.

Cet élément méconnu est important car si les syndicats ouvriers, la CGT et la CFTC, ont obtenu chacun un délégué au CNR, tel n’est pas le cas du syndicalisme agricole résistant. En outre, ni Libé-Nord ni la SFIO, représentés par le cégétiste Louis Saillant, ne siègent au bureau de cinq membres du CNR qui se réunit régulièrement et élabore les versions successives du programme du CNR. Soulignons d’abord que les socialistes sont les premiers à élaborer dans la Résistance des programmes politiques pour l’après-guerre48.

Le projet de programme politique commun germe au second semestre 1942 mais les échanges avec les communistes n’aboutissent pas, le PCF préférant se rapprocher de la France Combattante gaulliste et rompre avec le Comité d’Action Socialiste.

En janvier 1943, le CAS publie seul un premier programme dans Le Populaire clandestin. Ce « programme minimum » à réaliser sur quatre ans porte la marque des projets d’avant-guerre (les nationalisations) et des combats en cours contre la Corporation paysanne de Vichy : il prévoit « la réforme du fermage et du métayage » chère à Tanguy Prigent.

Ce n’est guère surprenant car ce texte semble émaner du CAS de zone nord. L’écho en est sans doute très limité car six mois plus tard, en juillet 1943, Le Populaire publie « un programme commun à la Résistance française », proposé par le PS au récent CNR.

Mais ce projet socialiste est « doublé » par un autre projet qui lui ressemble beaucoup, celui d’Émile Laffon, envoyé du Commissariat de l’Intérieur de Londres auprès du CNR. De toute façon, il est rejeté par le PCF et par les droites. Et c’est au sein du CNR, lors des discussions d’élaboration de la charte que ces idées de réformes économiques et sociales sont reprises.



27) De novembre 1943 à mars 1944, le programme pour l’après-guerre qui complète le programme d’action immédiate destiné à préparer l’insurrection nationale évolue vers la gauche49. Chaque mouvement représenté au CNR fait ses propositions.

Le projet du FN défendu par Pierre Villon au CNR, qui reprend les thèses du PCF n’accorde qu’une importance secondaire aux mesures économiques et sociales à prendre après la libération pour ne pas inquiéter l’opinion et rassembler les Français50.

Ce n’est pas l’analyse du parti socialiste reconstitué dans la clandestinité qui tient aux nationalisations des principaux moyens de production à la Libération. Il ne sera pas satisfait du programme du CNR trop timide sur ce point. En fait, la charte proposée par le FN après consultation du PCF est très modérée, n’incluant pas par exemple le statut du fermage.

Ce sont en fait le PS et le Mouvement de Libération nationale (MLN), regroupement de plusieurs mouvements de Résistance, dont Libé-Nord, Défense de la France et l’OCM qui font les propositions économiques et sociales les plus avancées.




28) Selon Claire Andrieu, une disposition importante est insérée au tout dernier moment dans le programme du CNR publié le 15 mars 1944 : elle concerne « l’établissement d’un juste statut du fermage et du métayage ».

On peut y voir la patte de Tanguy Prigent car cette préoccupation provient du projet de charte du MLN, donc de Libé-Nord, sous la forme d’un « Nota Bene à préciser » alors qu’elle n’apparaît plus dans le projet socialiste du début mars 1944.

C’est pourtant Daniel Mayer qui a remis à Jacques Bingen pour le CFLN, vers la mi-novembre, un rapport de Tanguy Prigent du 27 octobre 1943 intitulé « De la Confédération Générale de l’Agriculture (comité provisoire clandestin) au Comité de Libération Nationale51 ».

Ce rapport est transmis à Alger au CFLN et à son camarade socialiste André Philip et peut-être au général de Gaulle. Tanguy Prigent envisage la reconstruction de l’agriculture française et du syndicalisme agricole après la guerre en insistant sur la question fondamentale du problème foncier.

Le paysan du Trégor déçu de l’abandon de cette réforme du fermage et du métayage par le Front populaire remet l’ouvrage sur l’établi dans la clandestinité. Il semble que les interventions du MLN, s’appuyant sur le rapport de la CGA clandestine en gestation, aient permis d’inscrire cette réforme importante dans la charte du CNR qui deviendra une sorte de bible des partis de gauche après la Libération.

Sous l’action conjuguée du MLN et du PS, le programme économique et social du CNR a évolué vers la gauche alors que les communistes ont joué un rôle modérateur et que les droites n’ont opposé qu’une résistance passive. Tanguy Prigent a apporté indirectement sa pierre à ce programme du CNR. Car une partie importante de son action clandestine consiste à mettre sur pied une Résistance paysanne.

  • *51 Claire Andrieu, op. cit., p. 80. AN F 1a 3 728. Rapport dactylographié de 3 pages.


Résistance paysanne


29) C’est à partir de l’action légale contre Vichy et sa Corporation paysanne que naît un mouvement de Résistance s’adressant directement aux agriculteurs.

Tanguy Prigent est à l’origine de ce mouvement qui s’appuie sur les réseaux de ses camarades de la CNP. Son collaborateur du Bulletin, Anthelme Lyonnet y participe avec des militants comme Vimeux, René Louis et Marcel Couvreur. Les souvenirs de Marcel Couvreur donnent des éléments sur la gestation de Résistance paysanne en assimilant l’action légale à la lutte clandestine52. Comme nous l’avons vu, Tanguy Prigent noue des contacts avec des syndicalistes socialistes de zone occupée en 1941.

Le Bulletin légal de la Fédération paysanne du Finistère joue un rôle de liaison puis d’unification entre des militants paysans et des groupes isolés en zone occupée alors qu’en zone libre cette « unification » de paysans dans divers groupements est beaucoup plus difficile.

L’action légale recouvre une activité plus clandestine qui relève peu ou prou d’une résistance politique au régime de Vichy mais pas encore de lutte contre les Allemands. « Cependant, écrit Louis Couvreur, au cours de l’année 1942, la Résistance paysanne se concrétisa autour de grands centres comme Morlaix, Arras, Paris, Brienne-le-Château, les liaisons entre les deux zones étant assurées par les militants du Cher. »

Bourges devient une plaque tournante. La liaison entre Paris et Limoges permet au printemps 1943 l’unification effective du mouvement Résistance paysanne à la suite de réunions de responsables dans les deux zones.


30 ) L’action résistante est le prolongement logique de l’opposition à Vichy. Mais on peut se demander dans quelle mesure l’action de Résistance paysanne ne se confond pas avec celle de Libération-Nord, voire du réseau Cohors-Asturies puis de Phalanx ?

Une section militaire fait du renseignement. Elle transmet parmi les premiers des informations sur les rampes de lancement d’armes secrètes en construction (donc à la fin 1943 et en 1944) par des boîtes aux lettres installées par Tanguy Prigent et par la fille de Vimeux.

Il est vrai qu’à partir de 1942 et surtout en 1943, les organisations résistantes ont de plus en plus besoin de faire appel aux agriculteurs pour héberger les réfractaires au STO, un axe de Libération-Nord, recueillir des renseignements dans les zones interdites, côtières et autres, et bientôt appuyer et ravitailler les maquis53. La chaîne des coopératives participe à l’aide des prisonniers de guerre évadés et des résistants grillés.

31) Tanguy Prigent prend de nombreux contacts : dans les antennes parisiennes des ministères de l’Agriculture et du Ravitaillement et auprès de directeurs du Crédit agricole.

Il recrute pour Libération-Nord et Résistance paysanne des hommes qui vont jouer un rôle dans la réorganisation du pays et la préparation d’un programme agricole54.

Il n’imagine pas alors qu’il sera lui-même chargé d’appliquer cette politique et c’est lors de ces réunions qu’il fait la connaissance de plusieurs futurs collaborateurs. Naturellement, celui qui a fait du journalisme son second métier, n’envisage pas d’autre moyen pour diffuser ses idées qu’un journal clandestin La Résistance paysanne dont le premier numéro est diffusé en janvier 1944.

Contrairement aux premiers temps de la résistance, ce n’est pas le journal qui permet la structuration du mouvement, mais l’organisation structurée qui se dote d’un journal.

32) Succédant aux bulletins et circulaires imprimées en Bretagne, La Résistance paysanne se veut un journal à diffusion nationale.

Il s’agit de poursuivre la lutte contre une Corporation paysanne vichyssoise de plus en plus discréditée dans les milieux agricoles. Échappant à toute censure ou autocensure, le Trégorrois peut se livrer à des attaques virulentes contre les hobereaux de la Corporation qui ont mené une œuvre de démolition des institutions agricoles en mettant l’agriculture française au service de l’Allemagne55.

« Entreprise de revanche des réactionnaires et tentative d’asservissement des paysans : elle est avant tout une oeuvre antinationale, une œuvre de trahison créée pour servir les Allemands et faciliter le pillage de la France. » Pour le rédacteur, Tanguy Prigent assurément, les nombreux responsables énumérés devront rendre compte de « ce crime ». Cet appel à l’épuration évoque aussi les luttes pour la défense des coopératives démocratiques menacées « par cette même corporation antipaysanne et antinationale fabriquée à l’abri des baïonnettes nazies ».

Il n’y a aucune rupture dans le style et dans le combat mené par Tanguy Prigent depuis l’automne 1940, à la différence près qu’il peut désormais dénoncer ouvertement les nazis et la collaboration d’État. Dans le second numéro de février 1944 de La Résistance Paysanne, il poursuit ses attaques nominales contre les dirigeants vichyssois de l’agriculture et appelle à la vigilance : « Retenons ces noms, il importe de ne pas les oublier demain, car parmi ces hommes de Vichy et de la trahison, nombreux sont ceux qui essayeront de se faire pardonner et de s’introduire dans la nouvelle organisation de l’agriculture ».

Celui qui dénonce « le vol de terre de culture » par les hommes de la Corporation (des achats par des non-exploitants) ne se fait guère d’illusions sur l’avenir. Il réclame donc « La terre aux véritables paysans et à eux seuls ».

33) Le n° 4 de La Résistance paysanne est diffusé en juin 1944 alors que Tanguy Prigent a déjà regagné la Bretagne.

Tanguy Prigent et le PS y envisagent l’après-Libération. Pour réorganiser l’agriculture française il faut d’abord épurer sévèrement tous les cadres de la Corporation, depuis les syndics de districts jusqu’aux dirigeants nationaux, sans oublier les responsables des organisations du monde agricole (Crédit, Mutualité, Office des céréales).

La Résistance paysanne prône la politique de la table rase contrairement aux communistes. Le PCF applique une double stratégie : prise de contrôle de la Corporation de l’intérieur en faisant expulser par les paysans les syndics vichyssois, formation un peu partout de comités de défense paysanne56.

Sous le titre « il faut chasser les collaborateurs », Tanguy Prigent écrit : « Nous déclarons que tous les hommes qui ont rempli des fonctions à la direction des services de la Corporation, à la direction des Secrétariat généraux de l’Agriculture et du Ravitaillement ou auprès des ministres et Secrétariats d’État (chefs et membres de cabinet, chargés de mission, etc.) ne peuvent remplir aucune fonction dans les services de la nouvelle administration ou auprès des nouveaux ministres ou Secrétaires d’État ou Secrétaires généraux du gouvernement issu de la Libération Nationale. »

Celui qui ignore qu’il va dans quelques semaines devenir ce nouveau ministre de l’Agriculture se prononce pour une épuration stricte de l’administration centrale et des dirigeants agricoles. Cette épuration sera beaucoup moins simple et beaucoup moins radicale. Mais auparavant, Tanguy Prigent regagne la Bretagne.


Les combats de la Libération en Bretagne

34) En mai 1944, à l’approche du débarquement, Tanguy Prigent est envoyé à Rennes par Libération-Nord comme chef militaire et civil pour superviser les nombreux groupes du mouvement qui forment souvent, avec les corps francs de Défense de la France et de l’OCM, la base des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) en formation depuis février 194457.
Les FTP, très actifs en Bretagne, conservent leur autonomie militaire au sein des états-majors départementaux des FFI dans lesquels ils sont intégrés.
Après le débarquement, son beau-frère Marcel Hamon, le colonel Courtois dont l’épouse a été déportée, revient aussi en Bretagne avec un commandement régional FTP-FFI.
35) Il est difficile d’évaluer à la veille du débarquement le nombre exact d’hommes relevant de Libé-Nord d’autant plus que de nombreux cadres civils et militaires du mouvement et plusieurs délégués au sein des CDL clandestins ont été arrêtés en plusieurs vagues en 1944 ou ont dû changer de région58.
Au 30 janvier 1944, un rapport du colonel Zarapoff, chef militaire de Libé-Nord estime « l’effectif moyen » des quatre départements bretons de la région M2 à 150 équipes59.
Il s’agit le plus souvent d’effectifs théoriques que les responsables désignés sont capables de mobiliser après le débarquement. Mais des progrès importants ont été accomplis : au 5 septembre 1943, la région M2 ne comptait au total que 140 équipes, pratiquement sans armement60. Si le quadrillage du Finistère est bien avancé au début 1944, celui des autres départements est plus restreint et ces données chiffrées sont assez aléatoires.
36) En mai 1944, le chef régional de Libération-Nord transmet des directives militaires aux responsables départementaux ; il est en liaison avec le commissaire de la République Le Gorgeu et les préfets de la Libération désignés.
Par exemple, au début juin 1944, il rencontre son camarade Le Coutaller, responsable FFI et membre du CDL clandestin du Morbihan, qui organise un important maquis dans l’ouest du département et va commander un bataillon FFI. Il échappe d’ailleurs à une arrestation.
Après le débarquement, Tanguy Prigent rencontre une équipe Jedburgh (trois hommes) dont un lieutenant américain et un capitaine français, sans doute en Haute Bretagne.
Le contact direct avec les Alliés est établi. En Bretagne, la Résistance militaire (FFI et FTP) et les Cooney parties, équipes de sabotages parachutées, appuyées par les parachutistes SAS largués sur les bases de Duault et Saint-Marcel, appliquent les différents plans de sabotage prévus pour le jour J. Durant cette période insurrectionnelle, Tanguy Prigent parcourt la région, à bicyclette, souvent avec son épouse Denise, évitant le Finistère où il est trop connu malgré ses déguisements et sa moustache61.
Pour passer les contrôles allemands, il dispose d’une carte officielle d’inspecteur pour la collecte des denrées agricoles qui fait merveille jusqu’au jour où il est intercepté par des maquisards morbihannais. Les résistants veulent arrêter cet individu travaillant pour l’occupant mais Denise Prigent parvient à les convaincre de les laisser continuer leur chemin.

37) Lorsque les armées du général Patton approchent de Rennes, le souslieutenant Tanguy Prigent rejoint son Trégor natal pour y prendre le commandement des FFI du canton de Lanmeur qui comptent de 200 à 250 hommes.
Les rafles et les déportations d’otages ont fait de nombreuses victimes à Morlaix où les policiers du commissaire Le Du et les gendarmes sont chargés de protéger le viaduc d’une destruction allemande. Grâce à ses contacts avec l’équipe Jedburgh, Tanguy Prigent obtient deux parachutages d’armes, sur une lande, près d’un étang, à Kérionec-Kermabon, entre Morlaix et Saint-Jean-du-Doigt.
Le premier parachutage voit aussi atterrir une équipe de spécialistes (12 hommes) chargée de s’emparer du viaduc de Morlaix et de le déminer. Cet ouvrage d’art est indispensable aux troupes américaines qui foncent sur Brest par la route nord tandis que d’autres troupes progressent très rapidement par le Centre Bretagne. L’un de ces parachutages a eu lieu dans la nuit du 7 au 8 août 1944.

38) La densité des troupes allemandes est encore forte sur la côte Nord et la plus grande confusion règne. Des troupes, sans cesse accrochées par les maquisards et les FFI, tentent de se replier sur la forteresse de Brest, laissant dans les premiers jours d’août une trace sanglante derrière elles (destruction de fermes, arrestation et exécution d’otages et de civils).
C’est le cas par exemple à Saint-Pol-de-Léon où la population a pavoisé après le départ des Allemands. Mais des troupes reviennent et plusieurs otages sont arrêtés et exécutés, dont le maire de la cité, Alain Budes de Guébriant, le fils du dirigeant de l’Office de Landerneau et de la Corporation. Un drame similaire est évité de justesse sur l’autre rive de la rivière de Morlaix.
39) Dans les premiers jours d’août, le 5 ou le 6, les FFI de Tanguy Prigent libèrent Plougasnou en faisant plusieurs prisonniers commandés par un officier autrichien.
L’officier souhaite garder son arme, ce que Tanguy Prigent accepte en renforçant la surveillance et en dormant dans la même maison. Mais le lendemain matin, une importante colonne allemande bien armée (avec canons et mortiers) marche sur Plougasnou où les premiers tirs sont échangés. Le rapport des forces étant trop inégal, le commandant des FFI fait engager la négociation par le lieutenant Hubert qui parle allemand.
Il propose d’évacuer Plougasnou et de libérer les prisonniers allemands à condition que la population civile ne subisse pas de représailles. L’officier autrichien prisonnier soutient activement les discussions.
Les FFI évacuent Plougasnou pour se reformer dans un bois voisin. Le lendemain, cette colonne allemande qui avait réquisitionné diverses charrettes évacue Plougasnou.
Les FFI harcèlent ces soldats qui se replient vers Brest. Tanguy Prigent obtient que l’aviation américaine les attaque au niveau de Plouigneau62.
Les FFI de Lanmeur participent alors à la libération de Morlaix avec l’appui des Américains, puis marchent avec eux sur Brest où les Allemands retranchés vont soutenir un siège terrible jusqu’au 18 septembre.
Le militaire Tanguy Prigent va alors laisser la place au politique.

La transition des pouvoirs dans le Finistère et la surprise du début septembre


40) Responsable national et régional de Libération-Nord, du MLN, et du parti socialiste clandestin, l’ancien député de Morlaix participe à l’installation des nouveaux pouvoirs républicains dans la liesse de la Libération. En Bretagne, cette transition des pouvoirs, soigneusement préparée, se fait en quelques heures, à Rennes, à Saint-Brieuc, à Vannes puis à Quimper, avant même l’arrivée des autorités militaires américaines.
Les CDL, le commissaire de la République, les préfets, les maires de la Libération apparaissent au grand jour. Il n’y a pas de vacance du pouvoir63.
Tanguy Prigent qui a contribué à désigner certains responsables installe son camarade socialiste Hippolyte Masson, comme président de la délégation spéciale de Morlaix.
En 1945, il sera élu maire puis conseiller général de Morlaix. Tanguy Prigent a décliné l’offre de la Résistance de devenir maire de la cité. Il préfère reprendre son fauteuil de Saint-Jean-du-Doigt et a sans doute d’autres ambitions.
Ensuite, il se dirige vers Quimper, libérée le 8 août, pour y installer le nouveau préfet du Finistère, son camarade de Libé-Nord Aldéric Lecomte. Il présidera aussi la première réunion du CDL du Finistère, sans doute celle du 17 août (première réunion officielle), dont la présidence effective revient au libraire quimpérois Adolphe Le Goaziou.
Le CDL du Finistère élargi présente alors la particularité en Bretagne, et sans doute ailleurs en France, de compter en son sein quatre anciens députés qui ont voté non au maréchal Pétain.

41) À la joie de la libération du pays et des retrouvailles de ses enfants se mêlent des peines. Non seulement Tanguy Prigent a perdu pendant la guerre son grand-père puis son père, mais il a appris aussi la disparition dramatique de son ami, de son mentor, de son père de substitution, Guy Le Normand.
En effet, le 26 mars 1944, Guy Le Normand se trouve malencontreusement chez son frère l’amiral Le Normand, dans son manoir de Guipavas près de Brest où il a pris sa retraite depuis le 1er décembre 1943 64.
L’amiral Le Normand a assumé des commandements importants à Brest de 1940 à la fin 1943. Directeur du port (en mars 1940), les Allemands ont nommé le capitaine de Frégate Le Normand major général du port en juin. Le 13 mars 1942, élevé au grade de Contre-Amiral par Vichy, il devient le chef du 2e arrondissement maritime assumant les fonctions de Préfet maritime.
Cet officier supérieur a donc été le principal interlocuteur des autorités d’occupation et il est considéré par de nombreux ouvriers de l’arsenal et par des résistants comme un collaborateur.
C’est une cible symbolique toute désignée pour les groupes FTP qui ont entrepris d’exécuter des « traîtres » dans le cadre d’une épuration annoncée et exigée de toute part.
Guy Le Normand n’est sans doute pas directement visé, mais il a le malheur de se trouver chez son frère ce jour-là. Dans la soirée du 26 mars 1944, il est abattu en tentant de s’interposer et meurt sur le coup65.
L’amiral Le Normand meurt le 29 mars à l’hôpital maritime et il a droit à des obsèques en grande pompe le 1er avril à Brest66.
Tanguy Prigent, qui a pris beaucoup de risques dans la Résistance, est personnellement atteint par cette mesure d’épuration. Il ne se remettra jamais totalement de la disparition de celui qui l’a formé.
Dans ses mémoires, il donne d’ailleurs une version erronée de ces événements dramatiques : « En mars 1944, des voyous engagés dans les forces françaises de l’intérieur (FFI) parce qu’il n’était plus de mode de s’engager dans la Waffen SS, ont assassiné Guy Le Normand, mon second père, le “vrai”, pour aucun autre motif qu’une basse vengeance personnelle67. »
Désormais, il lui faudra agir seul, sans les conseils avisés de Guy Le Normand.

42) Mais Tanguy Prigent n’a guère le temps de pleurer celui qu’il considère comme son second père car une nouvelle totalement inattendue et presque incroyable vient lui apprendre qu’il est nommé ministre de l’Agriculture par le général de Gaulle.
Rien ne laissait prévoir une telle responsabilité. Souvenirs et chronologie se bousculent un peu dans le témoignage de 1948 comme dans les mémoires du maire de Saint-Jean-du-Doigt68. Le récit publié à chaud le 11 septembre 1944 dans La Résistance est sans doute celui qu’il faut retenir69.
Officiellement, Tanguy Prigent est nommé ministre de l’Agriculture du Gouvernement provisoire de la République Française (GPRF) le 4 septembre 1944 au sein d’un gouvernement élargi. Ce remaniement ministériel est annoncé le 5 septembre. « C’est au cours d’un déjeuner que, le mercredi 6, mes amis et moi prenions à Braspart, en pleine lande morlaisienne, l’on vint m’avertir de cette décision du GPRF, décision à laquelle je ne crus pas tout d’abord […]70.
Je regagnai donc Morlaix, peu convaincu de cette accession à un pouvoir que je n’avais aucunement sollicité et ce fut le jeudi matin à 8h15, que le vieux menuisier Étienne Péron, il me connut tout enfant, bondit chez moi : « Tu es ministre, mon gars ! Et pour de vrai. La radio l’a annoncé. Un avion t’attend à Rennes71 ! » C’est ainsi que je fus piloté de Rennes à Paris par le lieutenant de Narbonne qui avait pris l’initiative de cette opération. Le voyage se déroula de façon idéale. Le soir, je participai au Conseil des ministres ». Dans cette version, il n’est pas question des rencontres avec le général de Gaulle sur lesquelles Tanguy Prigent insiste dans ses souvenirs72.

43) Dans son témoignage de 1948, il évoque ses deux rencontres (le 4 et le 5 septembre) et se dit très impressionné lors du premier entretien avec le chef de la France libre. Alors que Tanguy Prigent veut parler de la Résistance, de Gaulle l’arrête : « La Résistance, c’est le passé. Parlons de l’avenir. » À la fin de sa vie, il relate ainsi cette première rencontre avec l’homme du 18-Juin : « L’homme dont l’appel mécanique m’avait glacé savait être charmant.
La sympathie fut réciproque : j’étais jeune, je n’étais pas laid, surtout je n’avais pas du tout le style politicien. D’excellente humeur, de Gaulle imaginait déjà (je l’ignorais alors) la tête des caciques, des polytechniciens, etc. auxquels il présenterait sa trouvaille. Il pensait à la mine d’un certain radical charentais, directeur général de l’agriculture de la France libre, si absolument sûr d’être ministre à la libération. […]
Il avait composé son gouvernement avec toute la malice, la perfidie, la jubilation d’un metteur en scène prévoyant une distribution fertile en coups de théâtre. Entre autres : un petit fermier, un vrai, et quasiment analphabète ! Et puis, on est toujours attiré par ce qui est à l’opposé de soi-même. Le petit, le beau fermier, s’il avait les pieds sur terre, était aussi un romantique73. »
Telle est la représentation de sa nomination au gouvernement que Tanguy Prigent se faisait à la fin de sa vie, une représentation qui ne tient pas compte des rapports de force et des enjeux politiques de la Libération.

44) Plus jeune conseiller général de France en 1934, plus jeune député en 1936, Tanguy Prigent devient à moins de 35 ans le plus jeune ministre du gouvernement provisoire de la Libération. L’homme qui sort de quatre années d’activité intense dont une année de lutte clandestine n’a guère le temps de se retourner sur son passé.
Le petit paysan, le militant socialiste, le résistant accède sans coup férir aux sommets du pouvoir en obtenant contre toute attente un portefeuille ministériel. Le général de Gaulle a choisi un authentique paysan pour occuper le ministère de l’Agriculture. Assurément Tanguy Prigent bénéficie du renouvellement des élites issues de la Résistance. Une lourde charge l’attend lorsqu’il prend possession du ministère de la rue de Varenne. Une nouvelle étape de sa vie commence.


Notes
1 AN. 72 AJ 59. Témoignage de Tanguy Prigent du 10 décembre 1948 au CHDGM.
2 CDT de Nantes. Dossier de Guébriant. Rapport de la Direction générale de la Sûreté nationale de novembre 1946.
3 Alya Aglan, La Résistance sacrifiée. Le mouvement Libération-Nord, Paris, Flammarion, 1999.
4 Marc Sadoun, les socialistes sous l’Occupation. Résistance et collaboration, Paris, PFNSP, 1982, p. 114-120.
5 Christian Bougeard, Histoire de la Résistance en Bretagne, Paris, éd. J.-P. Gisserot, 1992.
6 Jean-Marie Guillon, « Les socialistes en résistance. Un comportement politique », La Résistance et les Français : Villes, centres et logiques de décision, s.d. de Laurent Douzou, Robert Frank, Denis Peschanski et Dominique Veillon, Cachan, IHTP, 1995, p. 381-396.
7 Ibidem, p. 384
8 AN. 72 AJ 59. Témoignage de Tanguy Prigent.
9 Alya Aglan, op. cit., p. 129.
10 Tanguy Prigent, Les maîtres de la vanité, op. cit., p. 120.
11 Alya Aglan, op. cit., p. 120.
12 Alain Le Grand et G.-M. Thomas, Le Finistère dans la guerre, t. 1, L’Occupation, Paris/Brest, éd. de la Cité, 1979, p. 288-296.
13 Christelle Hall, Les propagandes, les médias et l’opinion publique dans le Finistère en 1942, maîtrise d’histoire, Université de Bretagne Occidentale, Brest, 1998.
14 AN. 72 AJ 59. Témoignage de Tanguy Prigent.
15 Tanguy Prigent, Les maîtres de la vanité, op. cit., p. 120.
16 Ibidem. En cas de contrôle allemand, Jacques Le Ru est un ami d’un ancien locataire. Cette boîte aux lettres fonctionne pendant toute la guerre sans problèmes.
17 Édouard Depreux, Souvenirs d’un militant. Cinquante ans de lutte. De la social-démocratie au socialisme (1918-1968), Paris, Fayard, 1972. Il écrit : « Or, je connaissais bien Tanguy-Prigent. Je l’avais souvent rencontré, entre 1940 et 1944, au sein du parti clandestin et de Libération-Nord », p. 448.
18 Marc Sadoun, op. cit., p. 156-158.
19 Marc Bergère, Épuration vécue et perçue à travers le cas du Maine-et-Loire. De la Libération au début des années 1950, thèse, Université Rennes 2, 2001, p. 90.
20 Marc Sadoun, op. cit., p. 146.
21 Jean Devienne, le chef du FN, est un socialiste du Nord.
22 A. Le Grand et G.-M. Thomas, op. cit., p. 288-296.
23 Bulletin, 10 février 1942.
24 Archives Mireille Prigent. Dossier de Guébriant. Rapport de la Sûreté nationale de 1946.
25 ADF. 86 W 238. Correspondance générale des communes après 1940.
26 Dossier de Guébriant.
27 Le JO publie un double arrêté : Tanguy Prigent « est déclaré démissionnaire d’office de ses fonctions » de conseiller général et « révoqué » de celles de maire.
28 Un rapport de RG, un article biographique dans Samedi soir du 26. octobre 1946 et surtout un article de Tanguy Prigent dans La Résistance paysanne du 11 septembre 1944.
29 Tanguy Prigent, Les maîtres de la vanité, op. cit., p. 120.
30 « Je possède un homonyme, monsieur Prigent, membre de la Chambre consultative d’Alger. Je n’ai d’ailleurs qu’à me féliciter de cette particularité car les Allemands qui me cherchaient avec une féroce activité établirent à plusieurs reprises une confusion entre ce lointain Monsieur Prigent et moi-même, ce qui me valut de passer à travers les mailles du filet. » Cité par Yves Le Thoër, p. 166.
31 Elle a été délivrée par la préfecture de Beauvais le 27 mai 1943. Photocopie dans LLe Thoer, op. cit. On peut s’interroger sur cette identité picarde d’un homme qui s’exprime avec l’accent breton. Jacques Le Ru utilise aussi le pseudonyme de Pascal (AN. F 7/15504. Notice biographique de 1946) et une carte d’identité au nom de Lucien Gourvil, syndic de la Corporation paysanne…
32 AN. 72 AJ 59. Témoignage de Tanguy Prigent au CHDGM. Le gendarme lui dit aussi qu’il est suspect car il a pris trop de précautions (aucuns vieux papiers, ni objets, dans ses poches).
33 Tanguy Prigent se considère comme semi-clandestin depuis la fin de 1942 selon son témoignage au CHDGM et selon une notice biographique rédigée sans doute en 1946 (AN. F 7/15504). Mais durant cette période il participe encore publiquement aux réunions de défense des coopératives du Finistère.
34 Tanguy Prigent, Les maîtres de la vanité, op. cit., p. 144 et 121.
35 Témoignage d’Alain Le Borgne au colloque du CRBC de Saint-Jean-du-Doigt le 25 septembre 1999.
36 Les maîtres de la vanité, op. cit., p. 121.
37 Paul Rame, La police dans le Finistère pendant l’0ccupation et la Libération, maîtrise d’histoire, Brest, UBO, 1999, p. 55, 59 et 87. Notices individuelles remplies par les policiers à la Libération. Certains ont des attestations d’appartenance à la Résistance et aucun policier de Morlaix n’est passé en commission d’épuration.
38 AN. F 7/15504. Rapports du 11 septembre et du 13 novembre 1943.
39 Yves Le Thoër, op. cit., p. 167.
40 AN. 72 AJ 59. Témoignage de Tanguy Prigent au CHDGM.
41 Alya Aglan, op. cit., p. 129-130.
42 Par exemple dans les Côtes-du-Nord, le socialiste Yves Lavoquer a proposé à l’industriel Adolphe Vallée, officier de réserve, proche de l’Action Française avant guerre, de devenir commandant départemental de l’AS. Vallée est arrêté en février 1944.
43 A. Le Grand et G.-M. Thomas, Le Finistère dans la guerre, t. 1, op. cit., p. 288-289.
44 Ibidem, t. 2, p. 22.
45 Alya Aglan, op. cit., p. 301.
46 Le socialiste Charles Foulon est secrétaire du CDL d’Ille-et-Vilaine ; le radical-socialiste Henri Avril qui adhère à la SFIO à la Libération, recruté par le socialiste Yves Lavoquer, préside celui des Côtes-du- Nord. Deux anciens du PDP président les CDL du Morbihan et du Finistère.
47 AN. 72 AJ 59. Témoignage au CHDGM. Il pense aussi que des hommes politiques plus connus et plus âgés ont leur place à Alger et que les jeunes doivent se battre en France. En fait, c’est Jacques Brunschwig-Bordier qui représente Libé-Nord à l’Assemblée d’Alger.
48 Claire Andrieu, Le programme commun de la Résistance. Des idées dans la guerre, Paris, les éditions de l’Érudit, 1984, chapitre 1.
49 Ibidem, p. 75-81.
50 Par exemple Jacques Duclos fait remplacer le terme de « socialisation » des grands moyens de production du programme Laffon par celui plus neutre de « retour à la nation ». Il reprend d’ailleurs une expression employée par les socialistes au congrès de Marseille en 1937. Les nationalisations en régime capitaliste sont des projets de la CGT et de la SFIO que le PCF rejetait jusqu’en 1943. Au CNR, Saillant de la CGT, n’a pas été appuyé par le PCF et par le FN quand il a réclamé « la socialisation de l’économie ».
51 Claire Andrieu, op. cit., p. 80. AN F 1a 3 728. Rapport dactylographié de 3 pages.
52 OURS. Fonds Michel Cepède. Reproduction d’un article de Marcel Couvreur, La Voix de la Résistance, n° 103, septembre 1965. L’auteur date abusivement la naissance de Résistance paysanne d’octobre 1940.
53 François Marcot, « Les paysans et la Résistance : problèmes d’une approche sociologique », La Résistance et les Français, s.d., J. Sainclivier et Ch. Bougeard, Rennes, PUR, 1995, p. 245-255.
54 AN. 72 AJ 59. Témoignage au CHDGM. Les réunions se tiennent au 85, rue Lecourbe et au 13, Boulevard Rochechouart à Paris.
55 Isabel Boussard, Vichy et la Corporation paysanne, op. cit., p. 338-343. Journal conservé à la BN.
56 Isabel Boussard, op. cit., p. 342-345.
57 AN. 72 AJ 59. Témoignage de Tanguy Prigent au CHDGM.
58 Dans le Finistère, les chefs militaires Mathieu Donnart et le colonel Fontferrier sont arrêtés ; Yves Lavoquer du CDL des Côtes-du-Nord se cache en Loire-Inférieure ; Charles Foulon de celui d’Ille-et- Vilaine fait de même dans le Centre Bretagne.
59 59. Alya Aglan, op. cit., Annexes 16.
60 Ibidem, annexe 20. Rapport du colonel Zarapoff au BCRA. Le Finistère dispose alors de 50 équipes, l’Ille-et-Vilaine et le Morbihan de 40, les Côtes-du-Nord de 10 seulement. Dans ce département beaucoup de socialistes sont au FN.
61 En juin et juillet 1944, le responsable de Libé-Nord circule de Rennes à Lamballe où réside Henri Avril, le président du CDL des Côtes-du-Nord, de Guingamp à Carhaix et de Auray à Vannes.
62 Nous suivons ici le récit que Tanguy Prigent a fait de ces événements en 1948 au CHDGM. Deux agents de liaison furent tués lors de ce combat.
63 Christian Bougeard, « La transition des pouvoirs en Bretagne à la Libération », MSHAB, tome LXVI, 1989, p. 237-249.
64 Claire Frutiaux, La Marine à Brest et la base de l’Atlantique pendant la guerre, l’Occupation et le siège de la ville 1940-1944, maîtrise d’histoire, Paris IV, 1996, p. 81-84.
65 On recense 110 exécutions sommaires dans le Finistère de septembre 1943 à 1945.
66 Une forte délégation allemande est présente aux côtés de l’amiral Negadelle, le successeur de Le Normand.
67 Tanguy Prigent, Les maîtres de la vanité, op. cit., p. 180.
68 Ibidem, p. 128-131. Il date alors sa première rencontre avec le général de Gaulle à Paris le 1er septembre 1944. Dans son témoignage de 1948, il mentionne deux entretiens les 4 et 5 septembre.
69 Yves LLe Thoër, op. cit., p. 170.
70 Dans son témoignage de 1948, il précise qu’il dînait avec des chefs militaires dans une boulangerie, le 1er ou le 2 septembre, et que la nouvelle a été annoncée par la TSF. Il s’agit sans doute du 5 septembre.
71 En 1948, il situe cette anecdote le 3 et dit que le préfet Lecomte lui confirme l’information.
72 Dans ses mémoires (p. 130), il donne une version plus bucolique : « À l’aube du 8 septembre, j’étais à Saint-Jean-du-Doigt dans la petite ferme dont j’étais toujours locataire. Je ramassais du foin dans l’un des champs, qui domine le village et une bonne partie de la commune, quand un paysan vint m’annoncer que la radio me donnait ministre de l’Agriculture. Sincèrement, je crus à une confusion avec mon homonyme, Robert Prigent, membre de l’Assemblée provisoire d’Alger. Cependant, de tous les points de l’horizon, les paysans mes frères arrivaient, et confirmaient la nouvelle dont ils n’avaient pas l’air si étonnés que ça  ! Nous rentrâmes à la ferme, où j’offris une tournée générale. À 9 heures, la radio annonçait qu’un avion attendait à Rennes l’insaisissable excellence qu’elle s’entêtait à prénommer Tanguy. » Piège de la mémoire, reconstruction de l’histoire  ? C’est presque le scénario d’un film intitulé Quand un paysan devient ministre. Dans cette version, Tanguy Prigent dit avoir été convoqué par de Gaulle à Paris le 1er septembre – ce qui est peu probable – et avoir passé la nuit à Rennes chez son ami Charles Foulon, avant de s’envoler pour Paris. Il ne siège donc au Conseil des ministres que le lendemain.
73 Tanguy Prigent, Les maîtres de la vanité, op. cit., p. 129-130.

Source : https://books.openedition.org/pur/22655?lang=fr




SOURCE : LE TÉLÉGRAMME

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