Village de TRÉDUDON
Chemin de la Résistance et des Maquis
Mis en ligne sur le site le 17 avril 2020 / mise à jour 8 juillet 2024
Nom du ou des réseaux d'appartenance dans la Résistance :
Village de Résistants
SOURCE : Philippe LE BORGNE
Ci dessous : cliquez sur le dossier pour le télécharger.
Source : https://www.lepoher.fr/tredudon-le-moine-village-resistant-dans-larree/
Trédudon-le-Moine, village résistant dans l’Arrée
2 mai 2022 Erwan Chartier-Le Floch Aucun commentaire Bretagne, centre Bretagne, communiste, finistère, FTP, Ismaël Dupont, Monts d'Arrée, PCF, résistance, Trédudon, Trédudon-le-moine
Au cœur des monts d’Arrée, le petit village de Trédudon-le-Moine est l’un des grands lieux de mémoire de la résistance au nazisme, même s’il est moins connu que l’île de Sein. Déclaré « premier village résistant de France dès 1946 », il a servi de lieu de rassemblement, de refuge et de cache d’armes pour les francs-tireurs et partisans dès après la débâcle.
Pour aller à Trédudon-le-Moine, il faut emprunter une route sinueuse à la sortie de La Feuillée ou de Berrien et faire quelques kilomètres dans une campagne vallonnée et boisée. En arrière-fond, les crêtes des monts d’Arrée, avec leurs aiguilles de granit et leurs landes sauvages, semblent faire rempart au monde extérieur. Le village est constitué de quelques maisons de granit, partagées par des rues sinueuses. Au sommet, sur une petite esplanade, plusieurs stèles rappellent le rôle de ce lieu durant la Seconde Guerre mondiale, avant que Trédudon-le-Moine ne deviennent l’un des lieux de mémoire de la résistance communiste.
Terres rebelles
En effet, malgré l’ambiance bucolique et paisible, on est ici sur une vieille terre rebelle depuis des siècles. Une terre de quévaise d’abord. Au Moyen Âge, pour favoriser le défrichement et la mise en valeur des monts d’Arrée, les moines de l’abbaye voisine du Relecq mettent en place ce système de gestion collective des terrains. La quévaise attire des paysans en rupture de ban ou des individus recherchant un nouveau départ. Des populations plutôt réfractaires à l’autorité qui trouvent donc un refuge dans la région et contribuent à forger une identité égalitaire et rebelle.
Au xixe siècle, les monts d’Arrée comme le centre Bretagne sont surnommés la « Montagne », une région réputée sauvage et peu reliée au reste de la péninsule, en raison d’un réseau routier défaillant, et ce malgré le développement du tourisme au Huelgoat. Les terres de l’Arrée sont réputées pauvres. Elles sont le fief des pilhaouers, les chiffonniers. Ces derniers parcourent la basse Bretagne pour récupérer des textiles usagés, pour les recycler. Ils transportent aussi les idées nouvelles, et ils entretiennent une certaine défiance envers les autorités et la police.
Dans les années 1920 et 1930, les monts d’Arrée sont l’une des zones où se développe le tout jeune Parti communiste français. Huelgoat est d’ailleurs la première commune à élire un maire communiste en France. Un Parti communiste cependant ébranlé lorsque, en septembre 1939, l’URSS de Staline signe un pacte avec l’Allemagne nazie, alors que la France et la Grande-Bretagne vont entrer en guerre pour protéger la Pologne. Un pacte germano-soviétique que soutient la direction du PCF, mais pas forcément la base militante.
Cache d’armes
En mai, juin 1940, après plusieurs mois de drôle de guerre, les armées françaises et britanniques sont mises en déroute par l’offensive allemande. Les Britanniques refluent vers Brest, avec des tonnes de matériel dont beaucoup sont stockées à Saint-Thégonnec. Ils en abandonnent ou en détruisent une grande partie avant l’arrivée des Allemands le 17 juin. De nombreuses armes, des munitions et des vivres sont, malgré tout, récupérés avant par des patriotes, dont des sympathisants communistes, en prévision de combats futurs.
À l’instigation d’un dirigeant local de l’Organisation spéciale du Parti communiste, Pierre Plassart, le village de Trédudon-le-Moine est alors choisi comme cache d’armes. Il sert aussi de lieu de rendez-vous discret aux dirigeants communistes qui préparent une résistance plus active. Le Parti communiste français est d’ailleurs entré dans la clandestinité après son interdiction en France durant l’été 1940. Il se structure donc militairement et le petit village des monts d’Arrée est un lieu discret de réunion…
Centre de résistance
Outre leurs convictions patriotiques et antifascistes, nombre des militants communistes se doutent en effet que le pacte germano-soviétique ne va pas durer. De fait, au printemps 1941, les troupes allemandes envahissent l’URSS. Dès lors, rien ne retient plus les communistes de s’investir pleinement dans la Résistance, particulièrement au sein des Francs-tireurs partisans (FTP). Des actions qui visent aussi le régime de Vichy dès l’été 1941. Historien et actuel secrétaire départemental du PC en Finistère, Ismaël Dupont rappelle que « pendant la guerre, plus de la moitié des résistants armés étaient des FTP. L’influence communiste sur la résistance a été notable et quantitativement essentielle dans l’Hexagone ».
Dans l’ouvrage Résistants et maquisards dans le Finistère. Témoignages, aux éditions Keltia Graphic, on peut ainsi lire que : « Le village de Trédudon-le-Moine est accroché comme un nid au versant sud de la Montagne. Dès les premiers jours de l’occupation, les trente-deux foyers de ce village et les fermes environnantes deviennent pendant près de quatre longues années un bastion de l’organisation clandestine du Front national, de l’OS et des FTPF […]. Dès l’année 1942, de jeunes résistants du pays constituent un groupe de combat […]. Ils insufflent un tel élan à la Résistance que celle-ci trouva embrigadée dans ses rangs la quasi-totalité des jeunes paysans de l’Arrée. »
Dès cette époque, des aviateurs alliés, abattus lors des raids contre les ports bretons, sont hébergés dans le secteur et transitent par Trédudon-le-Moine. Le village sert également de refuge pour les maquisards dont le nombre augmente substantiellement en 1943, après l’instauration du service du travail obligatoire (STO). Ils peuvent s’y reposer et s’y ravitailler entre deux actions contre l’occupant. « Beaucoup de résistants venaient de l’arsenal de Brest ou de la pyrotechnie de Pont-de-Buis, rappelle Ismaël Dupont. Ils ont apporté leur savoir-faire, notamment en matière d’explosifs. Ils avaient ainsi monté un projet d’attentat contre la retenue d’eau de Saint-Herbot. »
Soldats allemands tués
Les soldats allemands sont avant tout concentrés dans les grandes villes et le littoral, mais ils mènent parfois des opérations dans le centre Bretagne où, à partir de 1943, les maquis deviennent de plus en plus structurés, comme celui FTP de Spézet-Saint-Goazec, du réseau Libération nord du Huelgoat ou celui des FFI de Plonévez-du-Faou. Gare aux éléments ennemis isolés. En janvier 1944, un capitaine allemand et son ordonnance, tous deux à cheval, sont abattus par les maquisards à Goenidou en Berrien. Leurs corps sont enterrés près de Trédudon-le-Moine.
En février 1944, les Allemands mènent une grosse opération à Berrien qui compte, à la fin de la guerre, 22 fusillés, seize déportés, onze tués au combat et un disparu.
C’est un lourd tribut qui fait de la commune, mais surtout de Trédudon-le-Moine, un lieu emblématique de la Résistance après la Libération.
Lieu de mémoire
En 1946, l’état-major des FTPF lui accorde le titre de « premier village résistant de France ». « Le Parti communiste cherchait alors à valoriser la résistance populaire, reconnaît Ismaël Dupont. Il y avait aussi une concurrence de mémoire avec les Gaullistes qui, eux, ont mis en avant l’île de Sein. »
Nombre de dirigeants communistes français, de Charles Tillon à Georges Marchais, viendront d’ailleurs aux commémorations de Trédudon-le-Moine. Il s’agissait ainsi de développer le culte des martyrs d’une formation qui se présentait comme « le parti des 75.000 fusillés » (les historiens s’accordent aujourd’hui plutôt sur le chiffre, déjà considérable, de 25.000 tués). Un Parti communiste qui a longtemps dominé la vie politique de ces « campagnes rouges » du centre Bretagne et du Trégor, où les traditions de révolte ont toujours été bien ancrées. On dit même que des armes avaient été enterrées, à la Libération, près de Trédudon-le Moine, en prévision d’une éventuellement prise de pouvoir par les communistes dans les années 1940 (le PCF était alors le premier parti de France), mais qui ne vint jamais…
Trédudon-le-Moine, village résistant dans l’Arrée
2 mai 2022 Erwan Chartier-Le Floch Aucun commentaire Bretagne, centre Bretagne, communiste, finistère, FTP, Ismaël Dupont, Monts d'Arrée, PCF, résistance, Trédudon, Trédudon-le-moine
Au cœur des monts d’Arrée, le petit village de Trédudon-le-Moine est l’un des grands lieux de mémoire de la résistance au nazisme, même s’il est moins connu que l’île de Sein. Déclaré « premier village résistant de France dès 1946 », il a servi de lieu de rassemblement, de refuge et de cache d’armes pour les francs-tireurs et partisans dès après la débâcle.
Pour aller à Trédudon-le-Moine, il faut emprunter une route sinueuse à la sortie de La Feuillée ou de Berrien et faire quelques kilomètres dans une campagne vallonnée et boisée. En arrière-fond, les crêtes des monts d’Arrée, avec leurs aiguilles de granit et leurs landes sauvages, semblent faire rempart au monde extérieur. Le village est constitué de quelques maisons de granit, partagées par des rues sinueuses. Au sommet, sur une petite esplanade, plusieurs stèles rappellent le rôle de ce lieu durant la Seconde Guerre mondiale, avant que Trédudon-le-Moine ne deviennent l’un des lieux de mémoire de la résistance communiste.
Terres rebelles
En effet, malgré l’ambiance bucolique et paisible, on est ici sur une vieille terre rebelle depuis des siècles. Une terre de quévaise d’abord. Au Moyen Âge, pour favoriser le défrichement et la mise en valeur des monts d’Arrée, les moines de l’abbaye voisine du Relecq mettent en place ce système de gestion collective des terrains. La quévaise attire des paysans en rupture de ban ou des individus recherchant un nouveau départ. Des populations plutôt réfractaires à l’autorité qui trouvent donc un refuge dans la région et contribuent à forger une identité égalitaire et rebelle.
Au xixe siècle, les monts d’Arrée comme le centre Bretagne sont surnommés la « Montagne », une région réputée sauvage et peu reliée au reste de la péninsule, en raison d’un réseau routier défaillant, et ce malgré le développement du tourisme au Huelgoat. Les terres de l’Arrée sont réputées pauvres. Elles sont le fief des pilhaouers, les chiffonniers. Ces derniers parcourent la basse Bretagne pour récupérer des textiles usagés, pour les recycler. Ils transportent aussi les idées nouvelles, et ils entretiennent une certaine défiance envers les autorités et la police.
Dans les années 1920 et 1930, les monts d’Arrée sont l’une des zones où se développe le tout jeune Parti communiste français. Huelgoat est d’ailleurs la première commune à élire un maire communiste en France. Un Parti communiste cependant ébranlé lorsque, en septembre 1939, l’URSS de Staline signe un pacte avec l’Allemagne nazie, alors que la France et la Grande-Bretagne vont entrer en guerre pour protéger la Pologne. Un pacte germano-soviétique que soutient la direction du PCF, mais pas forcément la base militante.
Cache d’armes
En mai, juin 1940, après plusieurs mois de drôle de guerre, les armées françaises et britanniques sont mises en déroute par l’offensive allemande. Les Britanniques refluent vers Brest, avec des tonnes de matériel dont beaucoup sont stockées à Saint-Thégonnec. Ils en abandonnent ou en détruisent une grande partie avant l’arrivée des Allemands le 17 juin. De nombreuses armes, des munitions et des vivres sont, malgré tout, récupérés avant par des patriotes, dont des sympathisants communistes, en prévision de combats futurs.
À l’instigation d’un dirigeant local de l’Organisation spéciale du Parti communiste, Pierre Plassart, le village de Trédudon-le-Moine est alors choisi comme cache d’armes. Il sert aussi de lieu de rendez-vous discret aux dirigeants communistes qui préparent une résistance plus active. Le Parti communiste français est d’ailleurs entré dans la clandestinité après son interdiction en France durant l’été 1940. Il se structure donc militairement et le petit village des monts d’Arrée est un lieu discret de réunion…
Centre de résistance
Outre leurs convictions patriotiques et antifascistes, nombre des militants communistes se doutent en effet que le pacte germano-soviétique ne va pas durer. De fait, au printemps 1941, les troupes allemandes envahissent l’URSS. Dès lors, rien ne retient plus les communistes de s’investir pleinement dans la Résistance, particulièrement au sein des Francs-tireurs partisans (FTP). Des actions qui visent aussi le régime de Vichy dès l’été 1941. Historien et actuel secrétaire départemental du PC en Finistère, Ismaël Dupont rappelle que « pendant la guerre, plus de la moitié des résistants armés étaient des FTP. L’influence communiste sur la résistance a été notable et quantitativement essentielle dans l’Hexagone ».
Dans l’ouvrage Résistants et maquisards dans le Finistère. Témoignages, aux éditions Keltia Graphic, on peut ainsi lire que : « Le village de Trédudon-le-Moine est accroché comme un nid au versant sud de la Montagne. Dès les premiers jours de l’occupation, les trente-deux foyers de ce village et les fermes environnantes deviennent pendant près de quatre longues années un bastion de l’organisation clandestine du Front national, de l’OS et des FTPF […]. Dès l’année 1942, de jeunes résistants du pays constituent un groupe de combat […]. Ils insufflent un tel élan à la Résistance que celle-ci trouva embrigadée dans ses rangs la quasi-totalité des jeunes paysans de l’Arrée. »
Dès cette époque, des aviateurs alliés, abattus lors des raids contre les ports bretons, sont hébergés dans le secteur et transitent par Trédudon-le-Moine. Le village sert également de refuge pour les maquisards dont le nombre augmente substantiellement en 1943, après l’instauration du service du travail obligatoire (STO). Ils peuvent s’y reposer et s’y ravitailler entre deux actions contre l’occupant. « Beaucoup de résistants venaient de l’arsenal de Brest ou de la pyrotechnie de Pont-de-Buis, rappelle Ismaël Dupont. Ils ont apporté leur savoir-faire, notamment en matière d’explosifs. Ils avaient ainsi monté un projet d’attentat contre la retenue d’eau de Saint-Herbot. »
Soldats allemands tués
Les soldats allemands sont avant tout concentrés dans les grandes villes et le littoral, mais ils mènent parfois des opérations dans le centre Bretagne où, à partir de 1943, les maquis deviennent de plus en plus structurés, comme celui FTP de Spézet-Saint-Goazec, du réseau Libération nord du Huelgoat ou celui des FFI de Plonévez-du-Faou. Gare aux éléments ennemis isolés. En janvier 1944, un capitaine allemand et son ordonnance, tous deux à cheval, sont abattus par les maquisards à Goenidou en Berrien. Leurs corps sont enterrés près de Trédudon-le-Moine.
En février 1944, les Allemands mènent une grosse opération à Berrien qui compte, à la fin de la guerre, 22 fusillés, seize déportés, onze tués au combat et un disparu.
C’est un lourd tribut qui fait de la commune, mais surtout de Trédudon-le-Moine, un lieu emblématique de la Résistance après la Libération.
Lieu de mémoire
En 1946, l’état-major des FTPF lui accorde le titre de « premier village résistant de France ». « Le Parti communiste cherchait alors à valoriser la résistance populaire, reconnaît Ismaël Dupont. Il y avait aussi une concurrence de mémoire avec les Gaullistes qui, eux, ont mis en avant l’île de Sein. »
Nombre de dirigeants communistes français, de Charles Tillon à Georges Marchais, viendront d’ailleurs aux commémorations de Trédudon-le-Moine. Il s’agissait ainsi de développer le culte des martyrs d’une formation qui se présentait comme « le parti des 75.000 fusillés » (les historiens s’accordent aujourd’hui plutôt sur le chiffre, déjà considérable, de 25.000 tués). Un Parti communiste qui a longtemps dominé la vie politique de ces « campagnes rouges » du centre Bretagne et du Trégor, où les traditions de révolte ont toujours été bien ancrées. On dit même que des armes avaient été enterrées, à la Libération, près de Trédudon-le Moine, en prévision d’une éventuellement prise de pouvoir par les communistes dans les années 1940 (le PCF était alors le premier parti de France), mais qui ne vint jamais…
SOURCE : Philippe LE BORGNE
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