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BERTHÉLÉMÉ Jean-Louis

Chemin de la Résistance et des Maquis
Mis en ligne sur le site le 17 avril 2020 / mise à jour 8 juillet 2024


Nom du ou des réseaux d'appartenance dans la Résistance :
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Résistant de Kersalut en Plonévez-du-Faou

  • Légion d'honneur
  • Médaille de la Résistance
  • Médaille commémorative américaine signée du Général EISENHOWER
  • Croix du combattant volontaire de la Résistance
  • Médaille militaire
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Source : Le Télégramme – lundi 10 mai 2021

Jean-Louis BERTHELEME, à l’origine de l’un des premiers maquis de Bretagne, honoré à Plonévez-du-Faou

Une plaque commémorative a été installée à Plonévéz-du-Faou, en l’honneur de Jean-Louis Berthélémé, grande figure de la Résistance.

La plaque a été dévoilée à l’issue de la cérémonie de samedi 8 mai.

De g. à d. : Édouard Riou, Yvan Nicodème, président du Souvenir Français, la maire Marguerite Bleuzen, l’adjoint Laurent Decout et Jean Duigou.

À l’issue de la cérémonie de samedi 8 mai, commémorant la victoire des Alliées sur l’Allemagne nazie, et après la 
décoration de Julien Lalloüet et Roger Canevet, le cortège a pris la direction de la place Jean-Louis Berthélémé afin de dévoiler la nouvelle plaque commémorative en hommage à cette figure finistérienne de la Résistance.

Le départ pour les États-Unis

Né le 20 octobre 1900 à Kermenguy en Châteauneuf, la vie de Jean-Louis Berthélémé prend un premier tournant en 1926. Marié depuis quatre ans avec Marguerite Henry, le couple travaille à la ferme des parents de sa femme située à Kersalut. Jean-Louis décide alors de prendre, comme de nombreux paysans à l’époque, la direction des États-Unis. Il y trouve du travail et gagne de l’argent qu’il transmet à sa famille. À son retour au début des années 30, il met en pratique les idées qu’il a puisé outre-Atlantique.

À l’origine du premier maquis du centre-Finistère

En 1939, le conflit mondial débute et Jean-Louis est alors mobilisé dans l’artillerie. Deux ans et sept évasions des griffes de l’ennemi plus tard, de retour à Kersalut, l’invasion allemande et la mainmise sur les récoltes révoltent Jean-Louis Berthélémé.

Il est à l’origine, avec Daniel Trellu, du premier maquis en centre-Finistère et organise ouvertement la résistance paysanne. « Dénoncé, Jean-Louis est arrêté dans la nuit du 9 au 10 novembre 1943 et mourut en déportation le 4 mars 1945 au camp de Nordhausen. Nous rendons ici hommage aussi à tous les résistants qui ont défié l’occupant, défendu avec courage leur nation au risque de leur vie et ce malgré les privations. Ils ont participé à la libération de la France : qu’ils en soient remerciés », a ajouté lors de son allocution l’adjoint Laurent Decout.

Pratique

Plus d’informations sur la vie de Jean-Louis Berthélémé à lire sur le site 
www.kersalut.fr


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Article du site de KERSALUT : http://www.kersalut.fr/histoire.html

Avant guerre

Jean-Louis est né le 20 Octobre 1900 à la ferme de Kermenguy en Châteauneuf-du-Faou, commune voisine de Plonévez où il viendra vivre après son mariage.

Il fit ses études primaires à l'école publique de Châteauneuf-du-Faou où il obtint son certificat d'études.
Marguerite Henry est née le 23 décembre 1900 à Kersalut.ses deux frères et elle allaient à pieds, par tous les temps, à l'école publique de Châteauneuf-du-Faou, parce que c'était l'école laïque, ce qui valut à ses parents d'être excommuniés par le curé de Plonévez. Marguerite et ses deux frères ont obtenu le brevet, ce qui était exceptionnel pour une famille aussi modeste.
Jean-Louis et Marguerite se sont mariés le premier octobre 1922.
 De 1922 à 1925, le jeune ménage travaille à Kersalut avec les parents, Jean Henry et Marie-Anne. Mais pour faire vivre deux familles, cela ne suffit pas.

Jean-Louis part vendre sa force et son courage de L'autre côté de l'Atlantique.Il va émigrer aux Etats-Unis d'Amérique comme tant d'autres paysans pauvres du centre Bretagne. En 1926, il part seul. Il travaillera à la briqueterie de Keasbey, près de New-York. Là se côtoient émigrés polonais, allemands, espagnols, italiens. Il apprendra des brides de toutes ces langues, en plus de l'anglais. L'argent arrive. Marguerite agrandit la ferme de Kersalut. Quand l'occasion se présente elle achète des terres.

Jean-Louis est revenu d'Amèrique au début des années trente. Il est plein d'idées nouvelles qu'il met en pratique. Il construit un hangar, abat des talus, met trois champs en un, achète une pompe pour tirer l'eau. Il prend aussi une assurance vie. C'était un précurseur.Il achète même une automobile, une Mathis, la première du pays. C'était un homme bon, généreux, toujours prêt à aider. Il avait beaucoup d'amis. Il n'a jamais eu sa carte du parti communiste, mais il était communiste de coeur et, par tous, il était considéré comme tel.
Il est possible qu'il ait ramené ces idées de Keasbey. Des sentiments d'envie et de jalousie se manifesteront aux heures noires de l'occupation et de la collaboration.


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La mobilisation

Marguerite et Yvette Berthélémé dans la Mathis à Kersalut. Dès les premiers jours de la guerre Jean-Louis est mobilisé dans l'artillerie. Il est alors maréchal des logis. Il est fait prisonnier et envoyé au kommando de Grossbeeren, composé presque essentiellement de Bretons.
Il faisait le forgeron pour le compte de la Reichsbahn.
Il s'évade une première fois vers le 10 mai 1941.

A la ferme la situation change, les enfants doivent quitter l'école pour aider Marguerite qui était très active mais ne pouvait pas faire face à toutes les taches.
Au moment de sa captivité, à l'époque de la proscription du parti communiste français, des gens du parti ont été reçu à Kersalut. Le parti avait demandé d'héberger Jean Le Fol, venant du sud de la France. Il est resté longtemps, il se faisait passer pour un commis.

Et ce fut le retour d'Allemagne le 6 décembre 1941. Jean-Louis indomptable, avait réussi sa septième évasion. Pierre Denouald, le compagnon de cette odyssée, a raconté tout cela dans un article paru après la libération.



Les évasions

Dédié à mon camarade Jean-Louis Berthélémé dit « Jean »
(témoignage de Pierre Denouald, son compagnon d'évasion)


Jean-Louis Berthélémé fut envoyé au kommando de Grossbeeren, composé presque essentiellement de Bretons, moi-même ayant habité huit ans les Côtes-du-Nord et quatre ans l’Ille-et-Vilaine, nous sympathisâmes très vite. Il faisait le forgeron pour le compte de la reichsbahn – commando Schulz.

Il s’évade la première fois, vers le 10 mai 1941, en plein jour à 10 heures du matin ; il saute dans un train de marchandises qui descendait sur Halle, change de train en route et arrive à Wasserbiliss où il est pris dans un wagon, puis emprisonné à Trèves.
Il s’échappe à nouveau en descendant du 3éme étage par une gouttière, arrive sur un appentis, coupe six fils téléphoniques de l’armée, pour descendre au sol, la gouttière étant trop branlante(Ce qui lui vaut d’ailleurs dix jours supplémentaires de cellule pour destruction de matériel militaire). Il traverse la ville de Trèves en plein jour, pieds nus, les boches lui ayant enlevé ses chaussures. Repris à la frontière du Luxembourg le surlendemain, il est coffré au poste de douane.

A huit heure du soir, à la brume, demande de sortir pour un besoin naturel, un boche l’accompagne pistolet au poing, Jean saute brusquement par-dessus une haie au nez et à la barbe du boche et s’engage à toute vitesse sur le pont du Luxembourg, le boche tire, siffle, fait un tapage de tous les diables. Par malheur, une patrouille arrive sur le pont et ramasse Jean pour la troisième fois.

Cette fois il est gardé à vue, retour au stalag III à Straff Compagnie, 21 jours de cellule. C’est là que je le retrouve.

Nous combinons cette fois de partir à deux, mais n’ayant pas assez d’argent pour acheter des vêtements civils et payer le train(car nous tentons l’évasion par train de voyageurs), nous prenons avec nous, au dernier moment, René Bachelier qui paye en grande partie.

Nous partons à trois, Jean, René et moi, le 9 août à 0h30. Deux tuyaux d’égout de 0,45m de diamètre à s’envoyer ; un sous chaque chemin de ronde.
Je passe le premier, poussant une valise, avec aux pieds trois paires de godasses attachées avec une ficelle. René vient après, il se coince au milieu du tuyau et étouffe, je l’attrape par une patte, on passe les bagages avec un va-et-vient. Jean essaie de passer à son tour, mais il est trop gros ; il veut passer le chemin de ronde par dessus, je réussis à l’empêcher, nous sommes sous une lampe du chemin de ronde et entre deux miradors. Enfin, il entre dans le tuyau les pieds en avant, il met au moins vingt minutes, ce doit être effrayant pour lui mais il est souple comme une anguille, il arrive enfin, couvert de sueur, encore cent mètres à ramper avec tout le bazar.

Second tuyau, mais moins de danger cette fois : un mirador seulement avec guetteur ; l’autre est vide, nous le savons et le bois de sapin est tout proche.
Encore cinq mètres. L’eau coule dans le tuyau ; même processus ; je passe le premier, poussant la valise à provisions, tout à coup j’entends « floc », la valise est dans le jus, les biscuits vont être propres!. Nous avions tout prévu sauf qu’il y avait 1,50m d’eau à la sortie dans le bois. Un plongeon, pas commode avec les pieds dans le tuyau, j’ai de l’eau jusqu’aux épaules ; puis le va-et-vient : les godasses, les paquets de frusques civiles, puis René, puis Jean.
Cette fois ça y est, nous sommes sortis de la petite cage, reste à sortir de la grande. Nous sommes trempés et couverts de boue, mais si contents!. On s’habille plus loin dans les champs car le bois est dangereux.
Au loin on aperçoit les lumières des chemins de ronde et les miradors qui donnent un coup de phare de temps en temps. Tous les trois, on danse tellement on est heureux. Jean saute sur place comme un enfant.
On prend le train à Luckenwald le matin à 6h25. Jean qui parle allemand ainsi que plusieurs autres langues, anglais, polonais, a pris les billets. Arrivés à Berlin à 4h30. Jean reprend des billets pour Halle, départ à 8h12, arrivés à Halle à 11h20. Nous mangeons quelques biscuits ; pas de contrôle, rien.
Départ de Halle à 12h30, nous sortons dans la ville ; arrêtés par la police dans la rue, Jean leur explique que nous sommes Italiens et que nous cherchons un hôtel. Ils nous laissent aller, sans lui nous étions flambés.
Nous retournons à la gare et prenons le train pour Düren à 0h35 ; arrivés à Düren à 1h30. Nous marchons la nuit et le jour, nous nous cachons dans les blés ou les bois, il pleut sans arrêt.
La frontière Belge est proche, le jour, on se cache dans un champ de blé en gerbe, il y a des gens pas loin, des gosses qui jouent, René bouge et fait tomber une gerbe. Nous sommes repérés, cernés et pris, c’est le 14 Août à 19 heures.

Conduits à la prison d’Eschwiller, dont nous avons gardé un bon souvenir, Jean leur raconte que nous sommes des civils français en permission, mais que nous avons perdu nos papiers. Ils nous croient, un inspecteur nous accompagne à l’arbestielle d’Aix-la-Chapelle. Coffrés à nouveau. Dix jours de cellule.
Transférés à la prison de Dusseldorf, puis à celle d’Essen, très peu de temps, puis finalement le 26 août à 18h30 dans un arbeit-lager dont j’ai oublié le nom mais qui se trouve assez près d’Essen, auprès d’un camp d’aviation, dont les hangars sont masqués par des jardins. La misère va commencer pour nous.

A peine arrivés, on nous fait courir pendant une heure sans arrêt devant les boches formant une haie, qui nous cognent au passage : coup de crosse, coup de bottes, coup de triques ; ils s’acharnent sur ceux qui tombent ; ensuite une heure debout contre un mur, les bras levés, il faut siffler sans arrêt.
Il y a avec nous de vieux Tchèques ; dont un de 63 ans ; ces pauvres vieux ne tiennent pas longtemps ; alors ils les font sauter sur la pointe des pieds jusqu’à ce qu’ils tombent.
Dans ce camp, défense de marcher, il faut toujours courir, quinze heures de travail pénible et pas grand-chose à manger.
Pas un homme qui ne soit marqué au visage par un coup de crosse ou de schlague. Ceux qui nous gardent sont de jeunes nazi, arrogants et cruels. Les détenus sont tous d’une maigreur effrayante ; il y a là un peu toutes les races : Français, Polonais, Italiens, Danois, Hollandais, etc. et même des Allemands.

Le lendemain soir, je réussis à retrouver Jean, toujours en courant, car pris à marcher cela coûte cher.
Tout deux nous décidâmes de filer le soir même. René ne voulut pas nous suivre, lui ayant montré par où nous voulions passer,il nous dit que nous étions dingos, qu’on allait se faire buter, et qu’il préférait attendre.
C’est là que nous avons perdu notre pauvre René qui avait financé l’affaire pour son malheur. L’ont-ils pendu le lendemain matin, ou tué à coup de bottes,(car d’après les autres prisonniers, il n’y avait jamais eu d’évasion dans ce camp) nous ne savons pas, car nous n’avons jamais pu avoir des ses nouvelles, ni au stalag, ni ailleurs.
Pour sortir de ce camp de misère,(le stalag après était du sucre), il y avait le chemin de ronde classique avec à l’intérieur un réseau Brun (grosse bobine de fil de fer hérissée de pointes, et déroulée le long de la tranchée ou du boyau à protéger), des cloisons de barbelés et une cloison de bambous.
Ajoutez à cela les rondes continuelles, les chiens et pas d’outillage pour rompre les barbelés, mais les muscles de Jean suffisaient ; il écartait doucement les fils et faisait craquer les attaches, je me glissait comme une couleuvre et ensuite je l‘aidais à passer.

La nuit était noire comme de l’encre, nous avons mis vint-cinq minutes à traverser le réseau Brun, par deux fois la patrouille nous a frôlés, heureusement qu’ils n’avaient pas leurs chiens, mais dieu guidait nos pas. Je me souviens qu’un ver luisant brillait au seul endroit où la cloison de bambous pouvait permettre le passage en écartant les fibres…

Nous sommes sortis de ce camp maudit le 27 août comme minuit sonnait. Ensuite, marche de trente kilomètres sans arrêt, il s’agissait de mettre du large entre eux et nous, car repris nous étions pendus devant tous les prisonniers pour l’exemple. Partis sans nourriture, nous avons mangé des choux crus, des carottes, des patates prises dans un jardin.

Nous avons pris place, au vol, dans un wagon de marchandises, sur le ballast, le 28 août dans la nuit.
Ce wagon chargé de plaques de ciment translucide nous entraînait dans un joli guêpier ! Jean était descendu en cours de route pour lire le nom de l’endroit où le wagon nous emmenait, le nom était très mal écrit, nous pensions aller aux environs de Ham. C ’était en fait au-dessus de Hanovre, près de Niebourg, dans un parc fortifié où il y avait une usine souterraine, nous serions rentrés au stalag en camion que cela n’aurait pas été mieux!
Le pire c’est qu’ils nous prirent pour des espions, car ayant réussi à sortir du wagon sans être vus, nous avons été pris dans le souterrain menant à l’usine. Jean intrigué par ce couloir avait absolument voulu voir ce que c’était.

Alors là, menottes aux mains, ils nous ont battus comme plâtre. Jean avait beau leur dire que nous étions des prisonniers de guerre. Ils nous répondaient que nous étions des espions ; enfin, ayant tout de même téléphoné au stalag III A, ils reçurent confirmation que nous étions bien des prisonniers de guerre et nous firent des excuses.

Ensuite, c’est à dire le lendemain matin, ils nous dirent qu’ils n’avaient pas cru que nous étions des prisonniers de guerre, sans cela ils nous auraient pas frapper. « cela nous faisait une belle jambe », j’avais la tête en bouillie, mais Jean était toujours solide, il savait encaisser.

Ensuite , re cellule (nourriture : quatre petites pommes de terre par jour et 100 gr de pain) au Stalag XII B à Follibostelle, puis retour au camp en passant par la prison de Berlin, c’était le 8 septembre à 11h du matin. Naturellement Straff-Compagnie : sac de sable de 30kg avec lequel il faut courir, se coucher, se relever, se mettre à genoux, et cela deux heures le matin et une heure le soir.
Défense de se changer et le « Tatoué » (le tatoué était une sorte de sale bête de boche) nous appuyait sa botte sur le dos pour nous faire tremper dans les flaques d’eau, à moins qu’il ne nous fasse des croche-pieds quand nous courrions avec le sac. Douze jours plus tard on nous prévenait que notre punition était signée et qu’on nous descendait en cellule le lendemain matin. Ils étaient bien aimables de nous prévenir.. le soir même on fichait le camp à nouveau.

Des camarades nous ayant donné des vivres et des vêtements civils plutôt minables il est vrai, mais acceptables quand même, c’était le 18 septembre, il ne restait plus qu’à retourner voir nos tuyaux dont le passage fut facile. Question d’habitude et puis nous n’étions plus bien gros, la graisse et même la chair avec, avaient fondu au hasard des chemins.
A dire vrai, nous avions moins d’entrain, nous étions las, à peine à 80m du camp, je fais rouler un caillou, aussitôt coup de phare : un mirador nous avait repérés. Jean me cria : « Ne bouge pas ».
Je n’oublierai jamais cet instant où, planté debout, en pleine lumière, je retenais mon souffle , n’ayant qu’une seule pensée en regardant le fusil-mitrailleur jumelé, braqué sur nous : « Il va me couper en deux avec sa rafale », puis le phare s’éteignit… pourquoi le guetteur n’a-t-il pas tiré ? Mystère.
Sans nul doute, si nous avions couru il tirait.

Ensuite, un nouveau wagon de marchandises en gare de Luckenwald, arrivés à Leipzig. Nous sommes découverts dans le wagon, nous sautons, c’est la course dans la gare, on file à quatre pattes sous les rames de wagons pour dépister les chleus.
Comme nous étions dessous, un train s’ébranle ; couché entre les rails, je voyais Jean devant moi, étendu sur les traverses et les wagons qui roulaient au dessus de nous. Les wagons ça pouvait aller, mais quand j’ai senti la locomotive qui arrivait, j’ai eu l’impression que mes cheveux se dressaient sur la tête. Deux wagons avant d’arriver sur nous et la machine a stoppé.
Nous avons sauté entre les roues comme des balles et tout cela pour être repris une heure après dans un wagon où ils nous avaient vu monter.

Cette fois c’était bien la fin, tout au moins pour un moment. 15 jours de prison à Leipzig puis à nouveau retour au camp où les boches nous accueillirent avec des cris de joie. Nous étions vidés, surtout moi ; Jean a écopé de 34 jours de cellule et moi 29.
Nous avions 300gr de pain par jour et une soupe tous les trois jours. Nous sommes restés ensemble pendant dix jours, mais les boches devenus méfiants, nous ont séparés. En sortant de prison, nous sommes entrés tous deux à l’infirmerie.
Je me souviens d’une réplique au Feldwebel de la Straff qui, voyant nos billets d’infirmerie, demanda ironiquement à Jean combien de temps il comptait rester tranquille. « Bah ! Lui répondit Jean, tu sais, on sort de prison, on n’a plus d’argent, plus de vivres, il faut tout de même bien compter 15 jours à 3 semaines ».
Le Feldwebel en est resté sidéré et pendant plusieurs jours, il venait à l’infirmerie voir si nous étions toujours couchés.

Mon récit touche à sa fin. L’officier de discipline, le lieutenant Grimm étant lui-même un évadé de l’autre guerre, avait pris Jean à la bonne, car il faut reconnaître que si durs que soient les Allemands, ils prisent fort le courage et celui de Jean les avait renversés. Un mois plus tard, il s’évada à nouveau et parvint à rentrer en France.

Deux mois après, selon sa promesse. Il m’envoyait dans un colis, une fausse carte d’identité. Je partis à nouveau le 27 mai 1942 et arrivais en France douze jours plus tard. Je n’ai jamais revu mon vieil ami, mon frère de misère, il a continué de progresser sur la voie du salut, de ce même pas tranquille que je lui connaissait bien, laissant derrière lui la trace lumineuse des héros.
La monstrueuse bête allemande a eu raison de son corps de géant, mais son âme est montée tout droit devant Dieu qui l’attendait.

Pierre DENOUALD
Bourg-en-Bresse

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La résistance

La défaite, l'occupation allemande, la collaboration mettent le pays en coupe réglée. La France est pillée. Il faut nourrir l'occupant dans et hors de nos frontières et alimenter la féroce machine de guerre nazie. Il y a des réquisitions, les amendes si on ne livre pas ce qui est prévu.
Jean-Louis ne peut le supporter. Il est mis en contact par l'un des frères Floch de Penn-ar-Voas avec daniel Trellu et rentre au "Front national de lutte pour la libération et l'indépendance de la France", organisation de résistance.
Sur Plonévez un groupe du Front national se forme autour de bourg. Ils commenceront par la distribution de tracts fournis par Jean-Louis. Il organise la résistance paysanne, ouvertement.
Plaque commémorative à Plonévez-du-Faou là où il interpellait la population Le dimanche à la sortie de la messe, il monte sur la pierre plate du garde-champêtre, en face de l'église, entre la boulangerie et la buvette, là où les nouvelles sont annoncées. En langue bretonne, il appelle les paysans à ne plus livrer beurre, blé, bêtes, aux sabots lourds, les boutoù pounner. C'est ainsi qu'il désigne l'occupant.
"Pas ur greun gwinniz, pas ul lur amann, pas ur vuoc'ch evit ar boutoù pounner".

C'est en mai 1943 que se situe l'affaire du moulin de Jean-Louis Hourmant, dans la commune de Plonévez. Son moulin avait été fermé par voie administrative de 23 février précédent, il avait interpellé un groupe de paysans, leur reprochant de manquer de courage et de ne pas se mobiliser pour rouvrir son moulin, par la force s'il le fallait.
En mai, un dimanche, les cultivateurs apprennent que les "messieurs de ravitaillement" leur ont infligé une amende collective pour n'avoir pas fourni le quota de beurre. Le lendemain un groupe de paysans frappent à la porte de Kersalut et demandent à Jean-Louis Berthélémé de diriger la manifestation.

Le moulin fut réouvert ce qui fit accourir le sous-préfet de Châteaulin accompagné de gendarmes.

En Juillet Jean-Louis et Jean-Louis Hournmant sont allés au tribunal à Châteaulin pour cette affaire. Ils ont été condamnés tous les deux à la même amende d'un montant de deux mille francs. Jean-Louis Berthélémé fut de surcroît condamné à quinze jours de prisons avec sursis. Lors du procès il fût soutenu par des paysans et des résistants dont daniel Trellu.

Jean-Louis continue d'animer la résistance paysanne. Il monte toujours sur la pierre à la fin de la grand-messe Il relance le marché aux poulains désormais interdit - il a rendu visite à des paysans du Léon - et réussit à organiser une foire clandestine qui aura lieu le 11 septembre 1943.

Mais ces jours de liberté sont désormais comptés. Les paroles qu'il prononçait chaque dimanche sur la pierre ne seront pas oubliées. Huit jours après l'arrestation de Jean-Louis le 9 novembre 1943, un groupe d'Allemands, accompagnés de gens réquisitionnés dans les fermes voisines est venu piller Kersalut en représailles..

Ils ont pris les vaches. Ils avaient pris le charnier, huit jours avant, lors de l'arrestation de Jean-Louis. Prévenu par Jean Charpentier, au service de ravitaillement, époux de l'institutrice de Plonévez, trois vaches avaient été cachées dans les fermes voisines.
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Les aviateurs Américains

Lettre du Général EISENHOWERLe mois de mai 1943 fut riche en événements. Kersalut avait hébergé dans le poulailler cinq aviateurs américains. Ils ne sont pas resté longtemps, car les allemands savaient qu’ils étaient dans le coin et les cherchaient activement.

Le lundi 17 mai, en fin de matinée, une forteresse volante s'abat sur Keramprès, près de la route de Landeleau. Jean-Louis Berthélémé voit un parachute descendre sur Kerlaviou. Il va à son secours et ramène l'aviateur au poulailler désaffecté de Kersalut. C'est le premier. Quatres autres vont suivre. Parmi eux il y a un blessé, le sergent Niels D.Loudenslager, mitrailleur, que Jean-Louis porte sur son dos pour la fin du trajet.

Ils sont transportés de nuit à Landeleau où François Guichoux, le tailleur, a le contact avec le groupe de Carhaix spécialisé dans l'évacuation des aviateurs alliés.

Un sixième aviateur rejoindra le groupe.

Leur forteresse volante revenait d'un bombardement du port de Lorient et avait été touchée par la Flack. Deux morts, trois prisonniers à Châteauneuf, et six rescapés, tel fut le sort du B17F "BOOT'S HILL" tombé le 17 mai 1943 à Keramprés. Les six rescapés atteindront finalement Barcelone, où le consul de Grande-Bretagne organisera leur retour.

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Le premier maquis de Bretagne

En Juillet 1943, dans les montagnes Noires, à Meilh-ar-C'hoat en Saint-Goazec, c'est la création du premier maquis de Bretagne.
1943. Daniel Trellu, Raymond Chevalier dans la clandestinité, pense à former un maquis mobile, le premier du genre, pour harceler l'occupant. Un maquis fonctionnant sur le principe de la goutte de mercure, un maquis comme elle insaisissable, glissant et se fractionnant à la moindre tentative de capture.

« C'était l'époque de la chasse aux jeunes pour la déportation en Allemagne, afin de remplacer au travail ceux que Hitler avait dû envoyer sur le front de l'Est après les revers de Stalingrad. Cette étape de la résistance Bretonne a constitué un changement tant quantitatif que qualitatif de nos formes de Résistance, (forme) que j'ai appelée: La Bretagne occupée par les Bretons" selon Daniel Trellu.

Plaque commémorative de Saint-Goazec Réné Pichavant dit : "Au petit matin, alors qu'il se rase, Jean-Louis voit apparaître une voiture dont les phares balaient le fond de la nuit. Il n'attend pas de visite. Cela ne lui dit rien qui vaille. Il saute par la fenêtre, enfourche sa bicyclette toujours posée contre la façade de la maison au cas où le fuite serait nécessaire, gagne la prairie en face pour épier le mouvement. Ce sont les gendarmes de Châteaulin. Ils viennent vérifier les informations que des âmes peu charitables leur ont fournies au sujet d'étranges individus dans le secteur. Et la gendarmerie, très "maréchal-nous-voilà" perquisitionne. Pour la règle administrative elle s'est adjointe au passage un collègue de Châteauneuf. Mais ce collègue venu en renfort tient en estime le maître des lieux. C'est lui qui sauvera la situation. En effet, il gravit l'échelle du grenier, éclaire de sa torche quatre formes dans des lits de coin, redescend et déclare: personne non plus là-haut!"

Ces quatres Camarétois suivront aussi la charrette de Kersalut les guidant vers le maquis.
Les jeunes volontaires aboutissent à Kervigoudou, dans un bois des Montagnes Noires au confins de Saint-Goazec. Yffig Le Gall qui doit leur apprendre le maniement des armes, les réceptionne. et ils commencent à creuser les tanières dans le sol.
Ainsi naît le premier maquis de Bretagne.


L'arrestation

"Un jour ils te prendront", disait Marguerite, sa femme. Un jour ils sont venu le prendre.

Le dernier dimanche du mois de septembre, les gendarmes de Châteauneuf sont venus à Kersalut. Le maréchal des logis Le Blévennec a averti Marguerite de la menace qui pesait sur Jean-Louis.

-Il va encore monter sur la pierre et faire un sermon. Dites-lui que nous avons ordre de l'arrêter.

Qu'il s'en aille!

Prévenu par sa femme, Jean-Louis a sauté sur sa bicyclette. Il est allé se réfugier chez un cultivateur de Plounéour-Menez, ensuite chez un marchand de chevaux puis à Camaret. Il regagne ensuite les Monts d'Arrée et se cache chez Pierre Plassard et sa mère Marc'harit Bihan, au village de Trédudon-le-moine.

De ce repaire, il continue d'animer la résistance. Depuis juillet 1943, il est capitaine FTP par décision du comité militaire interrégional, et chargé de l'organisation et de l'action des groupes paysans du Finistère. A la même époque, il a été nommé membre du comité militaire départemental des francs-tireurs et partisans français.

Trédudon-le-Moine est un endroit exceptionnel. Deux résistants des Mont d'Arrée, Pierre Lachuer et Jean Kerdoncuff le disent mieux que personne: "Le village de Trédudon-le-Moine est accroché comme un nid au versant sud de la montagne. Dès les premiers jours de l'occupation, les trente-deux foyers de ce village et les fermes environnantes deviennent pendant près de quatre très longues années un bastion de l'organisation clandestine du Front National, de l'OS et de FTPF. C'est une base de refuge, une base de propagante et d'organisation, une base opérationnelle.

Les sacrifices imposés à Trédudon et à son secteur ont été à la mesure de l'action menée par ses habitants dans le dur, très dur environnement de la clandestinité, au péril de l'ennemi et de ceux qui lui était soumis: 29 fusillés, 16 déportés dont 10 camarades morts en déportation, 11 tués au combat, 1 disparu. Tous martyrs de la résistance.

L'état-major du Front National(FTP), à Paris, a décerné au village de Trédudon-le-Moine, en Berrien, le titre de "premier village résistant de France".


Au Front National, Jean-Louis Berthélémé prend alors des responsabilités majeures. Il doit remplacer Bernard Paumier dans le Cher. Bernard Paumier est en charge de la paysannerie au niveau national.
Mais cela ne se fera pas, car entre temps il reviendra à Kersalut et il se fera arrêter.


Cette fois il attend huit aviateurs que Louis Haïs et Marcel Berri doivent lui confier afin de les mener en lieu sûr. Dans la soirée du 9 novembre 1943, il fait halte au domicile du vétérinaire de Châteauneuf qui l'informe du report de l'entreprise, le retient à dîner et lui propose un lit. Mais Jean-Louis refuse.

Il était tard, vers une heure du matin il est arrivé à Kersalut.

-A cette heure je ne crains rien, a-t-il dit à sa famille.

Il avait sur lui son pistolet d'ordonnance.

-D'où tu viens? demande Marguerite.

Il a entendu du bruit. Il est allé à la fenêtre.

-Merde c'est les frisés.

Il est monté au grenier. Il a regardé par la lucarne. La maison est cernée. Il a caché le revolver dans un tas de blé.

Une trentaine de Feldgendarmes, l'adjudant Gerhart Albert de Châteaulin en tête, investissent Kersalut et occupent toute la route de Plonévez.

Une trahison? Jean-Louis n'était pas attendu à Kersalut ce soir là.

En bas les "boches" ont tiré dans le grenier. Il y a encore la trace des balles. Craignant la riposte, ils exigent que Marguerite les précèdent dans l'escalier.

Alors Jean-Louis descend lentement et se rend. Il sera conduit à la prison de Quimper.


La prison

A la prison de Quimper,Jean-Louis pense toujours à s'évader. Un des projets a failli aboutir . Il était caché dans les cabinets à la fin de la promenade quotidienne. Un des gardiens a fait échouer le plan. Jean-Louis regrettera de ne pas l'avoir neutralisé sur le champ. Se refusant à assommer un Français, il a sans doute perdu là sa meilleure chance de s'évader.

Le 4 Janvier 1944 Louis Drévillon et Jean-Louis Berthélémé sont transférés à la prison Saint-Charles de Quimper.

Il partage deux jours la cellule 83 de Jean-Louis Derrien, jeune FTP de Loqueffret, parle de nouveau d'évasion, et prend le train pour Compiègne. Le 19 janvier 1944 il prend la destination de l'Allemagne. Jean-Louis Drévillon le suivra jusqu'au bout de l'enfer nazi, jusqu'à la mort.
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La déportation

Jean-Louis Berthélémé est mort le 4 Mars 1945 à Nordhausen, à quelques kilomètres du camp de Dora-Mittelbau. Il faisait parti d'un convoi de malades évacué des camps vers une destination inconnue, à quelques semaines de la capitulation allemande.

Il quitta Compiègne pour l'Allemagne le 19 Janvier 1944. François Lespinasse, son compagnon de route, témoigne qu'ils étaient ensemble au bloc 48 de Buchenwald qu'ils quittèrent le 13 mars pour Dora.
En octobre 1944, Dora devint camp autonome et prend en charge 23 kommandos extérieures, dont le commando d'Ellrich.
Sur 60 000 déportés passés par Dora et ses kommandos, 20 000 y sont morts. Ce sera le sort de Jean-Louis. Il a rencontré là Joseph Jourden, jeune résistant originaire de Saint-Renan près de Brest. Il échappera à la mort et la famille le rencontrera à la libération. Ils se suivent à Ellrich le premier mai 1944, puis au kommando Tony, du nom de son kapo, un fou, un triangle vert, un droit commun allemand, ce qui pouvait arriver de pire à un déporté politique.
"Jean-Louis un tempérament de feu, sociable jusqu'au plus noir de la misère" témoignera Joseph Jourdren.
Il commence à souffrir de furoncles aux chevilles et entre au "Revier" mouroir plus qu'infirmerie, le 19 Juin. Il retrouve François, Le Bordelais, souffrant lui d'un érysipèle.
Croix de guerre, Medal of Freedom, Légion d'honneur, Croix du combattant volontaire de la résistance Puis se sera le kammando d'Ellrich de juillet à novembre 1944. Son état de santé ne cesse d'empirer. Ce sera Harzungen, et au début de mars 1945, Nordhausen, où il meurt le 4 mars, au lendemain de son arrivée.
A la libération des rumeurs couraient qu'il avait été vu en Pologne, après ces faux espoirs, il fallu, pour la famille, apprendre à vivre sans lui.

Il nous reste leur exemple à tous deux, Marguerite et Jean-Louis. En ces noires années de guerre, de défaite, de trahison, à Kersalut ils firent vivre les plus hautes valeurs de la résistance.

Source : http://www.kersalut.fr/index.html

Ouvrage : Résistants et maquisards dans le Finistère éditions: Keltia Graphic ISBN-978-2-35313-030-6.

Sur la base du témoignage d'Yvette Berthélémé, fille de Jean-Louis Berthélémé, recueilli par Anne Friant de l'ANACR.
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Source photo : Anne Friant MENDRES

(Yvette à Buchenwald dont dépendait le kommando où était son père Jean-Louis Berthélémé)