FAISANT Guy
Chemin de la Résistance et des Maquis
Mis en ligne sur le site le 17 avril 2020 / mise à jour 8 juillet 2024
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http://memoiredeguerre.free.fr/biogr/faisant.htm
http://www.wiki-rennes.fr/Des_Rennais_r%C3%A9sistants
https://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/rennes-guy-faisant-resistant-deporte-infatigable-temoin-6217494
http://www.le-chiffon-rouge-morlaix.fr/2019/02/rennes-guy-faisant-resistant-a-15-ans-deporte-nuit-et-brouillard-infatigable-temoin-est-decede-a-93-ans-pascal-simon-ouest-france.ht
http://www.bddm.org/liv/details.php?id=I.36.#FAISANT
Ci dessous : Guy FAISANT à RENNES
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Guy Faisant. Encore un héros. Pas quelqu'un qu'on verra sur les plateaux télés, non, mais un de ceux qui ont luttés, et qui luttent toujours pour une France plus juste et plus sociale. Et le bonhomme n'a rien perdu de sa combativité ! Même s'il me dit être très fatigué, il est président en Ille et Vilaine de 2 associations (ANACR : combattants de la résistance et FNDIRP: fédération des déportés) à travers lesquelles il se bat pour préserver les droits des anciens déportés et résistants. Il va encore battre le pavé dans les manifs, contre le racisme, le CPE, pour les sans-papiers... Quand il évoque la situation actuelle en France, la montée de la droite dure qu'il exècre et tous les autres problèmes, sa voix enfle, forte et puissante, pour mieux traduire sa colère et son indignation.
Et ne comptez pas sur lui pour se la ramener. Si je ne l'avais pas lu ailleurs, je n'aurais pas su qu'il était chevalier et officier de la Légion d'Honneur. De même qu'il a reçu une quantité impressionnante d'autres médailles et décorations, notamment parce qu'après la guerre, il s'est engagé à fond dans les Hospitaliers Sauveteurs Bretons. Mais laissons-lui la parole.
I/ La Résistance.
J'étais un gamin. Je suis né en 1925. J'avais 15 ans en 40. Mon père avait fait 14-18. J'ai été élevé dans la haine du boche, il faut le dire. Tout revenait à ça, dans ce qu'on me racontait, dans mes lectures qui parlaient des exactions des Uhlans...
Fin mai-début juin 40, les réfugiés arrivaient du Nord de la France. Cet exode était affreux à voir, des familles entières étaient déplacée. Boulevard Solférino, près de la gare, des soldats malgaches campaient. Leurs officiers les avaient abandonnés, ils ne recevaient plus rien, pas d'approvisionnement, alors c'est la population qui s'occupait d'eux. Avec mon père on leur apportait à manger, c'était une continuation de l'aide aux républicains espagnols enfermés dans le camp de la Marne à Rennes, avec qui le gouvernement français a été dégueulasse. Pour moi la 2ème guerre mondiale a commencé en Espagne. On allait les voir, ils étaient tous parqués dans le camp. Le 16 juin 1940, on a vu un petit avion se promener au-dessus de Rennes : c'était un avion d'observation. Je vois encore la DCA lui tirer dessus et les obus éclater en petits ballonnets autour de lui.
Le lendemain, sur le chemin de l'école - j'étais collégien à l'école technique d'industrie de Rennes - j'étais sur la passerelle de la gare. J'avais une paire de jumelles à 2 sous que mon père m'avait offert et je disais à un ami « Si les boches reviennent, je pourrais les voir arriver ». Tout à coup j'ai entendu une énorme explosion, et je vois 3 avions (des stuka) arriver en rase mottes et faire un bond pour passer la passerelle. Ils étaient trop bas pour être touchés. On n'a jamais pu déterminer le nombre exact de victimes du bombardement, certains parlent de 2000 (ndlr : voir l'interview de Jean Courcier). Je suis allé me réfugier dans le local d'un marchand de vin, puis dans les tranchées creusées sur le champs de Mars. Les explosions continuaient, ça a duré 3 jours (les munitions prenaient feu et explosaient).
Ensuite, je suis retourné à l'école. J'habitais à l'époque 33 rue des Ormeaux. Mes voisins étaient des réfugiés du Nord. Dans cette maison, il y avait 2 jeunes filles, une de 14 ans avec qui je jouais et une de 20 ans qui avait un petit ami dans le quartier. On se retrouvait fréquemment ensembles. Un beau jour, celui-ci m'a dit « il faudrait faire quelque chose » « Oui mais quoi ? » « Tu pourrais constituer un groupe au sein de l'école, distribuer des tracts, des enfants se feront moins remarquer que nous ». Il me donnait des tracts. Moi j'avais créé un petit groupe d'une dizaine de copains, on distribuait les tracts, on les balançait dans les escaliers des immeubles, on faisait des graffitis sur la passerelle de la gare. Maintenant il y a des bombes magnifiques pour faire ça, avant on utilisait de la craie ou des bouts de plâtre. On faisait le symbole de la Résistance, qui n'était encore qu'une ébauche.
La grande majorité de la population était dans l'expectative : elle était pétainiste (Pétain était encore auréolé de son aura de soi-disant vainqueur de Verdun). Il y avait peu de réels collaborateurs et peu de résistants. La Résistance était mal vue, d'ailleurs on parlait de « terroristes » à l'époque. Le gouvernement de Vichy a été la honte de la France, qui a été le seul pays à avoir autant collaboré de plein gré avec l'occupant. Tout l'appareil gouvernemental, la police, collaborait.
Tiens, un jour, à la Préfecture, la nouvelle préfète, Malgorn, lors d'une commération un 18 juin, a cité en exemple le préfet qui était responsable de la SPAC, la police spéciale anti-communiste, à Rennes. J'ai quitté la salle pour ne pas faire d'esclandre.
La SPAC a traqué les communistes, elle les a poursuivis (le PC était alors interdit depuis le pacte germano-soviétique). Je n'étais pas communiste moi-même. Et puis c'était facile de poursuivre les communistes : ils étaient fichés d'avant la guerre. Alors on les surveillait, et à la moindre broutille on les coinçait.
Le 13 septembre 1941, on m'a dit d'aller voir ce qui se passait au palais de justice : 8 communistes devaient être jugés (ndlr : dont Jean Courcier !). Je devais y aller à la place des grands pour qu'ils ne soient pas repérés. J'ai assisté au procès de ces « terroristes ». Le commissaire Morellon, qui était responsable de la SPAC a notamment raconté l'histoire d'un garçon, Louis Coquillet (?).
La police l'avait emmené perquisitionné chez lui. Voyant la clé restée dans la serrure à l'extérieur, il a bondi et a enfermés les agents à l'intérieur, réussissant à s'échapper. Il a ensuite été caché, puis a fui à Paris, où il a malheureusement été repris plus tard et fusillé au mont Valérien.
Le 17 juin 1941, le bruit a couru qu'il fallait aller au cimetière de l'Est pour fleurir les tombes des victimes du bombardement du 17 juin 1940. Ma soeur avait acheté une raquette de fleurs pour nous. Mais on n'a pas pu approcher, la gendarmerie mobile avait bloquée le cimetière, et les gendarmes nous ont refoulés, sans violence toutefois. On a déposé les fleurs à leurs pieds. Puis la manif s'est disloquée, et je suis parti, mais il paraît qu'elle a continué ensuite.
J'ai appris plus tard que le commandant des gendarmes, Maurice Guillaudot anciennement chef de la compagnie de Vitré, avait refusé d'obéir à l'ordre de charger, ce qui lui a valu comme punition d'être muté à Vannes...et tant mieux puisque là-bas il a plus tard constitué un mouvement de Résistance qui a étudié toutes les fortifications mises en place par les Allemands. Surveillé par ces derniers, il devait trouver des astuces pour communiquer avec ses hommes. Il paraît que quand il leur disait « Au revoir » en breton, « Kenavo », ça voulait dire d'ignorer tous les ordres qu'il avait pu donner avant. Il fut arrêté et déporté, mais mena malgré tout une brillante carrière et a fini général de gendarmerie.
Bref, j'ai donc rapporté à mon responsable le jugement des huit cheminots. Ceux que le tribunal avait condamné aux peines les plus légères furent paradoxalement les premiers déportés, puisqu'ils furent remis aux allemands à leur libération (ndlr : voir Jean Courcier).
J'ai été arrêté une première fois en novembre 41 sur dénonciation d'un copain, qui avait dit que j'avais des armes chez moi. Le SD (SicherheitDienst, service de sécurité de l'armée allemande) m'a emmené rue de Robien au n°10. J'ai été interrogé, sans être torturé (quoique giflé) contrairement au copain qui m'avait dénoncé et qui était en piteux état, et j'ai dit que j'avais une balle, juste une seule (de 6,35) dans le tiroir de la cuisine. On est parti chez moi la chercher, puis j'ai fait 3 jours de prison et j'ai été libéré.
Mon responsable m'a dit alors que je risquais d'être surveillé, et qu'il valait mieux stopper un moment mes actions. Mais j'étais jeune. J'ai appris que les armes saisies aux rennais lors de l'arrivée des allemands étaient entreposées dans un grand entrepôt, sans surveillance. On y allait à 3, deux qui rentrait et un qui guettait, et nous prenions ce qui nous intéressait, principalement les armes de poings : de vieux revolvers d'ordonnance de 14-18, capables de percer un madrier. Puis on attendait le signal du guetteur pour dire que la voie était libre et on partait avec les armes dans un sac à patates. Après la guerre, un copain m'en a donné quelques unes.
A 15 ans 1⁄2 , avec des armes, forcément, on frimait un peu. On ne les donnait pas toutes et on en gardait pour nous. On allait à l'école avec un pistolet dans la ceinture. Toute notre classe savait ce qu'on faisait. En face de notre collège, il y avait une école de médecine. La police s'était rendu compte que dans ce quartier, il se passait des choses, on y distribuait beaucoup de tracts etc... Un jour, la police a arrêté un étudiant en médecine pour trafic d'or. Ces choses là étaient réservées aux allemands. Ils ont alors fait marché : le gars devenait indic en échange de sa liberté. Il a notamment dénoncé Henri Bannetel, qui fut fusillé.
Un jour il est rentré en contact avec notre groupe, sous le prétexte fumeux qu'il voulait un revolver pour régler une affaire. Nous, on était généreux. Un copain lui en a donné un. L'indic a réussi à lui tirer les vers du nez. Le 5 mars 1942, j'ai été arrêté à l'école d'industrie par les mêmes agents du SD que la dernière fois. Je me suis fait battre, tabasser, les deux yeux au beurre noir et le visage en sang. J'ai été emmené chez moi (mon père venait de mourir 2 semaines auparavant, le 18 février).
Ma mère et ma soeur se sont mises à pleurer, les boches ont fouillé partout de façon brutale en gueulant. Moi, je faisais encore le fier, je savais qu'il n'y avait rien chez moi. Mais quand ils en ont eu fini avec la maison, ils ont dit « passons au jardin ». Il y avait une cabane en bois et une cage à lapins où se trouvaient cachées les armes. L'indic leur avait dit où elles étaient, ils n'avaient même pas besoin de fouiller la maison. Y'a eu beau faire, dire que c'était pas à moi, ça m'est tombé dessus.
II/ La prison et la déportation.
J'ai été incarcéré au secret dans la prison Jacques Cartier, en application du décret Nacht und Nebel du 7 déc. 1941, pris par Hitler pour enrayer le développement de la Résistance, qui était traquée. Nous étions au secret le plus absolu, dans des cellules individuelles. On savait qu'on allait être jugés, on attendait de passer devant le tribunal, mais rien n'est venu. En mai, on nous a rassemblés (nous n'étions plus que 5, les autres avaient été libérés faut de preuves). Petite anecdote, un gars, Jean-Annick, dont le père était sous-off, avait une arme planquée dans une valise chez lui. Roger Le Helleco (?), qui a vu Jean-Annick arrêté, a couru voir son père et lui a dit de faire disparaître l'arme. Quand les allemands sont arrivés, ils sont allés droit à la cachette mais n'ont rien trouvé. Roger Le Helleco lui a peut être sauvé la vie.
On a donc été rassemblés fin mai 42 et on croyait aller au tribunal, mais on nous a envoyés menottés à la gare de Rennes. Il y avait des wagons de voyageurs aménagés en wagons de prisonniers grillagés. On pouvait parler entre nous dans le train. On se disait « bon, on va être jugés à Laval ». Et on a passé Laval. «Bon, ce sera au Mans ». Mais on a passé le Mans. Alors je me suis dit « chouette, ce sera à Paris, je verrais la tour Eiffel ».
Là-bas, aussitôt descendus du train on nous a fait monter dans un camion cellulaire. Je revois encore par les trous d'aération le lion de Belfort. A la Santé, on est descendus du camion, mais ils ne voulaient pas nous prendre. On est donc repartis vers le Cherche-Midi. A la prison Jacques Cartier, j'étais plutôt bien somme toute. Ma mère avait le droit de m'apporter à manger tous les midis, et les voisins, sachant ce que j'avais fait, m'achetaient plein de friandises. Parfois, je refusais même la soupe de la prison.
Par contre le Cherche-Midi était un endroit terrible, sinistre. Les cellules étaient petites, éclairées seulement par un petit vasistas, nous étions dans une pénombre totale. En plus, j'étais allergique aux punaises qui infestaient les lieux. J'avais la figure tellement enflée que pour y voir, je devais soulever mes paupières avec mes doigts. J'ai encore dans la bouche le goût des punaises qui rentraient dedans quand je dormais et que je croquais sans m'en rendre compte, un goût infect, horrible. Dans les couloirs, il y avait des rondes perpétuelles, accompagnées de bruit de bottes. Vers 5h du matin, on entendait parfois des hurlements, des aboiements. Des cellules s'ouvraient, des gens étaient rassemblés et partaient pour être fusillés.
Fin mai-début juin42, on nous a emmenés en fin d'après-midi à la guerre de l'Est en camion. Il y avait un convoi de prisonniers. On a voyagé toute la nuit jusqu'à Trêves, en Allemagne. On a été rassemblés dans un grand local, on a reçu une ration de pain, et on est repartis à la guerre pour reprendre un petit train qui nous a lâchés dans une petite gare. C'était le 5 juin 1942. J'avais toujours cru que la forêt noire était un endroit sombre, obscur, mais c'était magnifique, le soleil brillait, les feuilles étaient vertes, d'un vert très tendre. Depuis des mois qu'on était en prison, quel bonheur. On est partis à pieds dans la forêt, encadré par des soldats qui ne nous brutalisaient pas. Le plus jeune de notre petit groupe avait 14 ans 1⁄2 , moi 16 ans (j'étais le plus vieux). Y'avait des gens de 15-30 ans qui racontaient des conneries, que les petites Gretchen n'avait qu'à bien se tenir.
On est arrivés à proximité d'une grande clairière, magnifique. On a vu de superbes baraquement fleuris, on se disait qu'on allait être bien. On était bêtes. On nous a comptés dans le silence. Et puis on a vu d'autres soldats qui arrivaient avec des chiens. Mais à proximité de nous, ils ont commencé à s'engueuler avec nos gardiens, et ils ont lâché leurs chiens sur nous, et nous ont tapés dessus à coups de matraque. Nous les jeunes, on parvenait encore à se faufiler sous les coups, mais les vieux prenaient tout sur la gueule. Ils nous ont recomptés. On est passés devant les baraquements fleuris : c'était la caserne des SS. Nous étions dans le camp SS de Hinzert. Le temps passant, on a su que c'était là que venaient se former les SS avant d'être envoyés dans les autres camps.
On est rentrés sur la place d'appel. Un officier, qu'on a surnommé « l'homme au chien » (un autre, c'était Yvan le terrible) est arrivé et nous a fait un discours, traduit par un interprète. Il a dit qu'à partir de maintenant nous n'étions plus des hommes, mais des sous-hommes, que nous n'avions plus de nom mais un numéro, qu'il fallait obéir sans discuter à tous les ordres, interdiction de marcher à l'intérieur du camp, il fallait se déplacer au pas de gymnastique toujours. On devait s'immobiliser si on croisait un soldat allemand et ne surtout pas le regarder, et attendre qu'il soit à 4-5m derrière pour repartir. Quelqu'un a levé le bras, l'officier allemand lui a donné la parole. C'était un colonel français qui disait qu'il ne tolérerait pas d'être traité ainsi, qu'il y avait des conventions pour les prisonniers etc... L'officier a fait un signe, et des soldats l'ont tabassé jusqu'à ce qu'il reste sur le carreau.
Puis ça a été le déshabillage. Aujourd'hui on se met à poil facilement, mais à l'époque on était plus prude. On gardait le caleçon, mais sous les coups on s'est mis complètement à poils. D'autres types, les kapos, sont arrivés. Ils ont mis toutes nos affaires dans un sac avec notre numéro. On est restés un moment là, puis ça a été le friseur. Non seulement on nous mettait la boule zéro, mais on nous épilait toutes les parties du corps : on devait monter sur une table, bras tendus et on nous recouvrait de crème dépilatoire, puis on nous rinçait, et on était poilu comme un oeuf. On essayait de retrouver nos copains, mais tous nus et rasés, on ne se reconnaissait qu'au son de la voix.
D'autres kapos sont arrivés, avec de vieux uniformes : pantalon, chemise, veste, bonnet, des claquettes à semelle de bois (on a du s'arranger entre nous pour trouver la bonne pointure). Tant que bien mal habillés, on nous a fait faire de la gym autour de la place d'appel. Tout était fait pour nous humilier, nous traiter comme des animaux. On recevait des ordres, on devait courir, ramper, se relever... Pour nous les jeunes ça allait, mais les vieux s'en prenaient plein la gueule. Ça a été long, même si je ne saurais plus dire combien de temps ça a duré.
Ensuite on a été affectés à un bloc, où se trouvaient des lits à 3 étages. Chacun avait sa paillasse. On ne comprenait pas qu'on puisse traiter les gens de cette façon. En juin on se levait avant le jour et on se couchait après la tombée de la nuit. Le matin on avait une gamelle et une tranche de pain où il y avait eu de la confiture ou une espèce de margarine. On allait en travaillant jusqu'au midi avec ça dans le ventre, là on avait une louche de soupe. Si ta tête revenait au cuistot, il allait chercher dans le fond de la marmite du choux ou des patates. Sinon, il prenait au-dessus et là tu n'avais qu'une louche d'eau, souvent à moitié vide une fois arrivée à la gamelle. Et le soir on avait un pain noir, valeur de 2 biscottes.
On crevait de faim et fallait travailler, péniblement, surtout pour nous les jeunes qui n'avions jamais travaillé avant. Par exemple, il y avait la charrette. Dans la forêt on coupait des troncs d'arbres. Pour les ramener, les mettait dans une charrette, et à la place des chevaux, c'était nous qui la tirions. Arrivés au camp, il fallait scier et casser le bois, puis regrouper les bûches en meules. On avait les mains couvertes d'ampoules et en sang. On ne pouvait pas parler, sinon on était punis : on se faisait tabasser, et on cherchait à nous humilier le plus possible. Par exemple, il y avait la punition du papier à cigarettes : on devait rester debout face à un mur, le nez appuyé contre le mur avec un papier à cigarette coincé entre les 2. Si le papier tombait, on se faisait tabasser. Un beau jour, ils ont voulu creuser une piscine au milieu de la place d'appel. Nous n'avions pas de brouettes, il fallait porter des caisses de terre pour les vider ailleurs.
Un jour, on est tombés sur un énorme rocher, impossible à casser avec nos masses. Les boches l'ont foré, et le 13 juillet 1942, alors qu'on était sur la place d'appel, ils l'ont fait sauter. Et la piscine a été creusée. Elle a servi à noyer les prisonniers, qu'on maintenait la tête sous l'eau. On attendait toujours d'être jugés. On avait un moral de fer. La haine nous aidait à rester debout. On a toujours été solides. On devait garder le moral sinon on était foutus. Nous les jeunes on avait pas encore de famille pour qui s'inquiéter (à part nos mères), ça allait. Mais les plus vieux, ceux qui étaient mariés, qui avaient des enfants ! Le corps s'affaiblit, mais c'est le moral qui tient. En juillet 42 j'ai été blessé.
Dans la cour, on devait suivre les instructions : Augen, rechts (tête à droite). Die Augen links (tête à gauche). Un jour je me suis trompé. Un seul qui se trompe au beau milieu des autres, ça se voit tout de suite. J'ai reçu un terrible coup sur la tête qui m'a mis KO. Par la suite, j'ai eu des douleurs monstrueuses à la tête, et des pertes de connaissance. Je n'ai pas été soigné. Il a fallu attendre la fin de la guerre et mon retour en France, 3 ans après, pour diagnostiquer un traumatisme crânien qui m'a fait souffrir encore longtemps après.
On a enfin été transférés dans une autre prison pour être jugé par le SonderGericht, le tribunal militaire, normalement situé àCologne. Mais la ville était à feu et à sangs à cause des bombardements alors on a été transférés en Silésie, à Breslau. On a été transférés dans des wagons à bestiaux. Là, Pascal Lafaye, un copain, a appris que sa mère était dans le wagon à côté du notre. On a vite su que c'était la seule rennaise à avoir été arrêtée : elle avait déclaré que les armes trouvées chez elles étaient à elles et non pas à son fils. Du coup, ils ont été déportés tous les deux. Le frère à Lafaye, Michel, avait réussi à rejoindre l'Afrique du Nord et à s'engager dans l'armée de Leclerc. Il a participé au débarquement en Italie, mais est mort à Monte Cassino. Pascal est mort le 8 avril 1945 lors du bombardement du camp de Mittelbau.
On a été jugés le 10 janvier 1944 à Breslau. On a soi-disant bénéficié d'une peine réduite à cause de notre jeune âge au moment des faits. En fait, on avait un interprète qui parlait très mal le français, et nous, même si on commençait à comprendre quelques mots d''allemands, on faisait comme si on ne comprenait rien. Du coup ça a exaspéré les juges. On a été condamnés aux travaux forcés.
Les NN (Nacht und Nebel) étaient tenus au secret le plus strict, ma mère ne savait pas où j'étais, ni si j'étais vivant ou mort. Elle a écrit à la Croix-Rouge, qui lui a répondu qu'ils ne savaient pas, et aux Allemands qui lui ont répondus qu'ils ne pouvaient pas lui répondre. On n'avait pas le droit d'écrire, contrairement à d'autres prisonniers. Je ne l'ai jamais pardonné aux boches.
J'ai eu la chance d'avoir été arrêté dans une école professionnelle. Sur mes papiers on avait marqué « apprenti tourneur ». Comme les boches avaient besoin de main d'oeuvre, puisque tous les hommes valides étaient partis à la guerre, toute l'industrie allemande tournait avec le STO et la main d'oeuvre des camps de concentration.
Moi j'avais été transféré à Schweidnitz dans une prison atelier, où j'avais un tour, et une petite pièce à faire. Mais je ne savais pas comment faire, alors presque involontairement j'ai fait de la Résistance en fabriquant de mauvaises pièces. D'autres aussi trafiquaient les pièces. Je fabriquais des bagues, des bricoles aux gardiens, ce qui fait que j'avais relativement la paix, parfois des tartines de pain en plus. On faisait aussi des paniers à obus. Après l'inspection, on coupait les tiges maitresses des paniers, comme ça ils se cassaient dès qu'on mettait un obus dedans. Ensuite on a fait des paniers à patates : d'abord ça a été 1 panier, 2 paniers, 3 paniers. On est arrivés à 4 paniers. On s'est dit qu'on devrait travailler plus lentement. J'ai alors eu des problèmes.
Un jour un copain avait fait 5 paniers. Alors que le gardien accompagnait un prisonnier aux toilettes (bien sûr on ne pouvait y aller que sur ordre) je lui ai piqué et ai voulu le donner à un vieux qui n'arrivaient pas à atteindre son quota. Mais il n'a pas voulu, et on s'est battus. Le gardien est arrivé, et comme il avait déjà remarqué que j'avais donné des paniers au vieux, j'ai eu droit à 14 jours d'arrêt, au cachot. Seul, dans le noir. La porte ne s'ouvrait qu'une fois par jour pour une gamelle d'eau et un morceau de pain. Et pour savoir si on était toujours vivant. Au bout de 14 jours, tu sais plus où tu es.
Les russes approchant, on a été transférés de Schweidnitz à la gare, qui a été bombardée par les russes. On croyait être libérés, mais on est partis à pied dans la montagne jusqu'à Hirschberg. Il faisait tellement froid que le vin des soldats gelait dans leurs gourdes. Notre quignon de pain était glacé et immangeable. C'était horrible. Pourtant, j'ai passé une nuit formidable. Nous aidions un jeune russe, blessé aux jambes, à marcher. Il avait une capote fourrée. J'ai pu dormir avec lui, tous les deux roulés dans sa capote, j'ai senti la chaleur de cet individu à côté de moi, je m'en rappelle encore. Le lendemain ils l'ont emmené, je ne sais pas ce qu'il est devenu. J'espère qu'ils ne l'ont pas tué.
A Hirschberg, on a attendus la libération.
On est restés prisonniers dans cette enclave jusqu'au 8 mai 1945. Là, les gardiens sont partis en nous laissant seuls. Mais nous on n'y croyait pas. On est partis un jour à 4. On était en très mauvais état. Au bout de 3-4km, on s'est trouvés rattrapés par les combats. Les SS continuaient à se battre, ils savaient que les russes ne les épargneraient pas (ils étaient reconnaissables à leur groupe sanguin tatoué sous le bras). Pour s'abriter le soir, on est allés dans une ferme abandonnée (la population avait fui vers l'ouest). On s'est mis dans le grenier.
Mais les projectiles passaient à travers le toit. On est redescendus, mais un SS nous a aperçus. Il a couru vers nous, nous a mis en joue, alignés contre le mur. On ne pouvait pas résister, à l'époque on faisait pas 40kg. Soudain il y a eu une explosion sur le chemin (il y avait un canon antichar pas loin), les Allemands ont poussés des cris et le SS est parti en courant. On s'est enfui en faisant le tour de la ferme. On a été récupérés par 2 Français qui nous ont emmenés dans une maison forestière où ils habitaient. Ils nous ont couchés là, et on a dormi. Le lendemain, on entendait plus que des tirs sporadiques. L'un des français est allé voir, il a dit que les russes étaient arrivés.
Les français nous ont conduits dans le village, à la mairie. Là un officier soviétique, qui parlait le français à merveille, nous a interrogés. Ils nous a demandé si on avait besoin de quelque chose, et nous a dit de nous servir. Puis il nous a dit de retourner nous planquer 3 jours dans la baraque sans en sortir, parce qu'ils allaient nettoyer le terrain. Il nous a fait un sauf-conduit, et nous a dit de revenir au bout de trois jours. Il ne serait plus là, mais il fallait s'adresser à son collègue. Les troupes qui étaient là étaient les troupes de chocs, comme dans beaucoup d'armées, c'était des étrangers à leur pays (ici des mongols), de chair à canon qu'on mettait en première ligne.
On est donc resté 3 jours dans la cabane, on entendait des bruits de combats autour de nous. Au bout de ce délai, on est revenus. Effectivement, l'officier avait changé, et c'étaient maintenant les troupes régulières qui occupaient le village. Ils étaient très bien. Comme on avait rien, et pas d'argent, on se servait dans les maisons abandonnées, et on prenait ce qu'on pouvait, surtout de la nourriture.
Un jour, sur la place du village, j'ai vu un jeune russe à vélo. Je me suis dit que ce serait l'idéal pour transporter les victuailles. Je lui ai demandé son vélo, mais il ne voulait pas me le donner. Il m'a regardé de haut en bas. Il faut dire que ma croissance s'est arrêtée avec mon arrestation. Je pouvais faire le tour de mes cuisses avec mes mains. Le russe me regarde, regarde autour, et voit une belle maison avec un portail. Il tente de le défoncer à coups de crosse, puis lâche une rafale dedans. Nous rentrons, je vois un vieil homme, une femme et deux jeunes filles terrorisées.
Le russe nous a fait rentrer dans un salon magnifique, puis asseoir à table. Il a ensuite posé toutes les victuailles de la maison dessus et nous a dit de manger. Mais nous, on avait plus faim ! Quand il a vu que ça allait, il est parti. On est restés avec la famille, sans doute des musiciens car il y avait de magnifiques instruments dans le salon. Le vieux n'a pas voulu que nous partions avant que toutes les victuailles ne soient finies, il avait peur que si le soldat russe revenait et les voyait, il croie que nous avions été chassés et qu'il le tue. On a donc pris tout ce qu'on pouvait sur nous et dans notre chemise, et on est partis.
A l'époque, on était pris d'une sorte de folie. La ville était une riche station de ski allemande. On rentrait dans les hôtels luxueux et on cassait les lustres à coups de crosses. Mais on n'était pas méchants, on n'aurait fait de mal à personne. Il n'y avait plus de soldats. Bon si on avait trouvé un SS on l'aurait sans doute abattu. Il y avait une épicerie, où les gens faisaient la queue pour acheter du lait. Nous on rentrait, on prenait tout, et les gens nous criaient dessus. On était ivres de liberté retrouvée.
Les deux français qui étaient avec nous au début ont été emmenés par les Russes. Il faut savoir que pendant la guerre, les prisonniers de guerre pouvaient devenir des travailleurs civils suite aux accords de collaboration de Pétain. Ils avaient alors le droit de mener une vie à peu près normale.
Beaucoup ont fait ce choix. Mais les russes, en voyant deux hommes en civil robustes et en bonne santé, les ont pris pour des combattants ennemis qui se cachaient. Qui sait ce qu'ils sont devenus, et combien de temps il a fallu pour les innocenter ? Un beau jour, on a décidé d'aller au service officiel. Les russes ont parlé de rapatriement, mais il fallait passer par Odessa, au bord de la mer Noire ! On a demandé à rejoindre les américains, qui étaient à 15km de là. On nous a dit de nous débrouiller, on a donc du y aller par nos propres moyens.
On a été en République Tchèque, et à Prague on nous a fait un laisser-passer pour circuler. D'autres sans ce document se faisaient arrêter, mais pour nous pas de problème. On a été à l'aéroport. J'avais mal à la gorge, et je suis allé voir un soi-disant médecin militaire, qui n'a rien trouvé de mieux que de m'envoyer à l'hôpital, alors que mes copains rentraient chez eux !
Je voulais partir, mais ils refusaient, alors que je n'avais qu'une angine. Heureusement je m'en suis sorti grâce à une infirmière belge. Elle m'a dit de m'arranger pour récupérer mes habits et d'être prêt le lendemain matin. J'ai donc demandé à travailler au service où ils triaient les habits, et j'en ai profité pour récupérer les miens : un vieil uniforme italien, des bottes allemandes. On a rejoint les américains à Pilzen, et 3h plus tard j'étais à côté de Lyon.
III/ Le retour en France.
De l'aéroport, un camion nous a emmenés à Lyon. Là, je n'avais rien, pas d'argent. Je me suis assis sur un banc. Une jeune fille est venue me voir, elle m'a posé plein de questions. Apprenant ma situation, elle m'a mis dans un train pour Paris. Arrivé là-bas, je n'avais toujours rien, sauf gravée dans ma mémoire l'adresse d'amis de la famille. J'ai demandé à un taxi comment faire pour m'y rendre, sachant que je n'avais pas d'argent, et il m'a emmené jusqu'au 18 passage Gambetta. C'était le 8 juin 1945. Arrivé là, porte close. Je me suis assis sur les marches, jusqu'à ce qu'une personne vienne me voir : « Vous seriez pas de la Bretagne ? » « Si pourquoi ? » « On vous connait ! » Des personnes m'ont entourées, jusqu'au retour des amis. Ils avaient parlés de moi et avaient raconté ce que j'avais fait à tout le quartier.
On m'a accueilli les bras ouverts, j'ai eu le droit à la chambre d'amis. Mais impossible de dormir dans un bon lit, j'ai donc dormi par terre. Le lendemain, j'ai envoyé un télégramme à ma mère. Je ne me suis pas rendu compte sur le coup, mais je l'avais adressé à mon père, alors qu'il était décédé. Quand elle l'a reçue, elle est venue me guetter à la sortie de tous les trains en provenance de Paris. Mais je suis resté 2 jours à Paris : quand ils ont dit dans la famille où j'étais qu'il y aurait des frites à manger, je suis resté. Puis j'ai pris sans billet le train pour Rennes. Quand je suis arrivé chez moi, la maison était vide. 1⁄2 h après, ma mère est arrivée avec ma soeur. Et voilà, la boucle était bouclée.
J'étais mal en point, je suis resté un an sans travailler. Toutes les places étaient prises. Les fonctionnaires avaient retrouvés leur places d'avant-guerre. Mais moi, je ne travaillais pas avant d'être déporté. Chez nous il n'y avait plus rien, pas un sou, comme mon père était mort.
Une anecdote m'a marquée. J'ai appris un jour qu'ils embauchaient au tramway d'Ille et Vilaine. Je vais voir l'ingénieur en chef qui me reçoit. Il me demande ce que j'ai fait. Je lui réponds que j'ai été à l'école d'industrie. Il dit très bien, quel diplôme as-tu ? Ben j'en ai pas, j'ai été arrêté par les boches. La réponse : Alors fous le camp, t'avais qu'à faire autre chose.
J'ai fait des petits boulots à droite et à gauche, et je me suis inscrit aux Beaux-Arts. Je suis rentré comme dessinateur à l'intendance militaire en 1946. Le gradé responsable m'a aidé à obtenir le poste eu égard à ce que j'avais fait.
En 54, j'ai passé le concours des Ponts et Chaussées et j'ai été pris comme dessinateur. J'y suis resté jusqu'à 55 ans. Le premier mois de mon embauche, j'ai fait un scandale qui m'a baisé toute ma carrière. Je suis entré comme dessinateur, et j'en suis sorti dessinateur. J'avais adhéré à la CGT, à laquelle mon père adhérait aussi avant la guerre. Nous n'étions que 3 dans les administratifs, l'autre syndicat, la CFTC, était plus présent. J'avais aussi adhéré à la mutuelle, comme tout le monde.
Le premier mois de mon affectation, il y a eu des élections pour désigner le bureau de celle-ci. A l'époque, je travaillais avec le second de l'ingénieur-chef, près du bureau de ce dernier. L'urne pour les élections était dans son bureau. A cause des roulements d'équipes, tout le monde ne votait pas le même jour. Dans la nuit, j'ai réfléchi. Ca ne me semblait pas normal comme procédure. J'ai donc été réclamer. Le chef m'a dit que l'urne était fermée par un cadenas. J'ai demandé qui avait la clé. Il m'a dit que c'était lui. J'ai dit qu'il devrait y avoir au moins 2 cadenas, avec un dont les syndicats posséderaient la clé. J'ai réussi à obtenir l'annulation du vote.
Après 68, au niveau syndicats, les choses se sont un peu améliorées.
IV/ Aujourd'hui.
Ce qui se passe aujourd'hui : tous les acquis du conseil de la Résistance sont bafoués. La Sécu, le capital de la France qui part dans le privé... A Rennes, l'arsenal qui était censé ne plus produire d'armes a recommencé, parce que sa production de substitution (des batteuses) n'était pas assez rentable.
Le racisme...C'est inimaginable que des gens puissent se considérer, encore maintenant, comme une race supérieure vis à vis des populations d'immigrés. J'ai connu pendant 3 ans l'esclavage. Personne n'a le droit de faire ça. On était considérés comme du bétail, pas comme des hommes. Les SS se considéraient comme une race supérieure. C'est impensable de voir un pays devenir comme ça. Tout est possible, maintenant encore tout est possible. On est capable de faire pareil. En Algérie,
beaucoup de français se sont comportés comme des nazis. Et le peuple suit. C'est inimaginables ce que les gens sont capables de faire.
Tenez, quand on voit les CRS en activité...ma petite fille par exemple était avec des copains sur une pelouse en face de la préfecture lors de la fête de la musique. Ils discutaient calmement quand des CRS sont venus leur dire de dégager, les ont matraqués et les ont refoulés plus bas, où se trouvaient d'autres CRS. Ma petite fille a eu le bras cassé par un coup de matraque. Bien entendu elle a été déboutée de sa plainte. La police a tous les pouvoirs. Ils peuvent faire n'importe quoi. Moi j'ai eu une grosse déception : l'ancien préfet Guéant, qui était un type bien, est devenu directeur de campagne de sarko. Si un type comme Guéant peut faire ça, tout peut arriver.
Quand les algériens ont eu le malheur de réclamer leur indépendance, et qu'ils ont manifesté à Sétif, on a fait bombarder la ville ! Il y a eu plusieurs milliers de mort, et n'oublions pas que le ministre de l'air de l'époque était Charles Tillon. En Algérie, le bulletin de vote d'un algérien valait moins que celui d'un pied noir. En fait, on a continué la colonisation.
Aujourd'hui, on fait des charters pour renvoyer ces gens dans leur pays. Mais on les a fait venir en charter, pour reconstruire la France !!! Ces gens là vivent en France depuis toujours, ils ont cotisé à la sécu, leurs enfants sont français. Chirac a au moins fait une chose bien : décristalliser les pensions des anciens combattants étrangers qui ont combattus pour la France (ndlr : voir le film Indigènes), et qui avaient été bloquées lors de l'indépendance de leur pays. On va peut être avoir un problème au niveau du montant, et devoir l'indexer sur le niveau de vie de leur pays, mais c'est déjà un pas en avant.
Nous à l'ANACR on a une revendication actuelle : faire reconnaître une date, la date de la Résistance. On avait au départ 2 dates comme revendication :
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Guy Faisant. Encore un héros. Pas quelqu'un qu'on verra sur les plateaux télés, non, mais un de ceux qui ont luttés, et qui luttent toujours pour une France plus juste et plus sociale. Et le bonhomme n'a rien perdu de sa combativité ! Même s'il me dit être très fatigué, il est président en Ille et Vilaine de 2 associations (ANACR : combattants de la résistance et FNDIRP: fédération des déportés) à travers lesquelles il se bat pour préserver les droits des anciens déportés et résistants. Il va encore battre le pavé dans les manifs, contre le racisme, le CPE, pour les sans-papiers... Quand il évoque la situation actuelle en France, la montée de la droite dure qu'il exècre et tous les autres problèmes, sa voix enfle, forte et puissante, pour mieux traduire sa colère et son indignation.
Et ne comptez pas sur lui pour se la ramener. Si je ne l'avais pas lu ailleurs, je n'aurais pas su qu'il était chevalier et officier de la Légion d'Honneur. De même qu'il a reçu une quantité impressionnante d'autres médailles et décorations, notamment parce qu'après la guerre, il s'est engagé à fond dans les Hospitaliers Sauveteurs Bretons. Mais laissons-lui la parole.
I/ La Résistance.
J'étais un gamin. Je suis né en 1925. J'avais 15 ans en 40. Mon père avait fait 14-18. J'ai été élevé dans la haine du boche, il faut le dire. Tout revenait à ça, dans ce qu'on me racontait, dans mes lectures qui parlaient des exactions des Uhlans...
Fin mai-début juin 40, les réfugiés arrivaient du Nord de la France. Cet exode était affreux à voir, des familles entières étaient déplacée. Boulevard Solférino, près de la gare, des soldats malgaches campaient. Leurs officiers les avaient abandonnés, ils ne recevaient plus rien, pas d'approvisionnement, alors c'est la population qui s'occupait d'eux. Avec mon père on leur apportait à manger, c'était une continuation de l'aide aux républicains espagnols enfermés dans le camp de la Marne à Rennes, avec qui le gouvernement français a été dégueulasse. Pour moi la 2ème guerre mondiale a commencé en Espagne. On allait les voir, ils étaient tous parqués dans le camp. Le 16 juin 1940, on a vu un petit avion se promener au-dessus de Rennes : c'était un avion d'observation. Je vois encore la DCA lui tirer dessus et les obus éclater en petits ballonnets autour de lui.
Le lendemain, sur le chemin de l'école - j'étais collégien à l'école technique d'industrie de Rennes - j'étais sur la passerelle de la gare. J'avais une paire de jumelles à 2 sous que mon père m'avait offert et je disais à un ami « Si les boches reviennent, je pourrais les voir arriver ». Tout à coup j'ai entendu une énorme explosion, et je vois 3 avions (des stuka) arriver en rase mottes et faire un bond pour passer la passerelle. Ils étaient trop bas pour être touchés. On n'a jamais pu déterminer le nombre exact de victimes du bombardement, certains parlent de 2000 (ndlr : voir l'interview de Jean Courcier). Je suis allé me réfugier dans le local d'un marchand de vin, puis dans les tranchées creusées sur le champs de Mars. Les explosions continuaient, ça a duré 3 jours (les munitions prenaient feu et explosaient).
Ensuite, je suis retourné à l'école. J'habitais à l'époque 33 rue des Ormeaux. Mes voisins étaient des réfugiés du Nord. Dans cette maison, il y avait 2 jeunes filles, une de 14 ans avec qui je jouais et une de 20 ans qui avait un petit ami dans le quartier. On se retrouvait fréquemment ensembles. Un beau jour, celui-ci m'a dit « il faudrait faire quelque chose » « Oui mais quoi ? » « Tu pourrais constituer un groupe au sein de l'école, distribuer des tracts, des enfants se feront moins remarquer que nous ». Il me donnait des tracts. Moi j'avais créé un petit groupe d'une dizaine de copains, on distribuait les tracts, on les balançait dans les escaliers des immeubles, on faisait des graffitis sur la passerelle de la gare. Maintenant il y a des bombes magnifiques pour faire ça, avant on utilisait de la craie ou des bouts de plâtre. On faisait le symbole de la Résistance, qui n'était encore qu'une ébauche.
La grande majorité de la population était dans l'expectative : elle était pétainiste (Pétain était encore auréolé de son aura de soi-disant vainqueur de Verdun). Il y avait peu de réels collaborateurs et peu de résistants. La Résistance était mal vue, d'ailleurs on parlait de « terroristes » à l'époque. Le gouvernement de Vichy a été la honte de la France, qui a été le seul pays à avoir autant collaboré de plein gré avec l'occupant. Tout l'appareil gouvernemental, la police, collaborait.
Tiens, un jour, à la Préfecture, la nouvelle préfète, Malgorn, lors d'une commération un 18 juin, a cité en exemple le préfet qui était responsable de la SPAC, la police spéciale anti-communiste, à Rennes. J'ai quitté la salle pour ne pas faire d'esclandre.
La SPAC a traqué les communistes, elle les a poursuivis (le PC était alors interdit depuis le pacte germano-soviétique). Je n'étais pas communiste moi-même. Et puis c'était facile de poursuivre les communistes : ils étaient fichés d'avant la guerre. Alors on les surveillait, et à la moindre broutille on les coinçait.
Le 13 septembre 1941, on m'a dit d'aller voir ce qui se passait au palais de justice : 8 communistes devaient être jugés (ndlr : dont Jean Courcier !). Je devais y aller à la place des grands pour qu'ils ne soient pas repérés. J'ai assisté au procès de ces « terroristes ». Le commissaire Morellon, qui était responsable de la SPAC a notamment raconté l'histoire d'un garçon, Louis Coquillet (?).
La police l'avait emmené perquisitionné chez lui. Voyant la clé restée dans la serrure à l'extérieur, il a bondi et a enfermés les agents à l'intérieur, réussissant à s'échapper. Il a ensuite été caché, puis a fui à Paris, où il a malheureusement été repris plus tard et fusillé au mont Valérien.
Le 17 juin 1941, le bruit a couru qu'il fallait aller au cimetière de l'Est pour fleurir les tombes des victimes du bombardement du 17 juin 1940. Ma soeur avait acheté une raquette de fleurs pour nous. Mais on n'a pas pu approcher, la gendarmerie mobile avait bloquée le cimetière, et les gendarmes nous ont refoulés, sans violence toutefois. On a déposé les fleurs à leurs pieds. Puis la manif s'est disloquée, et je suis parti, mais il paraît qu'elle a continué ensuite.
J'ai appris plus tard que le commandant des gendarmes, Maurice Guillaudot anciennement chef de la compagnie de Vitré, avait refusé d'obéir à l'ordre de charger, ce qui lui a valu comme punition d'être muté à Vannes...et tant mieux puisque là-bas il a plus tard constitué un mouvement de Résistance qui a étudié toutes les fortifications mises en place par les Allemands. Surveillé par ces derniers, il devait trouver des astuces pour communiquer avec ses hommes. Il paraît que quand il leur disait « Au revoir » en breton, « Kenavo », ça voulait dire d'ignorer tous les ordres qu'il avait pu donner avant. Il fut arrêté et déporté, mais mena malgré tout une brillante carrière et a fini général de gendarmerie.
Bref, j'ai donc rapporté à mon responsable le jugement des huit cheminots. Ceux que le tribunal avait condamné aux peines les plus légères furent paradoxalement les premiers déportés, puisqu'ils furent remis aux allemands à leur libération (ndlr : voir Jean Courcier).
J'ai été arrêté une première fois en novembre 41 sur dénonciation d'un copain, qui avait dit que j'avais des armes chez moi. Le SD (SicherheitDienst, service de sécurité de l'armée allemande) m'a emmené rue de Robien au n°10. J'ai été interrogé, sans être torturé (quoique giflé) contrairement au copain qui m'avait dénoncé et qui était en piteux état, et j'ai dit que j'avais une balle, juste une seule (de 6,35) dans le tiroir de la cuisine. On est parti chez moi la chercher, puis j'ai fait 3 jours de prison et j'ai été libéré.
Mon responsable m'a dit alors que je risquais d'être surveillé, et qu'il valait mieux stopper un moment mes actions. Mais j'étais jeune. J'ai appris que les armes saisies aux rennais lors de l'arrivée des allemands étaient entreposées dans un grand entrepôt, sans surveillance. On y allait à 3, deux qui rentrait et un qui guettait, et nous prenions ce qui nous intéressait, principalement les armes de poings : de vieux revolvers d'ordonnance de 14-18, capables de percer un madrier. Puis on attendait le signal du guetteur pour dire que la voie était libre et on partait avec les armes dans un sac à patates. Après la guerre, un copain m'en a donné quelques unes.
A 15 ans 1⁄2 , avec des armes, forcément, on frimait un peu. On ne les donnait pas toutes et on en gardait pour nous. On allait à l'école avec un pistolet dans la ceinture. Toute notre classe savait ce qu'on faisait. En face de notre collège, il y avait une école de médecine. La police s'était rendu compte que dans ce quartier, il se passait des choses, on y distribuait beaucoup de tracts etc... Un jour, la police a arrêté un étudiant en médecine pour trafic d'or. Ces choses là étaient réservées aux allemands. Ils ont alors fait marché : le gars devenait indic en échange de sa liberté. Il a notamment dénoncé Henri Bannetel, qui fut fusillé.
Un jour il est rentré en contact avec notre groupe, sous le prétexte fumeux qu'il voulait un revolver pour régler une affaire. Nous, on était généreux. Un copain lui en a donné un. L'indic a réussi à lui tirer les vers du nez. Le 5 mars 1942, j'ai été arrêté à l'école d'industrie par les mêmes agents du SD que la dernière fois. Je me suis fait battre, tabasser, les deux yeux au beurre noir et le visage en sang. J'ai été emmené chez moi (mon père venait de mourir 2 semaines auparavant, le 18 février).
Ma mère et ma soeur se sont mises à pleurer, les boches ont fouillé partout de façon brutale en gueulant. Moi, je faisais encore le fier, je savais qu'il n'y avait rien chez moi. Mais quand ils en ont eu fini avec la maison, ils ont dit « passons au jardin ». Il y avait une cabane en bois et une cage à lapins où se trouvaient cachées les armes. L'indic leur avait dit où elles étaient, ils n'avaient même pas besoin de fouiller la maison. Y'a eu beau faire, dire que c'était pas à moi, ça m'est tombé dessus.
II/ La prison et la déportation.
J'ai été incarcéré au secret dans la prison Jacques Cartier, en application du décret Nacht und Nebel du 7 déc. 1941, pris par Hitler pour enrayer le développement de la Résistance, qui était traquée. Nous étions au secret le plus absolu, dans des cellules individuelles. On savait qu'on allait être jugés, on attendait de passer devant le tribunal, mais rien n'est venu. En mai, on nous a rassemblés (nous n'étions plus que 5, les autres avaient été libérés faut de preuves). Petite anecdote, un gars, Jean-Annick, dont le père était sous-off, avait une arme planquée dans une valise chez lui. Roger Le Helleco (?), qui a vu Jean-Annick arrêté, a couru voir son père et lui a dit de faire disparaître l'arme. Quand les allemands sont arrivés, ils sont allés droit à la cachette mais n'ont rien trouvé. Roger Le Helleco lui a peut être sauvé la vie.
On a donc été rassemblés fin mai 42 et on croyait aller au tribunal, mais on nous a envoyés menottés à la gare de Rennes. Il y avait des wagons de voyageurs aménagés en wagons de prisonniers grillagés. On pouvait parler entre nous dans le train. On se disait « bon, on va être jugés à Laval ». Et on a passé Laval. «Bon, ce sera au Mans ». Mais on a passé le Mans. Alors je me suis dit « chouette, ce sera à Paris, je verrais la tour Eiffel ».
Là-bas, aussitôt descendus du train on nous a fait monter dans un camion cellulaire. Je revois encore par les trous d'aération le lion de Belfort. A la Santé, on est descendus du camion, mais ils ne voulaient pas nous prendre. On est donc repartis vers le Cherche-Midi. A la prison Jacques Cartier, j'étais plutôt bien somme toute. Ma mère avait le droit de m'apporter à manger tous les midis, et les voisins, sachant ce que j'avais fait, m'achetaient plein de friandises. Parfois, je refusais même la soupe de la prison.
Par contre le Cherche-Midi était un endroit terrible, sinistre. Les cellules étaient petites, éclairées seulement par un petit vasistas, nous étions dans une pénombre totale. En plus, j'étais allergique aux punaises qui infestaient les lieux. J'avais la figure tellement enflée que pour y voir, je devais soulever mes paupières avec mes doigts. J'ai encore dans la bouche le goût des punaises qui rentraient dedans quand je dormais et que je croquais sans m'en rendre compte, un goût infect, horrible. Dans les couloirs, il y avait des rondes perpétuelles, accompagnées de bruit de bottes. Vers 5h du matin, on entendait parfois des hurlements, des aboiements. Des cellules s'ouvraient, des gens étaient rassemblés et partaient pour être fusillés.
Fin mai-début juin42, on nous a emmenés en fin d'après-midi à la guerre de l'Est en camion. Il y avait un convoi de prisonniers. On a voyagé toute la nuit jusqu'à Trêves, en Allemagne. On a été rassemblés dans un grand local, on a reçu une ration de pain, et on est repartis à la guerre pour reprendre un petit train qui nous a lâchés dans une petite gare. C'était le 5 juin 1942. J'avais toujours cru que la forêt noire était un endroit sombre, obscur, mais c'était magnifique, le soleil brillait, les feuilles étaient vertes, d'un vert très tendre. Depuis des mois qu'on était en prison, quel bonheur. On est partis à pieds dans la forêt, encadré par des soldats qui ne nous brutalisaient pas. Le plus jeune de notre petit groupe avait 14 ans 1⁄2 , moi 16 ans (j'étais le plus vieux). Y'avait des gens de 15-30 ans qui racontaient des conneries, que les petites Gretchen n'avait qu'à bien se tenir.
On est arrivés à proximité d'une grande clairière, magnifique. On a vu de superbes baraquement fleuris, on se disait qu'on allait être bien. On était bêtes. On nous a comptés dans le silence. Et puis on a vu d'autres soldats qui arrivaient avec des chiens. Mais à proximité de nous, ils ont commencé à s'engueuler avec nos gardiens, et ils ont lâché leurs chiens sur nous, et nous ont tapés dessus à coups de matraque. Nous les jeunes, on parvenait encore à se faufiler sous les coups, mais les vieux prenaient tout sur la gueule. Ils nous ont recomptés. On est passés devant les baraquements fleuris : c'était la caserne des SS. Nous étions dans le camp SS de Hinzert. Le temps passant, on a su que c'était là que venaient se former les SS avant d'être envoyés dans les autres camps.
On est rentrés sur la place d'appel. Un officier, qu'on a surnommé « l'homme au chien » (un autre, c'était Yvan le terrible) est arrivé et nous a fait un discours, traduit par un interprète. Il a dit qu'à partir de maintenant nous n'étions plus des hommes, mais des sous-hommes, que nous n'avions plus de nom mais un numéro, qu'il fallait obéir sans discuter à tous les ordres, interdiction de marcher à l'intérieur du camp, il fallait se déplacer au pas de gymnastique toujours. On devait s'immobiliser si on croisait un soldat allemand et ne surtout pas le regarder, et attendre qu'il soit à 4-5m derrière pour repartir. Quelqu'un a levé le bras, l'officier allemand lui a donné la parole. C'était un colonel français qui disait qu'il ne tolérerait pas d'être traité ainsi, qu'il y avait des conventions pour les prisonniers etc... L'officier a fait un signe, et des soldats l'ont tabassé jusqu'à ce qu'il reste sur le carreau.
Puis ça a été le déshabillage. Aujourd'hui on se met à poil facilement, mais à l'époque on était plus prude. On gardait le caleçon, mais sous les coups on s'est mis complètement à poils. D'autres types, les kapos, sont arrivés. Ils ont mis toutes nos affaires dans un sac avec notre numéro. On est restés un moment là, puis ça a été le friseur. Non seulement on nous mettait la boule zéro, mais on nous épilait toutes les parties du corps : on devait monter sur une table, bras tendus et on nous recouvrait de crème dépilatoire, puis on nous rinçait, et on était poilu comme un oeuf. On essayait de retrouver nos copains, mais tous nus et rasés, on ne se reconnaissait qu'au son de la voix.
D'autres kapos sont arrivés, avec de vieux uniformes : pantalon, chemise, veste, bonnet, des claquettes à semelle de bois (on a du s'arranger entre nous pour trouver la bonne pointure). Tant que bien mal habillés, on nous a fait faire de la gym autour de la place d'appel. Tout était fait pour nous humilier, nous traiter comme des animaux. On recevait des ordres, on devait courir, ramper, se relever... Pour nous les jeunes ça allait, mais les vieux s'en prenaient plein la gueule. Ça a été long, même si je ne saurais plus dire combien de temps ça a duré.
Ensuite on a été affectés à un bloc, où se trouvaient des lits à 3 étages. Chacun avait sa paillasse. On ne comprenait pas qu'on puisse traiter les gens de cette façon. En juin on se levait avant le jour et on se couchait après la tombée de la nuit. Le matin on avait une gamelle et une tranche de pain où il y avait eu de la confiture ou une espèce de margarine. On allait en travaillant jusqu'au midi avec ça dans le ventre, là on avait une louche de soupe. Si ta tête revenait au cuistot, il allait chercher dans le fond de la marmite du choux ou des patates. Sinon, il prenait au-dessus et là tu n'avais qu'une louche d'eau, souvent à moitié vide une fois arrivée à la gamelle. Et le soir on avait un pain noir, valeur de 2 biscottes.
On crevait de faim et fallait travailler, péniblement, surtout pour nous les jeunes qui n'avions jamais travaillé avant. Par exemple, il y avait la charrette. Dans la forêt on coupait des troncs d'arbres. Pour les ramener, les mettait dans une charrette, et à la place des chevaux, c'était nous qui la tirions. Arrivés au camp, il fallait scier et casser le bois, puis regrouper les bûches en meules. On avait les mains couvertes d'ampoules et en sang. On ne pouvait pas parler, sinon on était punis : on se faisait tabasser, et on cherchait à nous humilier le plus possible. Par exemple, il y avait la punition du papier à cigarettes : on devait rester debout face à un mur, le nez appuyé contre le mur avec un papier à cigarette coincé entre les 2. Si le papier tombait, on se faisait tabasser. Un beau jour, ils ont voulu creuser une piscine au milieu de la place d'appel. Nous n'avions pas de brouettes, il fallait porter des caisses de terre pour les vider ailleurs.
Un jour, on est tombés sur un énorme rocher, impossible à casser avec nos masses. Les boches l'ont foré, et le 13 juillet 1942, alors qu'on était sur la place d'appel, ils l'ont fait sauter. Et la piscine a été creusée. Elle a servi à noyer les prisonniers, qu'on maintenait la tête sous l'eau. On attendait toujours d'être jugés. On avait un moral de fer. La haine nous aidait à rester debout. On a toujours été solides. On devait garder le moral sinon on était foutus. Nous les jeunes on avait pas encore de famille pour qui s'inquiéter (à part nos mères), ça allait. Mais les plus vieux, ceux qui étaient mariés, qui avaient des enfants ! Le corps s'affaiblit, mais c'est le moral qui tient. En juillet 42 j'ai été blessé.
Dans la cour, on devait suivre les instructions : Augen, rechts (tête à droite). Die Augen links (tête à gauche). Un jour je me suis trompé. Un seul qui se trompe au beau milieu des autres, ça se voit tout de suite. J'ai reçu un terrible coup sur la tête qui m'a mis KO. Par la suite, j'ai eu des douleurs monstrueuses à la tête, et des pertes de connaissance. Je n'ai pas été soigné. Il a fallu attendre la fin de la guerre et mon retour en France, 3 ans après, pour diagnostiquer un traumatisme crânien qui m'a fait souffrir encore longtemps après.
On a enfin été transférés dans une autre prison pour être jugé par le SonderGericht, le tribunal militaire, normalement situé àCologne. Mais la ville était à feu et à sangs à cause des bombardements alors on a été transférés en Silésie, à Breslau. On a été transférés dans des wagons à bestiaux. Là, Pascal Lafaye, un copain, a appris que sa mère était dans le wagon à côté du notre. On a vite su que c'était la seule rennaise à avoir été arrêtée : elle avait déclaré que les armes trouvées chez elles étaient à elles et non pas à son fils. Du coup, ils ont été déportés tous les deux. Le frère à Lafaye, Michel, avait réussi à rejoindre l'Afrique du Nord et à s'engager dans l'armée de Leclerc. Il a participé au débarquement en Italie, mais est mort à Monte Cassino. Pascal est mort le 8 avril 1945 lors du bombardement du camp de Mittelbau.
On a été jugés le 10 janvier 1944 à Breslau. On a soi-disant bénéficié d'une peine réduite à cause de notre jeune âge au moment des faits. En fait, on avait un interprète qui parlait très mal le français, et nous, même si on commençait à comprendre quelques mots d''allemands, on faisait comme si on ne comprenait rien. Du coup ça a exaspéré les juges. On a été condamnés aux travaux forcés.
Les NN (Nacht und Nebel) étaient tenus au secret le plus strict, ma mère ne savait pas où j'étais, ni si j'étais vivant ou mort. Elle a écrit à la Croix-Rouge, qui lui a répondu qu'ils ne savaient pas, et aux Allemands qui lui ont répondus qu'ils ne pouvaient pas lui répondre. On n'avait pas le droit d'écrire, contrairement à d'autres prisonniers. Je ne l'ai jamais pardonné aux boches.
J'ai eu la chance d'avoir été arrêté dans une école professionnelle. Sur mes papiers on avait marqué « apprenti tourneur ». Comme les boches avaient besoin de main d'oeuvre, puisque tous les hommes valides étaient partis à la guerre, toute l'industrie allemande tournait avec le STO et la main d'oeuvre des camps de concentration.
Moi j'avais été transféré à Schweidnitz dans une prison atelier, où j'avais un tour, et une petite pièce à faire. Mais je ne savais pas comment faire, alors presque involontairement j'ai fait de la Résistance en fabriquant de mauvaises pièces. D'autres aussi trafiquaient les pièces. Je fabriquais des bagues, des bricoles aux gardiens, ce qui fait que j'avais relativement la paix, parfois des tartines de pain en plus. On faisait aussi des paniers à obus. Après l'inspection, on coupait les tiges maitresses des paniers, comme ça ils se cassaient dès qu'on mettait un obus dedans. Ensuite on a fait des paniers à patates : d'abord ça a été 1 panier, 2 paniers, 3 paniers. On est arrivés à 4 paniers. On s'est dit qu'on devrait travailler plus lentement. J'ai alors eu des problèmes.
Un jour un copain avait fait 5 paniers. Alors que le gardien accompagnait un prisonnier aux toilettes (bien sûr on ne pouvait y aller que sur ordre) je lui ai piqué et ai voulu le donner à un vieux qui n'arrivaient pas à atteindre son quota. Mais il n'a pas voulu, et on s'est battus. Le gardien est arrivé, et comme il avait déjà remarqué que j'avais donné des paniers au vieux, j'ai eu droit à 14 jours d'arrêt, au cachot. Seul, dans le noir. La porte ne s'ouvrait qu'une fois par jour pour une gamelle d'eau et un morceau de pain. Et pour savoir si on était toujours vivant. Au bout de 14 jours, tu sais plus où tu es.
Les russes approchant, on a été transférés de Schweidnitz à la gare, qui a été bombardée par les russes. On croyait être libérés, mais on est partis à pied dans la montagne jusqu'à Hirschberg. Il faisait tellement froid que le vin des soldats gelait dans leurs gourdes. Notre quignon de pain était glacé et immangeable. C'était horrible. Pourtant, j'ai passé une nuit formidable. Nous aidions un jeune russe, blessé aux jambes, à marcher. Il avait une capote fourrée. J'ai pu dormir avec lui, tous les deux roulés dans sa capote, j'ai senti la chaleur de cet individu à côté de moi, je m'en rappelle encore. Le lendemain ils l'ont emmené, je ne sais pas ce qu'il est devenu. J'espère qu'ils ne l'ont pas tué.
A Hirschberg, on a attendus la libération.
On est restés prisonniers dans cette enclave jusqu'au 8 mai 1945. Là, les gardiens sont partis en nous laissant seuls. Mais nous on n'y croyait pas. On est partis un jour à 4. On était en très mauvais état. Au bout de 3-4km, on s'est trouvés rattrapés par les combats. Les SS continuaient à se battre, ils savaient que les russes ne les épargneraient pas (ils étaient reconnaissables à leur groupe sanguin tatoué sous le bras). Pour s'abriter le soir, on est allés dans une ferme abandonnée (la population avait fui vers l'ouest). On s'est mis dans le grenier.
Mais les projectiles passaient à travers le toit. On est redescendus, mais un SS nous a aperçus. Il a couru vers nous, nous a mis en joue, alignés contre le mur. On ne pouvait pas résister, à l'époque on faisait pas 40kg. Soudain il y a eu une explosion sur le chemin (il y avait un canon antichar pas loin), les Allemands ont poussés des cris et le SS est parti en courant. On s'est enfui en faisant le tour de la ferme. On a été récupérés par 2 Français qui nous ont emmenés dans une maison forestière où ils habitaient. Ils nous ont couchés là, et on a dormi. Le lendemain, on entendait plus que des tirs sporadiques. L'un des français est allé voir, il a dit que les russes étaient arrivés.
Les français nous ont conduits dans le village, à la mairie. Là un officier soviétique, qui parlait le français à merveille, nous a interrogés. Ils nous a demandé si on avait besoin de quelque chose, et nous a dit de nous servir. Puis il nous a dit de retourner nous planquer 3 jours dans la baraque sans en sortir, parce qu'ils allaient nettoyer le terrain. Il nous a fait un sauf-conduit, et nous a dit de revenir au bout de trois jours. Il ne serait plus là, mais il fallait s'adresser à son collègue. Les troupes qui étaient là étaient les troupes de chocs, comme dans beaucoup d'armées, c'était des étrangers à leur pays (ici des mongols), de chair à canon qu'on mettait en première ligne.
On est donc resté 3 jours dans la cabane, on entendait des bruits de combats autour de nous. Au bout de ce délai, on est revenus. Effectivement, l'officier avait changé, et c'étaient maintenant les troupes régulières qui occupaient le village. Ils étaient très bien. Comme on avait rien, et pas d'argent, on se servait dans les maisons abandonnées, et on prenait ce qu'on pouvait, surtout de la nourriture.
Un jour, sur la place du village, j'ai vu un jeune russe à vélo. Je me suis dit que ce serait l'idéal pour transporter les victuailles. Je lui ai demandé son vélo, mais il ne voulait pas me le donner. Il m'a regardé de haut en bas. Il faut dire que ma croissance s'est arrêtée avec mon arrestation. Je pouvais faire le tour de mes cuisses avec mes mains. Le russe me regarde, regarde autour, et voit une belle maison avec un portail. Il tente de le défoncer à coups de crosse, puis lâche une rafale dedans. Nous rentrons, je vois un vieil homme, une femme et deux jeunes filles terrorisées.
Le russe nous a fait rentrer dans un salon magnifique, puis asseoir à table. Il a ensuite posé toutes les victuailles de la maison dessus et nous a dit de manger. Mais nous, on avait plus faim ! Quand il a vu que ça allait, il est parti. On est restés avec la famille, sans doute des musiciens car il y avait de magnifiques instruments dans le salon. Le vieux n'a pas voulu que nous partions avant que toutes les victuailles ne soient finies, il avait peur que si le soldat russe revenait et les voyait, il croie que nous avions été chassés et qu'il le tue. On a donc pris tout ce qu'on pouvait sur nous et dans notre chemise, et on est partis.
A l'époque, on était pris d'une sorte de folie. La ville était une riche station de ski allemande. On rentrait dans les hôtels luxueux et on cassait les lustres à coups de crosses. Mais on n'était pas méchants, on n'aurait fait de mal à personne. Il n'y avait plus de soldats. Bon si on avait trouvé un SS on l'aurait sans doute abattu. Il y avait une épicerie, où les gens faisaient la queue pour acheter du lait. Nous on rentrait, on prenait tout, et les gens nous criaient dessus. On était ivres de liberté retrouvée.
Les deux français qui étaient avec nous au début ont été emmenés par les Russes. Il faut savoir que pendant la guerre, les prisonniers de guerre pouvaient devenir des travailleurs civils suite aux accords de collaboration de Pétain. Ils avaient alors le droit de mener une vie à peu près normale.
Beaucoup ont fait ce choix. Mais les russes, en voyant deux hommes en civil robustes et en bonne santé, les ont pris pour des combattants ennemis qui se cachaient. Qui sait ce qu'ils sont devenus, et combien de temps il a fallu pour les innocenter ? Un beau jour, on a décidé d'aller au service officiel. Les russes ont parlé de rapatriement, mais il fallait passer par Odessa, au bord de la mer Noire ! On a demandé à rejoindre les américains, qui étaient à 15km de là. On nous a dit de nous débrouiller, on a donc du y aller par nos propres moyens.
On a été en République Tchèque, et à Prague on nous a fait un laisser-passer pour circuler. D'autres sans ce document se faisaient arrêter, mais pour nous pas de problème. On a été à l'aéroport. J'avais mal à la gorge, et je suis allé voir un soi-disant médecin militaire, qui n'a rien trouvé de mieux que de m'envoyer à l'hôpital, alors que mes copains rentraient chez eux !
Je voulais partir, mais ils refusaient, alors que je n'avais qu'une angine. Heureusement je m'en suis sorti grâce à une infirmière belge. Elle m'a dit de m'arranger pour récupérer mes habits et d'être prêt le lendemain matin. J'ai donc demandé à travailler au service où ils triaient les habits, et j'en ai profité pour récupérer les miens : un vieil uniforme italien, des bottes allemandes. On a rejoint les américains à Pilzen, et 3h plus tard j'étais à côté de Lyon.
III/ Le retour en France.
De l'aéroport, un camion nous a emmenés à Lyon. Là, je n'avais rien, pas d'argent. Je me suis assis sur un banc. Une jeune fille est venue me voir, elle m'a posé plein de questions. Apprenant ma situation, elle m'a mis dans un train pour Paris. Arrivé là-bas, je n'avais toujours rien, sauf gravée dans ma mémoire l'adresse d'amis de la famille. J'ai demandé à un taxi comment faire pour m'y rendre, sachant que je n'avais pas d'argent, et il m'a emmené jusqu'au 18 passage Gambetta. C'était le 8 juin 1945. Arrivé là, porte close. Je me suis assis sur les marches, jusqu'à ce qu'une personne vienne me voir : « Vous seriez pas de la Bretagne ? » « Si pourquoi ? » « On vous connait ! » Des personnes m'ont entourées, jusqu'au retour des amis. Ils avaient parlés de moi et avaient raconté ce que j'avais fait à tout le quartier.
On m'a accueilli les bras ouverts, j'ai eu le droit à la chambre d'amis. Mais impossible de dormir dans un bon lit, j'ai donc dormi par terre. Le lendemain, j'ai envoyé un télégramme à ma mère. Je ne me suis pas rendu compte sur le coup, mais je l'avais adressé à mon père, alors qu'il était décédé. Quand elle l'a reçue, elle est venue me guetter à la sortie de tous les trains en provenance de Paris. Mais je suis resté 2 jours à Paris : quand ils ont dit dans la famille où j'étais qu'il y aurait des frites à manger, je suis resté. Puis j'ai pris sans billet le train pour Rennes. Quand je suis arrivé chez moi, la maison était vide. 1⁄2 h après, ma mère est arrivée avec ma soeur. Et voilà, la boucle était bouclée.
J'étais mal en point, je suis resté un an sans travailler. Toutes les places étaient prises. Les fonctionnaires avaient retrouvés leur places d'avant-guerre. Mais moi, je ne travaillais pas avant d'être déporté. Chez nous il n'y avait plus rien, pas un sou, comme mon père était mort.
Une anecdote m'a marquée. J'ai appris un jour qu'ils embauchaient au tramway d'Ille et Vilaine. Je vais voir l'ingénieur en chef qui me reçoit. Il me demande ce que j'ai fait. Je lui réponds que j'ai été à l'école d'industrie. Il dit très bien, quel diplôme as-tu ? Ben j'en ai pas, j'ai été arrêté par les boches. La réponse : Alors fous le camp, t'avais qu'à faire autre chose.
J'ai fait des petits boulots à droite et à gauche, et je me suis inscrit aux Beaux-Arts. Je suis rentré comme dessinateur à l'intendance militaire en 1946. Le gradé responsable m'a aidé à obtenir le poste eu égard à ce que j'avais fait.
En 54, j'ai passé le concours des Ponts et Chaussées et j'ai été pris comme dessinateur. J'y suis resté jusqu'à 55 ans. Le premier mois de mon embauche, j'ai fait un scandale qui m'a baisé toute ma carrière. Je suis entré comme dessinateur, et j'en suis sorti dessinateur. J'avais adhéré à la CGT, à laquelle mon père adhérait aussi avant la guerre. Nous n'étions que 3 dans les administratifs, l'autre syndicat, la CFTC, était plus présent. J'avais aussi adhéré à la mutuelle, comme tout le monde.
Le premier mois de mon affectation, il y a eu des élections pour désigner le bureau de celle-ci. A l'époque, je travaillais avec le second de l'ingénieur-chef, près du bureau de ce dernier. L'urne pour les élections était dans son bureau. A cause des roulements d'équipes, tout le monde ne votait pas le même jour. Dans la nuit, j'ai réfléchi. Ca ne me semblait pas normal comme procédure. J'ai donc été réclamer. Le chef m'a dit que l'urne était fermée par un cadenas. J'ai demandé qui avait la clé. Il m'a dit que c'était lui. J'ai dit qu'il devrait y avoir au moins 2 cadenas, avec un dont les syndicats posséderaient la clé. J'ai réussi à obtenir l'annulation du vote.
Après 68, au niveau syndicats, les choses se sont un peu améliorées.
IV/ Aujourd'hui.
Ce qui se passe aujourd'hui : tous les acquis du conseil de la Résistance sont bafoués. La Sécu, le capital de la France qui part dans le privé... A Rennes, l'arsenal qui était censé ne plus produire d'armes a recommencé, parce que sa production de substitution (des batteuses) n'était pas assez rentable.
Le racisme...C'est inimaginable que des gens puissent se considérer, encore maintenant, comme une race supérieure vis à vis des populations d'immigrés. J'ai connu pendant 3 ans l'esclavage. Personne n'a le droit de faire ça. On était considérés comme du bétail, pas comme des hommes. Les SS se considéraient comme une race supérieure. C'est impensable de voir un pays devenir comme ça. Tout est possible, maintenant encore tout est possible. On est capable de faire pareil. En Algérie,
beaucoup de français se sont comportés comme des nazis. Et le peuple suit. C'est inimaginables ce que les gens sont capables de faire.
Tenez, quand on voit les CRS en activité...ma petite fille par exemple était avec des copains sur une pelouse en face de la préfecture lors de la fête de la musique. Ils discutaient calmement quand des CRS sont venus leur dire de dégager, les ont matraqués et les ont refoulés plus bas, où se trouvaient d'autres CRS. Ma petite fille a eu le bras cassé par un coup de matraque. Bien entendu elle a été déboutée de sa plainte. La police a tous les pouvoirs. Ils peuvent faire n'importe quoi. Moi j'ai eu une grosse déception : l'ancien préfet Guéant, qui était un type bien, est devenu directeur de campagne de sarko. Si un type comme Guéant peut faire ça, tout peut arriver.
Quand les algériens ont eu le malheur de réclamer leur indépendance, et qu'ils ont manifesté à Sétif, on a fait bombarder la ville ! Il y a eu plusieurs milliers de mort, et n'oublions pas que le ministre de l'air de l'époque était Charles Tillon. En Algérie, le bulletin de vote d'un algérien valait moins que celui d'un pied noir. En fait, on a continué la colonisation.
Aujourd'hui, on fait des charters pour renvoyer ces gens dans leur pays. Mais on les a fait venir en charter, pour reconstruire la France !!! Ces gens là vivent en France depuis toujours, ils ont cotisé à la sécu, leurs enfants sont français. Chirac a au moins fait une chose bien : décristalliser les pensions des anciens combattants étrangers qui ont combattus pour la France (ndlr : voir le film Indigènes), et qui avaient été bloquées lors de l'indépendance de leur pays. On va peut être avoir un problème au niveau du montant, et devoir l'indexer sur le niveau de vie de leur pays, mais c'est déjà un pas en avant.
Nous à l'ANACR on a une revendication actuelle : faire reconnaître une date, la date de la Résistance. On avait au départ 2 dates comme revendication :
- – le 18 juin 1940
- – le 27 mai 1943, date de la première réunion du Conseil National de la Résistance, présidé par Jean Moulin. Avant cette réunion, il y avait des résistances. Après il y eu LA Résistance, tous les mouvements ont été fédérés.
On a écrit une lettre aux présidentiables de 2007 à ce sujet. Seule Ségolène Royal nous a répondu en une longue lettre. Un deuxième envoi par fax a permis de récolter aussi la réponse de Marie-Georges Buffet.
On aimerait que le 27 mai soit déclarée fête nationale, non fériée et non chômée mais avec des interventions dans les écoles pour parler de ce qui s'est passé, et pour ne pas oublier.
Nous voulons défendre les droits des anciens résistants/déportés.
Rien n'est définitivement acquis, il faut toujours être vigilant. On a donné un moyen aux jeunes de faire entendre leur voix : c'est le bulletin de vote. Je suis satisfait de voir que les jeunes se sont mobilisés pour ces élections. Il faut qu'il s'intéressent à la politique, existe-t-il chose plus intéressante ? Et qu'ils ne se laissent pas embrigader par les beaux-parleurs. Je suis satisfait de voir que Le Pen est retombé. Moi j'ai peur de sarko, une droite dure comme ça va à l'encontre des combats menés. J'ai du mal maintenant, je suis très fatigué. L'année dernière, j'ai manifesté contre le CPE, j'ai vu tous les évènements, j'ai même reçu du gaz lacrymogène. Et je n'ai pas encore fini de manifester ! La dernière manif que j'ai faite, c'était pour les sans-papiers de Montfort-sur-Meu.
Je suis désolé de voir le PC tomber au niveau où il est. Je ne suis pas communiste, mais pourquoi avoir honte de l'être, c'est une belle chose. Maintenant on entend plus parler de capitalisme, à croire que ce mot leur écorche les oreilles, mais de libéralisme. Le PC a payé un lourd tribut dans la Libération de la France. Certains disent que le PC s'est engagé uniquement après la rupture du pacte germano-soviétique, mais c'est faux ! Le bureau du parti peut être, mais nombre de militants étaient actifs dès 40 (ndlr : voir Jean Courcier). Et ces gens se battaient pour la France, pas que pour leur parti.
Le résultat des élections me désole.Je ne suis pas très optimisme pour l'avenir, je ne pense pas que Royal remontera. Les délocalisations me font peur aussi. Les entreprises jettent à la rue des employés qualifiés. On brade tout à l'étranger. Si sarko passe, j'ai peur d'un rapprochement avec Bush, ce qui serait très inquiétant. En Europe, on est l'état policier le plus développé.
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