DALCH MAD Dz 3048
France Libre et France Combattante DOUARNENEZ et sa Région
Chemin de la Résistance et des Maquis
Mis en ligne sur le site le 26 novembre 2024
Source des documents suivants : Archives Michel MAZÉAS 6 (cartons numérotés de 1 à 6)
(numérisation Pôle Jean Moulin LG)
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Un Français Libre parmi 63204
René Corentin Joseph Marie Boulic
Naissance : 7 février 1919 - Locronan (29)
Activité antérieure : marin
Point de départ vers la France Libre : Metropole
Engagement dans la France Libre : en mai 1943
Affectation principale : FNFL / marine de guerre
23ème flottille MTB , caserne surcouf, caserne Bir-Hakeim
Matricules : 1921 B35, 346 FN43
Grade atteint pendant la guerre et spécialité : second maître mécanicien
Décès à 78 ans - 16 mai 1997 - Douarnenez (29)
Dossier administratif de résistant : GR 16 P 80072
Dans la liste de l'amiral Chaline : ligne 1914
Dans la liste d'Henri Ecochard V40 : ligne 7298
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Photo : Le drapeau du Dalc'h Mad est de retour à Douarnenez. Fils de l'un de ceux qui ont rejoint l'Angleterre depuis Tréboul à bord de cette pinasse en 1943, William Boulic, aujourd'hui élu, a tout fait pour.
Douarnenez ville
Portrait. William Boulic, fils de Français Libre
18 juin 2010
Plus breton que Boulic et plus british que William, on ne peut pas faire. Petite et grande histoire mêlée ont forgé l'identité de celui qui est devenu numéro deux de la ville.
Commémoré aujourd'hui, le 70e anniversaire de l'Appel pour la France Libre met en lumière le courage de ceux qui y répondirent. Ainsi, plus de 650 combattants ont quitté Douarnenez pour l'Angleterre à bord de Ma Gondole, Le Trébouliste, La Brise, Dom Michel Nobletz, Petite Anna, Moïse, Ar Voulac'h, La Pérouse, Breiz Izel, Jouet des Flots, Petite Reine, Émeraude et Dalc'h Mad.
Un Français s'en va, un Anglais revient...
Ce dernier, une modeste chaloupe sardinière de 12m, William Boulic en connaît fort bien l'histoire. Et pour cause. René Boulic, celui qui deviendra son père quatre ans plus tard, était à bord. Il avait 24 ans. «Ils étaient 19 en tout. Un seul inscrit maritime parmi eux. Tous des Résistants. Des gars comme Xavier Trellu ou Lili Marec. Et aussi Gordon Carter, un pilote anglais qui profitait du voyage pour rentrer chez lui. Il est revenu après la guerre d'ailleurs. Pour épouser la fille de la ferme qui l'avait caché. Il vit toujours, à Quimper. C'est peut-être bien le seul survivant des 19».
Mariage à Cardiff
Ces jeunes gens qui voulaient rejoindre les Forces Françaises Libres (FFL) ont appareillé de Tréboul à l'aube du 7avril 1943. Avec la flottille de pêche, pour ne pas éveiller les soupçons des Allemands. 52heures de mer plus tard, le Dalc'h Mad accoste dans la petite crique de Covrack, sur la côte anglaise. «De là, ils se sont dispersés dans les différents corps des FFL, raconte William Boulic. Mon père, mécanicien de formation, a combattu dans la flottille des vedettes rapides, les Motor Torpedo Boat», précise-t-il dans un anglais impeccable. Évidemment. On l'a compris, le jeune René Boulic avait fait la connaissance d'une petite anglaise, Odette Baker. «À Cardiff, où ils se sont mariés en décembre1943», précise celui qui naîtra trois ans plus tard et qui aura un frère, Ken, en 1953.
Bon en anglais, forcément...
«Ils sont rentrés à Douarnenez tous les deux en 1945 et se sont fixés à Coataner. Mon père a intégré la Méta. C'était un excellent joueur de foot. Les gars de Saint-Herlé s'en souviennent...». Quant à celui que tous ses copains ont vite appelé Bill et qui était le meilleur en anglais -forcément, puisqu'il allait en vacances chez ses grands-parents Outre-Manche -, il a «fait» Saint-Blaise, puis Saint-Louis à Châteaulin, avant d'intégrer une école d'ingénieurs à Lyon. Aujourd'hui retraité, William Boulic préside aux destinées de la communauté de communes et seconde Philippe Paul à la mairie. Une fonction qui a lui a permis d'oeuvrer pour le retour du drapeau du Dalc'h Mad À chacun son devoir de mémoire.
www.letelegramme.com
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LISTE DES PASSAGERS DU DALC'H MAD - Tréboul, le 6 avril 1943
BOUCHER Jean-Michel : né le 12 janvier 1922 à Lorient - engagé FAFL en mai 1943- sergent-chef mitrailleur au 342 Squadron Lorraine à partir de la fin 1944. Entrepreneur de transport après guerre - décédé.
BOULIC René, Corentin, Joseph : né le 7 février 1919 à Locronan (Finistère). Engagé dans la marine nationale en 1938. Ecoles des mécaniciens à Lorient. Embarqué sur l’aviso « La Gazelle », démobilisé en 1943. Engagé dans les FNFL le 9 avril 1943 - 346 FN 43. Affecté à une flotille de MTB. Second maitre mécanicien démobilisé en juillet 1945. Médaille militaire, Croix de guerre, Mention in Dispatches (GB). Décédé le 16 mai 1997 à Douarnenez.
CARTER Gordon - RCAF - Flying Officer navigator. Abattu au cours d’un bombardement sur Lorient dans la nuit du 13 au 14 février 1943. Halifax du 35 Squadron. Un tué, un prisonnier et cinq évadés.
GUEZENNEC Francis : né le 1er novembre 1924 à Saint-Malo (Ile et Villaine). Engagé dans les fusilliers marins à son arrivée en Grande-Bretagne. Débarque en Normandie le 6 juin 1944 avec le commando Kieffer. Décédé en mars 2006.
KERVAREC Alain : pas d’informations.
KERVAREC Auguste : né le 2 janvier 1921à Ploare (Finistère). Engagé armée de terre à Londres en avril 1943.
KERVROEDAN Jean, Joseph : né le 18 juillet 1921 à Douarnenez. Engagé dans la marine nationale en avril 1943. . Fait partie du détachement FNFL de 87 personnes embarquées le 4 juillet 1943 à Greenock sur le Queen Mary à destination de New York où il arrive le 9 juillet.Affecté à la Naval Air Service de Jacksonville pour un stage de mécanicien. Muté ensuite à la Flotille 6 FE. Ingénieur mécanicien.
LURASCHI Aldo : né le 3 novembre 1921 à Chavelot (Vosges). Engagé FAFL pour compter cu 3 mai 1943 en qualité de soldat de 2ème classe élève pilote - matricule 35.582. Directeur du service du tourisme à la SNCF. Décédé à Paris le 25 juillet 2005.Son nom est orthographié LURALCHI sur la matricule.
LE GUILLOU Marcel, Yves : engagé FAFL le 3 mai 1943 comme 2ème classe candidat pilote - mle 35.580.
MAREC Louis, Marie : né le 3 avril 1920 à Tréboul (Finistère). Engagé FNFL en mai 1943 - 402 FN 43 - passe au BCRA. Effectue des missions en France occupée. Arrêté par les Allemands en avril 1944. Emprisonné à Rennes, part vers l’Allemagne dans un des derniers quittant la Bretagne avec une cinquantaine de déportés comme lui. Stoppé en gare de Langeais, le train est mitraillé et Louis MAREC réussit à s’évader le 9 août et à rejoindre Londres le 24 août 1944. Démobilisé fin octobre 1945. Décédé le 22 juillet 2001 à Douarnenez.
MONTAGNE Pierre : né le 14 novembre 1901. Engagé armée de terre à Londres en mai 1943. Sergent à la fin de la guerre. Serait resté, compte tenu de son âge et de son état de santé, à l’état-major à Londres.
MOREL Gérard, Albert : né le 25 avril 1920 à Longeau (Somme). Engagé FAFL pour compter du 3 mai 1943 en qualité de mécanicien breveté avec le matricule 35.579. Sergent.
PENNANEACH Guy : né le 30 juin 1913 à Le Palais (Morbihan) - Engagé FNFL en avril 1943. Quartier maître cannonier.
RENARD Louis : né le 23 décembre 1923. Engagé FNFL en mai 1943. Quartier maître timonier.
RENAUD Marcel : pas d’information.
SALEZ Pierre Victor : né le 25 juillet 1920 à Crozon (Finistère). Engagé FNFL en mai 1943.
SERGENT Pierre : né le 19 juin 1919 à Douarnenez (Finistère).Engagé FNFL en avril 1943, matricule 349 FN 43. Matelot mécanicien aéro. Fait partie du détachement FNFL de 87 personnes embarquées le 4 juillet 1943 à Greenock sur le Queen Mary à destination de New York où il arrive le 9 juillet.Affecté à la Naval Air Service de Jacksonville pour un stage de mécanicien. Muté ensuite à la Flotille 6 FE.
TALEC Jacques : engagé FAFL le 13 mai 1943 avec le matricule 35.604 - caporal.
TRELLU Xavier, Urbain, Marie : né le 5 décembre 1898 à Tréboul (Finistère). Professeur à Quimper en 1940. Engagé FNFL en avril 1943 - matricule 370 FN 43. Affecté au BCRA à Londres puis ensuite à Alger, pour mission à Beyrouth au Liban. Démobilisé en mai 1945 comme enseigne de vaisseau de 1ère classe.
Ancien sénateur du Finistère. Décédé le 25 septembre 1998.
(Yves MORIEULT - Metz - décembre 2009)
Laurent le dimanche 13 décembre 2009 - Demander un contact
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"Evadé du port de Tréboul, commune située près de Douarnenez, le mardi 6 avril 1943 à l’aube, avec dix-huit camarades, à bord d’une pinasse sardinière, le Dalch-Mad (Tiens-Bon). Le bateau réussit à passer sans être contrôlé par les sentinelles allemandes et met le cap vers le large, avant de faire route vers l’Angleterre.
Le voyage va durer trois jours, voyage rendu difficile par une mer très agitée au début, puis compliqué par une panne de moteur et une importante voie d’eau. Le 9 avril, la côte anglaise est enfin atteinte aux environs du cap Lizzard. Récupéré par deux vedettes gardes-côtes, le bâtiment est guidé vers le port de Newlyn, sur la côte sud-ouest de la Cornouailles, où il arrive en fin de journée. Le soir même, après un bref interrogatoire, les évadés, accompagnés par plusieurs agents de l’Intelligence Service, prennent le train pour Londres où ils arrivent le lendemain.
« … au petit matin, à l’arrivée en gare de Paddington, personne ne manifestera le moindre étonnement, devant cette troupe hirsute, aux vêtements maculés par l’eau de la cale, certains ayant perdu une chaussure dans la vase de Tréboul, un autre en sabots de bois et débarquant d’un wagon de première classe. Flegme britannique ! Après deux semaines d’un internement strict mais confortable, à Patriotic-school, pour interrogatoires et recueil des renseignements que nous apportons, nous sommes reçus par le général de Gaulle et incorporés dans les Forces françaises libres. »
(Témoignage, communiqué à l’auteur en novembre 2009, par Marcel LE GUILLOU, 17 ans et demi à l’époque, FAFL 35.580, breveté pilote de Spitfire en janvier 1945 et pilote de Concorde en mars 1976)"
Yves MORIEULT
Laurent le dimanche 06 décembre 2009 - Demander un contact
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FFL de DZ zt sa Région
DALCH MAD Dz 3048
Le Patron Corentin COLIN, empêché au dernier moment laisse le commandement à Louis MAREC (dit Lili) lors du départ pour l’Angleterre le 6 Avril 1943. Quitte le Port de Tréboul, passant par le Guet, avec la complicité de son Père, sur le MOÏSE (voir note MOÏSE), prend la direction du large au nez des gardes allemands.
Louis MAREC est le seul Marin à bord, les 18 autres passagers sont : René BOULIC, Jean KERVROEDAN, Guy PENNANEACH, Pierre SERGENT, Xavier TRELLU, Pierre SALEZ, Francis GUEZENNEC, Auguste KERVAREC, Alain KERVAREC, Jacques TALEC, tous de Douarnenez et également : Jean BOUCHER, Louis RENARD, Marcel RENAUD, Gérard MAREL, Aldo LURASCHI, Pierre MONTAGNE, un pilote de la R.A.F. Gordon CARTER
Après une traversée très dure (tempête, voie d’eau) arrive à NEWLYN le 9 Avril
Suite à cette tentative le port de Douarnenez est fermé « pour toujours » d’après les allemands.
Le port voisin de Tréboul qui s’illustre par le nombre de sanctions infligées par les allemands a beaucoup écopé, et dans le milieu maritime règne une certaine grogne
L’intervion de l’Administrateur Maritime QUEBRIAC, obtient que les marins puissent sortit pour ramener les filets mouillés, depuis deux jours. « vous serez notre otage lui disent les allemands, et cela jusqu’à la rentrée du dernier bateau.
Puis le Port est réouvert. Malgré que la gestapo voulait éradiquer ce nid de résistance à Tréboul-Douarnenez
Louis HENAFF le samedi 31 mai 2008
www.francaislibres.net
Laurent le dimanche 06 décembre 2009 -
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FFL de DZ zt sa Région
René BOULIC 346 FN 43 - n° AFL 8226 Marine
Né le 7 Février 1919 à Locronan
Adresse en Juin 1940 : Rue St Maurice Locronan
Situation Célibataire, Engagé dans la Marine Nationale en 1938, Ecoles Mécaniciens à Lorient, embarqué sur l’Aviso LA GAZELLE », démobilisé en 1943.
Evasion : Passager sur la pinasse « DALCH MAD » Dz 3048
Arrivée : Newlyn le 9 avril 1943
Engagement le 9 Avril 1943 (homologué) à Patriotic School à Londres 346 FN 43
Affectations : 1943 / 1945 : 23ème Flottille de M.T.B. , Chef Mécanicien de la 239
Campagnes : 1943 / 44 : Environ 40 patrouilles sur les côtes de Bretagne, 5 engagements contre l’ennemi.
1945 : Quitte la MTB 239 en Février 1945, Poste à terre, Football Marine, démobilisé en Juillet à la Forêt Landerneau avec le grade de S/M Mécanicien
Décorations : Médaille Militaire, Crois de Guerre (Cité) Médaille des Evadés, des Engagés Volontaires, de la France Libre, Mention in Dispatches du Royaume Uni
Nota Marié en Décembre 1943 à Odette BAKER à Cardiff, divorcé 2 enfants.
Décès le 16 mai 1997 à Douarnenez
Louis HENAFF le samedi 31 mai 2008
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Xavier Urbain Marie Trellu
Naissance : 5 décembre 1898 - Tréboul (29)
Point de départ vers la France Libre : Nord Afrique
Engagement dans la France Libre : en avril 1943
Affectation principale : FNFL / marine de guerre
BCRA, Oeuvres françaises Levant, officier liaison
Matricules : 370 FN43
Grade atteint pendant la guerre et spécialité : ORIC
Evasion : le 9 Avril 1943, Passager sur le « DALC’H MAD » arrive le 9 Avril à Newlyn.
Engagement : le 9 Avril Homologation à Patriotic School à Londres.
Affectations :
1943 : BCRA Londres, puis Alger, Commission Culturelle.
1944 / 1945 : pour suite mission à Beyrouth Liban
Démobilisé en Mai 1945 Enseigne de Vaisseau 1ère Classe
Décorations : Officier de la Légion d’Honneur,Croix de Guerre (Cité), Médaille de la France Libre, Médaille des Evadés, Croix du Combattant, du C.V., du C.V.R
Décès à 99 ans - 25 septembre 1998 - Douarnenez (29)
Dossier administratif de résistant : GR 16 P 577356
Dans la liste de l'amiral Chaline : ligne 14048
Dans la liste d'Henri Ecochard V40 : ligne 50365
Xavier Urbain Marie Trellu - son Livre ouvert !
Revue de la Fondation de la France Libre Juin 2022 [https://www.france-libre.net/site/wp-content/uploads/2022/07/FondationFranceLibre_83.pdf]
" M. Xavier Trellu (43 ans), agrégé de l’Université, a été demandé par M. [Gabriel] Bounoure pour remplir les fonctions de professeur à l’Institut français de Beyrouth et éventuellement celles d’adjoint de M. Bounoure.
Officier de réserve de la Marine, M. Trellu est arrivé en Grande-Bretagne à la fin du printemps, ayant réussi à traverser la Manche dans un bateau de pêche, avec une vingtaine de jeunes gens parmi lesquels plusieurs de ses élèves du lycée de Quimper.
Comme M. Gareau, je manque pour M. Trellu des éléments de jugement nécessaires en ce qui concerne sa valeur professionnelle. De celles-ci, M. Bounoure est sans doute meilleur juge que moi, qui me permets de dire tout le prix que j’attache au caractère de M. Trellu, dont la personnalité attrayante lui vaudra certainement beaucoup de succès au Levant, où j’espère que vous lui accorderez son détachement."
Laurent Laloup le mercredi 02 novembre 2022 - Demander un contact
diocese-quimper.fr/bibliotheque |
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Source des documents suivants : http://web.archive.org/web/20081115133606/http://www.michel-elbaze.fr/index.py?page=view&id=132
Squadron Leader - Gordon Carter
Quartier-Maître - Louis Marec
Dalc'h mad !.. Tiens bon !..
DE CORN0UAILLE EN CORN0UAILLES
Guerre 1939 - 1945
Préface de René Poujade
J'ai rencontré le Squadron Leader Gordon Carter à l'occasion d'un congrès d'Évadés de Guerre dans le château que l'ex Kronprinz d'Allemagne fit construire à Loctudy, juste avant la Grande Guerre. L'histoire de son évasion illustre combien les Bretons participèrent spontanément à la Résistance. Gordon Carter s'est fixé en Bretagne, dans les Côtes d'Armor après avoir épousé une Résistante Bretonne.
J'ai rencontré Louis Marec, figure étonnante de la Résistance en Bretagne dès 1940, aux aventures multiples qu'il m'a racontées. Il m'a remis des documents. Il s'est retiré près de Douarnenez, au Juch dont la très belle église possède une statue naïve de St. Michel terrassant le Démon. Un Satan qui pourrait personnifier, en symbolique, la collaboration : Tête humaine bien nourrie, mais oreilles et pattes de cochon, portant cornes de vache...
Mon ancien Professeur de Lettres du Lycée La Tour d'Auvergne à Quimper, qui fut du voyage mémorable, m'a confié ses souvenirs encore bien précis. Mon condisciple René Pichavent m'a fait bénéficier de la saga qu'il a rédigée. Je connais les deux héros Gordon Carter et Louis Marec.
Ils ont corrigé les premières rédactions de ce récit. Ce texte que j'adresse à Michel El Baze est donc celui (à mon habitude) qui a reçu le "nihilobstat" des témoins - nous sommes au cinquantenaire. C'est bien moi qui ai rédigé, mais chacun d'eux m'a raconté son aventure : j'ai enregistré ces témoignages, puis les ai mis sur papier, présentés aux deux héros, rectifiés en fonction des remarques diverses, rédigé à nouveau et présentés puis re-rectifiés, avant d'en arriver au récit qui suit. J'ai donc mis en forme et placé dans l'ambiance de l'époque, mais ce sont bien leurs récits.
Á tous ces amis, merci.
I have met the Squadron Leader Gordon Carter to the opportunity of a congress of Fugitives of War in the castle that ex Kronprinz of Germany has to construct in Loctudy, just before the Great War. The history of its escape illustrates how much Bretons participated spontaneously in the Resistance. Gordon Carter has fixed in Brittany, in Coasts of Armor after having married a Breton Resistant. I have met Louis Marec, staggering figure of the Resistance in Brittany from 1940, to multiple adventures that he has told me. He has given me documents.
It has pulled close to Douarnenez, to the Juch whose very beautiful church possesses a naive statue of St. Michel overcoming the Demon. A Satan that could have personify, in symbolic, the collaboration: Human head well fed, but ears and paws of pig, supporting horns of cow... My ancient Professor of Letters of the High school La Tour d'Auvergne to Quimper, that was the memorable trip, has confided me his souvenirs again well precise.
My schoolmate René Pichavent has made me benefit from the saga that he has written. I know the two hero Gordon Carter and Louis Marec. They have corrected the first rédactions of this account. This text that I address to Michel El Baze is therefore that (to my habit) that has received the nihilobstat of witnesse - we are to the cinquantenaire.
That is well me that had written, but each of them has told his adventure: I have recorded these testimonies, then have put them on paper, presented to the two hero, rectified in various remark function, written again and presented then re-rectified, before in to arrive to the account that follows. I have therefore put in form and placed in the atmosphere of the period, but this are well their accounts.
To all these friends, thank you.
Ich bin Squadron Leader Gordon Carter anlässlich eines Kongresses der Flüchtigen des Krieges begegnet in dem Schloss, das der Ex Kronprinz von Deutschland in Loctudy bauen liess, gerade vor dem Grossen Krieg. Die Geschichte seiner Flucht zeigt, wie die Bretonen spontan an der Resistance teilnahmen.
Gordon Carter hat sich in der Bretagne niedergelassen, in den Côtes d'Armor, nachdem er eine bretonische Widerstandskämpferin geheiratet hat. Ich habe Louis Marec getroffen, eine erstaunliche Figur der Resistance in Bretagne ab 1940, mit vielfältigen Abenteuern, die er mir erzählt hat. Er hat mir Dokumente hinterlassen. Er hat sich bei Douarnenez, in Juch, zurückgezogen, deren sehr schöne Kirche eine naive Statue von St. Michel, der den Damon niederschlagt, besitzt.
Ein Satan, der als Symbol die Kollboration darstellen konnte : Menschenkopf, gut ernahrt, aber Öhren und Klauen vom Schwein, Horner von einer Kuh tragend... Mein ehemaliger Literaturlehrer des Lycée La Tour d'Auvergne in Quimper, der denkwürdige Reisen machte, hat mir seine noch sehr genauen Erinnerungen anvertraut. Mein Klassenkamerad René Pichavent hat mich Nutzen ziehen lassen aus der Saga, die er verfasst hat. Ich kenne die beiden Helden Gordon Carter und Louis Marec.
Sie haben die ersten Abfassungen dieses Berichts korrigiert. Dieser Text, den ich an Michel El Baze schicke ist also der (wie es meine Gewohnheit ist) der das "nihilobstat" der Zeugen erhalten hat - wir sind bei der Fünfzigjah feier. Es ist freilich ich, der niedergeschrieben hat, aber jeder von ihnen hat mir sein Abenteuer erzählt: ich habe diese Zeugnisse aufgenommen, dann auf Papier gebracht, den beiden Helden vorgelegt, berichtigt entsprechend der verschiedenen Bemerkungen, wieder abgefasst und vorgelegt, dann wieder berichtigt, bevor ich den Bericht, der folgt, fertig gebracht habe. Ich habe also in Form gefasst und in die Atmosphäre der Epoche versetzt, aber es sind wirklich ihre Berichte.
Allen diesen Freunden dankeschön.
POSTFACE de Michel EL BAZE
Vendredi 13 Février 1943 Le Flying Officer Gordon Carter abandonne son avion en feu et chute presque dans les bras du Breton Lapous, "courant garenne de nuit". Commence alors une aventure peu ordinaire qui conduira moins de deux mois plus tard l'officier britannique et 18 autres Français devenus Libres, de Tréboul, de la Baie de Douarnenez, sous le commandement du Patron de 23 ans, Louis Marec. "Sainte Anne avait bien fait les choses !.." Merci à notre camarade René Poujade qui a déjà beaucoup fait pour l'enrichissement de notre recueil et pour la passion qu'il met à la sauvegarde de la mémoire.
Friday 13 February 1943 The Flying Officer Gordon Carter abandons his plane in fire and fall almost in arms of the Breton Lapous, "running garenne by night". Begins then an extra ordinary adventure that will drive less two month later to officiate it British and 18 other French become Free, from Tréboul, the Berry to Douarnenez, under the commandment of the Owner of 23 years, Louis Marec. "Saint Anne had well made things !.." Thank you to our comrade René Poujade that has already made a lot for the enrichment of our collection and for the passion that he puts to the safeguard of the memory.
Freitag 13 February 1943 Der Flying Officer Gordon Carter verlasst sein Flugzeug in Brand und fallt beinahe in die Arme des Bretonen Lapous "nachts im Gehege laufend". Dann beginnt ein ungewohnliches Abenteuer, das weniger als zwei Monate später den britischen Offizier und 18 andere Franzosen, frei geworden, von Tréboul, von der Baie de Douarnenez unter das Kommando des Beschützers von 23 Jahren, Louis Marec, führen wird. "Die Heilige Anna hatte die Dinge gut gemacht !..." Dank unserem Kameraden René Poujade, der schon viel getan hat für die Bereicherung unserer Sammlung und für den Eifer, den er für die Wahrung der Erinnerungsfahigkeit zeigt.
Tu es mon frère
La nuit était claire au-dessus de Lorient, ce Vendredi 13 de Février 1943. Une fois de plus, la Royal Air Force bombardait la base navale de la Kriegsmarine, dont les sous marins, sortant de leurs alvéoles bétonnées allaient en meute tenter d'arrêter le flot continu des convois alliés. La base recevra, en cette année, trois sous marins de croisière nippons venus surtout affirmer l'appartenance du Japon à l'Axe Berlin-Rome-Tokyo.
Ils vinrent une fois à deux, amenant même une musique derrière laquelle les équipages défilèrent à Lorient. Là se termina leur périple : La R.A.F. les attendait dans les couraux de Groix... Çà allait vraiment mal pour les forces de l'Axe par le monde. Depuis deux jours, les derniers survivants japonais de l'île de Guadalcanal s'étaient rendus ; en Birmanie, les fameux "Chindits" opéraient en arrière des lignes des "Japs" ; en A.F.N., la VIIIe Armée Britannique, - qui comprenait des unités de la France Libre- entrait en Tunisie ; d'Orel à la Mer d'Azov, la Wehrmacht pliait sous les assauts de l'Armée Rouge ; en France, la Résistance armée devenait un réel danger pour l'occupant. Sur Lorient, la Flak s'était déchaînée, se montrant efficace contre les puissantes escadres aériennes.
Ses bombes à peine lâchées de 3.000 mètres, le Lancaster du Flying Officer (Lieutenant) Gordon Carter fut gravement atteint. Tout de suite, le feu se déclara. Le pilote vira vers le Nord, tandis que l'équipage tentait, en vain, de maîtriser le feu. Il fallut se décider à l'abandon avant le crash inévitable. Au-dessus de la région de Carhaix, un à un, les aviateurs se lancèrent en parachute.
Les corolles s'épanouirent successivement, sauf le "pépin" du mitrailleur de queue, le Flying Officer Bill Freeman, qui se prit dans l'empennage, entraînant le malheureux dans la mort. Le clair de lune permettait de repérer nettement le canal de Nantes à Brest, que prolongeaient les reflets de l'Aulne, entre les routes convergeant de Châteaulin et de Spézet vers Carhaix, la patrie de La Tour d'Auvergne, '"Premier Grenadier de la République" dont les Allemands avaient enlevé la statue à Quimper, pour la fondre pour leur effort de guerre. Les mains sur les suspentes, "Feet and knees together", (pieds et genoux serrés) comme le rappelle un chant de parachutistes, Gordon Carter scrutait le sol, cherchant l'endroit où chuter sans trop de mal. Le paysage lui apparaissait nettement.
Il ne semblait pas y avoir d'Allemands et il arrivait sur un champ labouré. Peu avant de se poser, il vit un homme courir vers lui en l'appelant. Tombant presque dans ses bras, Gordon l'entendit le saluer d'une étonnante formule de politesse : - Tu es mon frère ! Anglais engagé dans la Royal Canadian Air Force après avoir longtemps vécu en France et s'exprimant admirablement en notre langue, Carter n'eut aucune difficulté à se faire reconnaître par son hôte improvisé, courant garenne de nuit, et s'appelant Lapous. (Lapin, en Breton).
Le Breton accompagna le Britannique jusqu'à la ferme voisine de Kerlescoat, appartenant à ses parents : On lui donna des vêtements civils et on le restaura. Pendant ce temps, les autres rescapés de l'équipage touchaient terre à leur tour. Napoléon Barry le fit dans un champ voisin de celui de Carter. Canadien francophone naturellement surnommé "Nap", il retrouva Gordon à la ferme de la famille Lapous.
Les quatre autres furent recueillis par un Résistant de Carhaix, Géo Jouanjean, qui s'était évadé de Poméranie. Ils furent ensuite acheminés vers Paris, par une filière d'évasion. Au cours du breefing en Grande Bretagne, les aviateurs recevaient des informations sur ces filières, mais sans, bien sûr, en recevoir les coordonnées. Ils eurent hâte d'entrer en contact avec un de ces organismes. Le fait que Gordon et "Nap" parlaient le français facilita peut être les choses et ils entendirent parler que "quelque chose" qui existerait du côté de Pontivy, vers l'Est par le Faouët et Gourin.
Les deux aviateurs passèrent la nuit du 14 à Pont Rouge, en Priziac, chez un habitant qui les conduisit ensuite à Guéméné sur Scorf. Le 15 Février, en arrivant en ville, rassuré par l'accueil et les sentiments des Bretons, Carter osa dévoiler son identité au chauffeur d'un car en partance pour Pontivy. L'autobus était déjà archi-bondé, mais le conducteur, sans se faire prier, trouva le moyen de les caser: ces "cousins" dont la "nationalité canadienne" fut vite connue de tous.
Ils débarquèrent avec les autres voyageurs dans l'ancienne Napoléonville. L'un d'eux leur avait conseillé de se rendre au Grand Café, que tenait Pierre Valy. Carter eut la chance d'y rencontrer un agent local du B.O.A. qui s'y trouvait occasionnellement. Ce membre de l'Overseas avait la charge de la réception des parachutages d'armes pour le Maquis Breton qui commençait à s'organiser. L'homme du Service de Sa Majesté, dont le Grand Café était un point de chute, dit s'appeler Guy Dubreuil. (en fait : Lenfant, dont les exploits sont connus dans la Résistance).
Il apprit aux deux aviateurs que leurs autres camarades venaient d'être pris en charge par une organisation et qu'il se proposait de s'occuper d'eux. Il avait des nouvelles du sort du malheureux Lieutenant Freeman, il n'était pas mort sur le coup lors de la chute de l'avion, mais expira très vite dans une grange où il avait été transporté. Il fut enterré par les Allemands au Cimetière de Carhaix, où il est encore. Dubreuil ne passait pas inaperçu, ce qui était sans doute un bon camouflage.
Son domicile était à Saint Méen-le-Grand, mais il était connu à la ronde, se déplaçant beaucoup. Il proposa aux deux aviateurs de rester avec lui, puisqu'ils s'exprimaient bien en français : Ils l'aideraient en attendant l'occasion de retourner au pays
R.A.F... et RAF
Dubreuil avait donné à son chien un nom qui ne laissait pas indifférent. L'animal répondait à "RAF".
Mais plus d'un se retournait en croisant Dubreuil, poussant sa bicyclette, il... s'en prenait à "Hitler" qu'il morigénait parce qu'il "ne restait pas tranquille ! " : Il avait donné ce nom attirant l'attention à un furet familier qu'il avait embrigadé dans la Résistance et qu'il véhiculait sur son vélo. Sous la litière peu engageante de ce putois aux yeux rouges et aux dents menaçantes, Dubreuil avait ménagé une cache où il dissimulait les billets de banque que Londres lui parachutait pour ses activités clandestines nocturnes de réception de parachutages d'armes. Pendant quelques jours, Carter et Barry accompagnèrent Guy Dubreuil dans ses déplacements entre Saint Méen-le-Grand et Ploërmel, à l'Ouest de la Forêt de Painpont où se trouve le Val-sans-Retour où la Fée Morgane faisait enfermer les mauvais garçons : C'était devenu un repaire de "terroristes", comme disait la propagande de Vichy et les "Bréiz Atao" collaborateurs. Parlant parfaitement le français, Carter était rapidement devenu un citoyen de Pontivy. Cette ville est curieuse : Pour moitié médiévale et l'autre tirée au cordeau, datant du temps de sa splendeur liée à l'Empereur Napoléon 1er. Une époque où elle s'appelait, par faveur, Napoléonville; sa richesse était due au canal. Carter se présenta à la Mairie de Ploërmel, avec Barry, disant qu'ils étaient des "sinistrés de Lorient", ce qui, en un sens, était d'ailleurs vrai. La ville était anéantie et ses habitants avaient fui, lorsqu'ils le pouvaient, loin des ruines.
Ils obtinrent sans difficulté l'indispensable Carte d'Identité Nationale (celle de Carter au nom de Georges Charleroi, pour garder ses initiales), et les cartes habituelles faute de quoi on ne pouvait vivre : Ravitaillement, Matières Grasses, Vêtements, Chaussures, Tabac, etc. Dubreuil hébergea Gordon Carter et Napoléon Barry pendant plus d'une semaine. Ils l'accompagnaient dans ses missions nocturnes de ramassage de parachutages d'armes. Un soir qu'ils rentraient à Ploërmel en vélo, avec une valise légère accrochée au guidon et une autre sur le porte-bagages, Guy commanda une pause et l'on mit pied à terre à l'entrée de la ville. Dubreuil savait que c'était, environ, l'heure de la sortie de la séance de "Kino" donnée pour la garnison des troupes d'occupation. Lorsque les soldats sortirent, discutant du film qu'ils avaient vu, les trois Résistants se coulèrent au milieu d'eux, passant inaperçus dans la foule comme l'avait prévu Dubreuil. Puis un troisième aviateur tombé du ciel rejoignit les deux "Canadiens" à Noyal-Carhaix : C'était un Texan, surnommé Petit Pierre" et ne parlant pas un mot de français. Il resta avec les deux camarades jusqu'à leur séjour à Gourin. Dubreuil disposait d'un émetteur-récepteur avec lequel, aux heures de vacation, il était en contact radio avec Londres.
Il opérait à Ploërmel et avait déjà informé la Centrale de la récupération des six aviateurs de l'équipage abattu avec Carter. Lors d'une des liaison radio, les instructions lui furent données pour la "récupération" des trois hommes qu'il avait en charge : Un embarquement devait avoir lieu dans le Nord-Finistère, du côté de Saint Pol de Léon, où un submersible viendrait les chercher. L'endroit choisi qu'indiquait Londres était une petite anse sableuse, d'une cinquantaine de mètres, bordée au fond d'un rideau de saules très repérables par mer. Un rocher caractéristique devait aider à s'orienter. Le plan prévoyait qu'un canot viendrait s'échouer sur le sable. Les trois aviateurs s'y embarqueraient pour rejoindre le sous-marin affleurant à quelques encablures. Dubreuil, qui ne laissait rien au hasard, envoya son agent de liaison Julien, reconnaître les lieux, ce qu'il fit en bicyclette. Les futurs passagers furent informés des conditions de leur départ. Peu avant la date prévue, Dubreuil, Lucien, Gordon, Napoléon et Petit-Pierre se rendirent à Saint Pol de Léon où devait être pris l'ultime contact radio avant l'embarquement. Un message codé, diffusé par la B.B.C. signifierait que l'opération aurait lieu la nuit suivante. Ils l'entendirent bientôt : "La plume de ma tante est rouge".
Le soir suivant, ils prirent la route de Saint Pol de Léon à l'anse où le canot viendrait les embarquer. Le trajet se faisait dans une zone interdite à la circulation nocturne, très surveillée. Soudain, ils se trouvèrent devant trois gendarmes français qui les interpellèrent : Qui étaient-ils ? Où allaient-ils en groupe et de nuit ? Les réponses leur paraissaient assez peu crédibles et la Maréchaussée passa vite aux menaces. Devant la fâcheuse tournure de la rencontre, les clandestins sortirent leurs revolvers et invitèrent les Pandores à faire le décompte des forces en présence : Pour sauver la face, force devant rester à la Loi, les gendarmes dressèrent procès verbal pour "infraction à l'éclairage". Ils arrivèrent sans autre encombre à l'anse et se blottirent contre un rocher, scrutant la mer. Ils attendirent en vain, dans la froide humidité marine. Ils avaient cru voir au ras de l'eau une petite lueur bleue, furtive, mais le canot n'était pas venu sur la plage. Il ne fallait pas rester à cet endroit jusqu'à l'aube : L'affaire était ratée, il faudrait attendre une autre mission de récupération. (En fait, le youyou fut bien au rendez-vous, mais sur une petite plage, voisine, présentant les mêmes caractéristiques que celle-ci). Dubreuil conduisit ses protégés au monastère des Trappistes de Timadeuc.
Le Père Supérieur et le Père Hôtelier, seuls autorisés à parler dans ce lieu voué au silence, à la prière et au travail, étaient, comme la communauté, acquis à la Résistance. (Plus tard, les responsables du couvent furent arrêtés et déportés. Ils moururent dans les camps de concentration). Les aviateurs rencontrèrent de nouveau Jouanjean, membre du réseau Pat O'Leary, qui leur déclara qu'il allait les prendre en charge pour leur rapatriement. Il commença par les emmener chez sa mère, qui habitait à Morlaix. La filière d'évasion passait par Paris et le groupe prit le train. A peine arrivés, ils apprirent qu'une série d'arrestations venait de disloquer le réseau. Il fallait donc revenir en Bretagne et s'y camoufler en attendant une autre occasion. Il fallait bien passer le temps en attendant l'heure du train à Montparnasse, et sans trop rester dans la rue. Gordon, se souvenant du temps où il était Parisien, proposa de s'offrir les Champs Élysées : Quelque chose qui ferait un souvenir mémorable et sans doute moins risqué que d'autres quartiers... Ils décidèrent de voir d'abord deux films : "Les Enfants du Paradis" et "Pontcarral, Colonel d'Empire". (Ils ne savaient pas que Pontcarral était le nom de guerre du Colonel Dejussieu, futur Chef d'E.M. des F.F.I., déporté et organisateur du sabotage des fusées nazies à Dora).
On ne va pas au spectacle aux Champs Élysées sans terminer au restaurant : ils allèrent s'attabler au "Colisée". L'endroit était rempli d'uniformes d'officiers de la Wehrmacht, généralement accompagnés d'élégantes "petites alliées". C'était un haut lieu connu de la collaboration. Sans complexe, Jouanjean confia au garçon qu'il pouvait payer, mais n'avait pas de tickets de rationnement... et qu'ils étaient des aviateurs de la R.A.F. sur la voie du rapatriement. Le "Loufiat" était patriote, ou pour le moins amusé du bon tour joué à ceux que l'on appelait alors "Ces Messieurs", et les quatre hommes déjeunèrent à une bonne table, décontractés.
On reprit le train de Brest pour rejoindre Carhaix. Carter fut hébergé chez le grand père de leur accompagnateur Georges Jouanjean. Le Britannique apprécia l'endroit avec son habituel humour : La maison de la famille Rouillard donnait sur la Place des Martyrs... (Aujourd'hui Place du Général de Gaulle). Il y resta une semaine. Il fut ensuite hébergé à Gourin, chez Madame Cougard, qui était la soeur de Jouanjean. Pour se rendre à Gourin, Géo et Gordon devaient voyager en bicyclette. C'était l'époque où, devant les "désertions" des hommes désignés pour le S.T.O., des rafles étaient faites pour recruter inopinément des "volontaires". Les hommes jeunes repérés risquaient d'être pris. Jouanjean eut l'idée de demander à sa soeur Janine de les accompagner pour qu'ils soient moins suspects. A l'époque, les "bécanes" étaient très sollicitées et l'entretien manquait de moyens. C'est ainsi que Gordon, sur le bord de la route, s'improvisa mécanicien du vélo de Janine, dont la chaîne venait de sauter. Il s'en souvient encore, d'autant que Janine Jouanjean est devenue Janine Carter. (Mariage au retour de sa captivité en Allemagne où son avion fut abattu, l'année suivante, en Février). La situation de Gordon à Gourin était aussi humoristique qu'à Carhaix : Son voisin d'en face était le Commandant de la Kommandantur locale, un Autrichien comme d'ailleurs l'ensemble de la garnison. Chaque matin, en ouvrant les volets, les deux voisins-ennemis se saluaient poliment. Lorsqu'il allait au cinéma, Gordon prenait le siège voisin de l'officier allemand. Pendant ce temps, son hôte recherchait une filière pour faire rapatrier ses aviateurs.
La filière de Douarnenez
Un jour Cougard dit à Carter qu'il avait une "combine" peu ordinaire pour rentrer en Grande Bretagne : Une vedette allemande de la Kriegsmarine ! Elle était basée à Douarnenez où elle venait d'être réparée. Elle devait faire maintenant des essais à la mer, avec à son bord des ingénieurs français spécialistes. L'idée était de camoufler Gordon en "ingénieur français", pour qu'il soit du nombre des "pirates" qui projetaient de s'emparer de la vedette allemande. Ce "coup fumant" paraissait vraiment extraordinaire à Carter. Cela lui fit passer une nuit blanche, tant l'intrépidité frôlait l'invraisemblable. Comment les Allemands pourraient-ils se laisser berner ? Après avoir hésité, il monta cependant dans la voiture de Cougard pour être au rendez-vous fixé devant la gare de Tréboul qu'un pont métallique sépare de Douarnenez. Le contact devait être pris avec un homme qui devait répondre affirmativement à la question "êtes-vous Napoléon". Pour une raison qui était peut être leur voiture (ce n'était pas celle annoncée), le contact ne se fit pas dans un premier temps.
Lorsqu'on rencontra enfin Claude Hernandez, l'homme dit que, en fait, l'évasion ne se ferait pas spectaculairement à bord d'une vedette allemande, mais sur un chalutier, comme c'était tout de même plus normal. C'est ainsi que Gordon Carter fut, inopinément, du voyage fameux du "Dalc'h Mad", (Tiens Bon), qui marqua les annales locales. "Nap" et "Petit-Pierre" n'avaient pu être prévenus à temps et manquèrent l'occasion. Un des héros de cette affaire fut Xavier Trellu. (Il fut mon "Prof" de Lettres au Lycée La Tour d'Auvergne à Quimper). Bien engagé dans la Résistance, il cultivait l'esprit de résistance de ses potaches par le choix des textes et sujets de rédaction proposés, ce qui lui valut des ennuis avec "Ces Messieurs". Il avait un frère qui, lors de la Grande Guerre, était dans l'escadrille de Guynemer et de l'héritier des pâtes Bozon Verduraz, à l'époque où la pétillante Gaby Morlaix fréquentait le bar de l'Escadrille des "Cigognes". En ce début de 1943, il devenait très urgent que "Xavier" disparaisse.
Tiens bon Lili !...
Mon ami et condisciple René Pichavant a raconté, dans sa saga, l'odyssée du "Dalc'h Mad". Lui et Trellu m'ont donné quelques détails, mais c'est à Louis Marec, Lili, que je dois les précisions essentielles, - jamais données -, lui qui fut le "Maître après Dieu" à bord. Retiré au Jucq, là où il y a un diable qui fascine les enfants, Louis Marec est un personnage captivant aux aventures multiples dans la résistance à l'occupant. Il avait été incorporé au 2e Dépôt de la Flotte, à Brest, le 11 Avril 1940, au titre d'Inscrit Maritime. Il préparait alors l'examen du Long Cours de la "Marchande". Deux mois plus tard, dans la dernière vague d'appareillages à l'arrivée des Panzern atteignant Brest, il quittait le port à bord du pétrolier "Rhône" de la "Royale": On était le 18 Juin 1940 et de Gaulle lançait son Appel à la B.B.C., à Londres. Arrivé à Casablanca le 24 Juin, il entra immédiatement dans un réseau de "dissidents". (Gaullistes). Dénoncé, et interné au camp de Madiouna le 11 Juillet, il s'en évadait le 4 Août. Après divers embarquements, il navigua sur le transport militaire "Golo", jusqu'au 1er Décembre 1941, continuant à renseigner la France Libre et l'Intelligence Service. A Oran, en provoquant une fausse manoeuvre, il avait pu constater que le "Thé d'Indochine" était en réalité du crêpe de caoutchouc destiné à l'Axe.
Lorsque le convoi fut attaqué par un sous marin britannique veillant au respect du blocus sélectif des transports vers la France, le pétrolier "Tarn" se fit connaître en donnant l'indicatif du "Golo" qu'il croyait être un "navire autorisé", alors qu'il avait été signalé comme "contrebandier". Touché dans ses oeuvres vives, il dut rentrer à Alger pour réparation, tandis que le "Golo" poursuivait sa route vers Marseille : Le 8 décembre, les Italiens s'emparaient de tout le chargement de caoutchouc acheminé par l'Amiral Decoux Gouverneur Général de l'Indochine. Le Quartier Maître Marec, qui étonnait ses officiers par sa connaissance des cartes et du point, fut démobilisé le 11 octobre 1942.
Il entra immédiatement dans un réseau qui l'envoya, avec d'autres, en mission à Toulon. Il s'y trouvait au moment où la Wehrmacht encerclait la ville qui se trouvait être l'unique "zone libre" de l'État Français de Vichy... Sur le quai de la gare, alors qu'il était en civil, il fut interpellé par les "Gendarmes-à-Darlan", à baudrier et liséré de casquette blancs, qui le firent remonter sans ménagement dans le train. On le renvoya en mission à Toulon, cette fois dans l'arsenal assiégé : Une situation ubuesque dont Vichy avait le secret. Sur le quai de la gare, il fut interpellé par une de ses anciens officiers, un "pétainiste" qui, au large de Gibraltar et venant de Casablanca, l'avait empêché, revolver au poing, de sauter à la mer pour "déserter". Marec dit à cet officier Ouessantais (de L'Ile), servant à l'E.M. de Toulon : - L'Arsenal va être occupé demain. Il faut que vous ameniez votre famille hors d'ici, immédiatement. Ce qui fut fait... l'officier prit sa retraite comme Amiral... Rentré à Marseille, Marec apprit à l'aube l'irruption des Allemands dans l'Arsenal de Toulon.
Il y retourna et entra au 5e Dépôt, au "culot", en profitant de ses vêtements qu'il trouvait "d'une coupe Gestapo". Il se promena le long des quais, photographiant nos navires qui avaient choisi de se saborder au lieu de tenter de rejoindre l'Afrique du Nord. Un seul bateau était encore à flot dans l'Arsenal : Le yacht "Éros", propriété du baron Rothshild, il avait été confisqué au titre de "bien Juif", ce qui le sauva en la circonstance. Il avait été affecté au "Service du Maréchal Chef de l'État". Le Premier Maître J. Tanniou, un parent, rencontré alors qu'il photographiait sur les quais, permit à Marec de sortir sans encombre de l'Arsenal. A la Préfecture Maritime, Lili subtilisa un paquet de Fascicules de Démobilisation, qui portaient déjà tous les cachets des "Autorités d'Occupation": De quoi établir quantité de "faux-vrais papiers d'identité". C'était à l'époque une chose vitale et rare. Rentré ensuite à sa "base", Marec pénétra peu après dans le port de Marseille, dans l'espoir d'embarquer à bord du chalutier "Cap Nord" (Armement Garrec) qu'on disait en partance.
Avec un camarade qui l'accompagnait, il fut arrêté par deux Feldgendarmes. Les Français donnèrent leurs papiers qui ne semblaient pas satisfaire les "Doryphores". Sortant son revolver, Marec abattit un Allemand d'une balle dans le ventre et tira sur l'autre tandis que les deux Français prenaient la fuite. Malheureusement, leurs papiers étaient restés dans les mains du soldat étendu sur le sol. Une enquête fut faite ensuite à Douarnenez. Rentré via La Réole en Cornouaille, il dut sur l'initiative d'un cheminot de Douarnenez, rencontré sur le quai de la gare de Quimper, d'éviter la Gestapo.
L'appel du large
A Tréboul, logeant chez ses parents, Marec chercha une filière pour rallier les Forces Navales Françaises Libres. Son père l'avait très mal reçu, l'imaginant "pour Pétain". Il lui avait dit: - Tu n'as aucun droit de rester ici ! Ta mère peut te nourrir si elle veut, mais n'attends pas de moi ! A quelque temps de là, Marec reçut sa valise expédiée de Toulon. Elle avait été fouillée mais, curieusement, son revolver y était toujours, comme s'il n'avait pas été découvert. Entendant un bruit derrière lui alors qu'il faisait l'inventaire de sa valise, Lili se retourna, revolver au poing vers son père qui entrait : On s'expliqua et le père et le fils retrouvèrent leur bonne entente antérieure.
Un jour, Lili vint trouver son père et lui dit qu'il était possible de gagner de l'argent en pêchant le requin pèlerin. Il fallait d'abord harponner le monstre puis le hisser dans la barque. L'animal était de bon rapport, mais il pesait de 3 à 5 tonnes. Outre sa chair, il avait un foie énorme qui, en ces temps de pénurie, permettait de fabriquer un savon, à l'odeur abominable persistant dans le linge, mais obtenu sans ticket de rationnement. Pour cette pêche, il faudrait réarmer la pinasse sardinière du Père Marec, le "Moise". Un nom comme on les aimait à Douarnenez, jouant sur le double sens : le Moise de l'histoire Sainte était le "Sauvé-des-Eaux"... Une espérance pour un marin. Pour pratiquer cette pêche, il fallait passer près des côtes. Louis Marec en profitait pour prendre des photos des travaux importants de défense côtière entrepris par l'Organisation nazie Todt. Il poursuivit cette activité jusqu'au jour où, du côté de Morgat, une sentinelle allemande remarqua un éclat de soleil sur l'objectif de l'appareil de photo et tira une balle qui se planta au pied du matelot. Lili décida d'arrêter ce "trafic" pour Libé-Nord. A quelque temps de là, sur le quai, Monsieur Salez, Syndic des Gens de Mer à Tréboul, accosta notre homme : - C'est toi Lili Marec ? - Pourquoi ? - On m'a dit que tu voulais partir en Angleterre.
Avec un sourire en coin, Marec répondit - Oui, à pied ! Trouvant la question bien directe de quelqu'un qu'il ne connaissait que de vue. Il apprit par la suite que Salez avait été informé par le Capitaine Talec qui travaillait avec le Syndic dans un réseau d'évasion. Salez demanda à Marec de passer le voir dans la soirée. Entrant au soir chez le Syndic, il y vit un jeune homme qui était un neveu de Guillou. - Qui est ce gars là ? Questionna Lili. Salez répondit que son parent projetait de rallier la France Libre. Il donna ensuite les raisons de son invitation : - Je vous ai demandé de venir parce qu'il y a un bateau au départ pour l'Angleterre. Est-ce que vous voulez en prendre le commandement ? Comme si l'affaire allait de soi, Lili s'enquit : - A qui est le bateau ? - A Colin. Marec connaissait cinq patrons à la pêche répondant à ce nom. Il questionna encore - Combien de passagers ? - Plus d'une quarantaine. Marec en déduisit que le bateau en question devait être plus grand qu'une barque sardinière et qu'il s'agissait sans doute du Malamok de Jos Colin.
Le neveu de Noël Guillou de Libé-Nord ne convenant pas, faute de formation maritime, Marec demanda qu'au moins deux passagers puissent tenir la barre, au cas où il s'en trouverait empêché pendant le voyage. Salez lui dit qu'il y aurait un futur Lieutenant au Long Cours et Xavier Trellu, le célèbre régatier trébouliste qui courut aux Jeux Olympiques de Berlin. (le "Lieutenant au Long Cours" était bien jeune et ignorait totalement la navigation : Il devint un des premiers Commandant de Concorde... et ami de Marec). Au cours des contacts préparatoires, Lili sut très vite que le bateau de leur aventure serait un cotre sardinier, plus petit que celui envisagé, le "Dalc'h Mad", et qu'il y aurait une vingtaine d'hommes à bord.
La pinasse appartenait à Corentin Colin. Victor Salez l'avait contacté le 9 Mars 1943 qui était le jour du Mardi Gras. Le patron accepta de mettre son bateau à disposition. Corentin Colin était connu dans le quartier de Douarnenez. Ce quadragénaire, père de quatre enfants, vice-président de la Coop-Maritime, avait eu son heure de gloire en 1930 : Il avait découvert, bien au large, le fameux très poissonneux "Ravin-de-la-Mort". Payant de sa personne et de ses deniers, grâce aussi à ses fonctions à la Coop, il prépara son bateau pour le grand départ vers l'Angleterre, aux côtes des Cornouailles. Marec dit qu'il était indispensable d'avoir des cartes pour la navigation. Salez répondit que les Allemands les avaient toutes confisquées et qu'il n'en restait qu'à l'Inscription Maritime, à Douarnenez, uniquement pour "consultation". Elles y étaient affichées et portaient des cachets allemands, bien visibles. A l'annonce qu'il y avait un stockage de 500 litres de "carburant" à bord, Marec répliqua qu'il lui en faudrait bien plus pour la route qu'il avait choisie.
D'autre part, cela le dérangeait que les seules cartes consultables soient sous la responsabilité de l'Administrateur Principal A. Quebriac. Ce Chef de la Résistance du Groupe O.R.A. avait la réputation d'être "Pétainiste" parce que ses fonctions le mettaient obligatoirement en rapport avec les autorités maritimes allemandes. Comme il fallait pourtant avoir des cartes, Marec se décida à rendre visite à Quebriac, comptant sur un sien parent travaillant à l'Inscription avec l'Administrateur : Contacté par Gloaguen, Quebriac accepta de recevoir Marec. Celui-ci, racontant une histoire de Diplôme de Patron Pêcheur que sa mère aurait laissé détériorer, demanda s'il pouvait obtenir un duplicata. En fait, son but était d'entrer dans les lieux pour en repérer la disposition et prendre une empreinte de la serrure, dans l'intention d'y revenir de nuit s'emparer d'une précieuse carte. Il avait une poignée de mastic avec lequel il prit l'empreinte précieuse. Québriac lui dit de passer sous deux jours retirer son duplicata de diplôme.
Marec alla voir un serrurier pour se faire confectionner une clé : Il prétendit que le moulage était celui du double de la clé de sa maison qu'il avait confiée à sa mère. Muni de la clé qu'il venait d'obtenir, Lili Marec se rendit de nuit à l'Inscription Maritime pour s'emparer de la carte convoitée, sans état d'âme envers le "Pétainiste" qui devrait ensuite s'expliquer avec les Allemands. Il introduisit la clé mais ne put ouvrir la porte. Dépité il rentra à la maison. Le lendemain, il se rendit à l'Inscription Maritime y retirer son "duplicata". Québriac lui tendit le document, lui demandant l'oeil malin pour quelle raison il avait voulu pénétrer, de nuit, dans son bureau : à 2 heures du matin ? Se voyant confondu, Marec sortit son revolver, prêt à éliminer un risque de dénonciation.
Le "Pétainiste" cria: - Mais je suis votre Chef ! Pointant toujours son arme, Lili répliqua: - Quoi, un Pétainiste, mon Chef ? Où vous avez vu çà ? Quebriac finit par faire entendre qu'il était dans la Résistance et que c'était pour cela qu'il savait, par le Syndic de Tréboul, que Marec allait venir le voir pour des cartes. Il se proposait d'ailleurs, ajouta-t-il, de "dire un mot à Salez". Il expliqua qu'il ne pouvait pas donner de carte parce qu'elles étaient contrôlées, mais que Marec aurait ce qu'il fallait pour prendre la mer. Sur instruction de l'Administrateur Principal A. Québriac, l'Officier d'Administration Ch. Gloaguen établit une carte de l'entrée de la Manche, avec les courants d'après le Recueil des Courants de Marée du Service Hydrographique de la Marine. Restait le problème ardu de l'essence pour les 35 Chevaux de la pinasse que Corentin Colin lui avait montrée lors de l'entretien chez Salez, au-dessus de la Poste de Tréboul, ce jour où quelqu'un avait révélé qu'il y avait eu une indiscrétion, par maladresse.
Colin fit le premier plein, brouettant lui-même des fûts de 50 litres jusqu'à la pinasse jaune de 13 mètres, immatriculée DZ 3048, ancrée au fond du port de Tréboul. Il l'a gréa avec une voile Marconi, estimant qu'une "pointue" serait plus adaptée à une navigation, en hiver, avec de drôles de marins. Il avait également constitué une petite réserve de secours : outillage, bougies, magnéto et de l'huile pour moteur qui se révéla fort utile. Comme il fallait bien plus d'essence, Marec entreprit de "visiter" les bateaux du port, particulièrement ceux réquisitionnés par les Allemands. Tel était le cas du "Intron Varia ar Vesh Vad" (Madame Marie du Bon Voyage), sur lequel il dénombra 10 fûts de 50 litres d'essence... ainsi qu'un onzième, marqué d'une croix bleue, contenant de l'eau... un piège ? Revenu à bord du "Dalc'h Mad", sur l'annexe du "Moise" de son père, Marec demanda cinq volontaires pour aller "emprunter" les dix fûts d'essence sur ce bateau d'un parent de Xavier Trellu qu'avaient réquisitionné les Allemands. Ce sont G. Carter, R. Boulic, J. Kérouédan, P. Sergent et A. Kervarec avec Lili Marec, qui travaillèrent au nez des Fritz.
Au grès des flots
Lorsque Lili annonça à son père qu'il partait pour l'Angleterre, celui-ci lui rétorqua: "Il y a longtemps que tu aurais dû". Puis ils discutèrent de la route la plus sûre. Contrairement à son père, Lili estimait qu'il ne fallait pas "y aller" par la route directe, qui serait celle la plus surveillée en cas de découverte de l'évasion. Il fallait faire route à l'Ouest, où la Kriegsmarine ne rechercherait pas la pinasse. Son idée était de passer le Raz de Sein, d'aller à 30 miles au large du phare d'Armen, puis, de là, "piquer plein Nord". Marec estimait que ceux qui pourraient être amenés à prendre la barre à sa suite seraient capables de tenir un Cap-au-Nord qui les mènerait droit à la pointe des Cornouailles Anglaises.
Salez avait suggéré de partir de nuit "pour ne pas être remarqués". Marec déclara que c'était lui le Patron et donc à lui d'en décider. Pour lui, le meilleur moyen de ne pas être repéré était de partir de jour "à l'heure de tout le monde". On appareillerait le matin du 7 Avril 1943, en profitant du flot, de façon à se présenter au Raz de Sein à l'étale de la Pleine Mer. La pinasse franchirait ainsi le Raz redoutable au commencement de la marée descendante, dans le bon sens et avec un Norois soufflant fortement, venant par l'arrière. Le père Marec et Salez en convinrent. Lili eut un dernier entretien avec Noël Guillou (Libé-Nord) qui lui confia une enveloppe, à remettre à l'Intelligence Service à son arrivée en Angleterre.
Les candidats au voyage avaient été rassemblés, venant de divers refuges, dans une maison de la rue Jean Bart. Après une ultime entrevue avec Salez, au-dessus de la Poste de Tréboul, Marec vint les rejoindre. Il était vêtu en marin pêcheur et dit simplement : - On y va! Par petits groupes de deux ou trois, passant sur le pont métallique qui surplombe le Port Rhu, on se rendit chez Victor Salez où furent données les dernières consignes. Le fils Salez était du voyage. Outre le Flying Officer Gordon Carter, il y avait deux militaires Français : un aviateur et un marin de l'État, n'ayant aucune connaissance maritime. Avant 23 heures, sur ordre de Marec, les 18 hommes s'embarquèrent, se tassant à l'avant du "Dalc'h Mad".
Lili avait ordonné le plus grand silence car, dans la nuit, à bord d'un bateau au sec qui forme cage de résonance, les bruits sont propagés au loin. Le quai était très proche, où passaient les patrouilles allemandes. A l'heure du couvre feu, il n'y avait plus que Marec dehors, attendant la marée pour la dernière corvée. Dans un élan, disant qu'il servirait à se faire reconnaître à l'approche des côtes anglaises, Salez avait offert un pavillon national de l'Inscription Maritime : celui de Tréboul, son poste. L'Abbé Cariou, qui avait accompagné les voyageurs pour bénir leur aventure, avait suggéré un message à faire diffuser par la B.B.C. pour annoncer leur réussite : "Sainte Anne a bien fait les choses".
La fatigue eut vite terrassé les hommes entassés dans le bateau, transis par la froide humidité marine de la nuit. L'aube trouva la pinasse à flot et Marec monta à bord, ainsi que font tous les Patrons pêcheurs. Avec son père, Joseph, il avait combiné le scénario de l'appareillage au jour levé. Le signal serait la pétarade du Baudouin du bateau paternel, le "Moise". (qui rejoindra plus tard l'Angleterre: Joseph et deux de ses fils). Un tel moteur étant le seul dans le port, son bruit était caractéristique. Le "Dalc'h Mad" devait se présenter à la sortie derrière le "Moise", auquel il revenait de tester, au bout du quai, la vigilance et l'humeur des gabelous de la GAST. (curieusement, en Breton, le mot "gast" signifie putain).
Malgré la routine de l'inspection, on était toujours à la merci d'un excès de zèle ou d'un mouvement d'humeur. Lili avait décidé de sortir du port de Tréboul, non directement entre son môle et l'Ile Tristan, mais en faisant un détour par-devant Douarnenez, tout proche, de façon à se mêler aux pinasses de ce port, plus nombreuses. Le "Moise" passa le premier, marquant à peine l'arrêt. On vit le père Marec échanger un vague signe avec les deux sentinelles, qui indiquèrent d'un geste large qu'il pouvait continuer. Le "Dalc'h Mad" se présenta à la suite, Louis Marec à la barre, Pierrot et René, sur le pont, s'affairant comme des matelots. Les seize autres, le coeur palpitant, étaient entassés dans la cale de l'avant et dans la chambre du moteur, même Xavier Trellu qui s'emplissait les yeux du spectacle, au ras du bordé. Il lui avait été confié une mission : Veillant à l'ouverture de 1'écoutille, il devait, à l'aide de la manivelle, assommer la sentinelle qui aurait l'idée de vouloir vérifier. Ensuite ce serait A-Dieu-vat !
La pinasse tâcherait d'aller s'échouer sur la vase au fond du petit port de Pouldavit... Le temps était relativement beau, avec un vent frais qui soufflait du Norois, tandis que le "Dalc'h Mad" s'approchait du quai où s'élevait la guérite de la Gast. Il y eut un moment d'émotion lorsque la sentinelle cria "Komme hier! " En s'accompagnant du geste. Lili fit signe qu'il obtempérait, mais, comme il connaissait l'existence d'un gros bloc de béton affleurant près du quai, il manoeuvra pour le laisser entre la pinasse et le quai où étaient les Allemands, tandis qu'il faisait signe qu'il était empêché de venir plus près. L'éloignement ne permettait pas à un des hommes de faire une enjambée pour monter à bord. Marec fit un signe d'impuissance en même temps qu'il montrait son "Ausweiss" rouge estampillé de la Svatika. Il cria qu'il allait au port de Douarnenez "faire de la benzine", précisant "comme d'habitude". Le tout accompagné d'une mimique. A ce moment se passa un sketch imaginé mais dont Lili n'avait pas été informé, qui attira, comme prévu, l'attention des deux "Posten" qui, faisant signe à Marec de poursuivre sa route, allèrent voir des Français peu débrouillards. Il y avait là un garage privé, propriété du fils du poète Jean Richepin qui avait acquis l'Ile Tristan (auteur, entre autres, de : "Par le Glaive" et "La Mer").
Les portes ouvertes du garage laissaient voir une voiture sur cales. Autour d'elle deux "loustics" (mot allemand naturalisé breton), Claude Hernandez et Pierre Plouhinec se démenaient sans succès pour la descendre de ses cales. Les voyant s'y prendre si mal en s'invectivant, les deux Posten allèrent d'un pas décidé prêter assistance à leurs voisins. Difficile de coordonner une action lorsqu'on ne parle pas la même langue, surtout lorsqu'on ne dispose pas du matériel adéquat : On cassa un levier en bois et on en tordit un autre en fer. Les deux Allemands constatèrent qu'on n'y arriverait pas sans cric et on se sépara, avec des remerciements entrecoupés de "Ya, Ya" et "Ia Ia" gutturaux. Entre temps, profitant de deux pinasses qui faisaient route comme le "Dalc'h Mad", Marec fit hisser la voile et s'approcha de ces bateaux. Bientôt il se fondit dans ce groupe hors de vue des observateurs. Le moteur aidant, malgré la surcharge clandestine, les barques naviguaient de conserve. D'autres partaient également à la pêche.
Le Norois s'était levé et les vagues "tossaient" contre la coque. Dans la cale on commençait à ressentir le mal de mer. Après l'îlot Le Flimiou le "Dalc'h Mad" se trouva au milieu d'une flottille de pêche que Marec savait autorisée par les Allemands à aller pêcher au large. C'est ainsi que la sortie de la Baie de Douarnenez se fit sans difficulté. Virant vers le Sud, à l'étale du flot, peu avant 13 heures, le "Dalc'h Mad" embouqua le Raz de Sein, bientôt pris par le renversement du courant. Le spectacle d'un bateau entre Sein et la Pointe du Raz est fascinant, comme en témoignent à longueur d'année, les touristes arc-boutés. Tout à la Pointe, la Vierge des Marins au Péril de la Mer, présentait son Fils aux aventureux de la France Libre. Au sémaphore dressé tout près, les vigies allemandes jouissaient du spectacle, n'imaginant pas que la pinasse défilant vers le Sud allait en Angleterre. Au bout du quai de l'Ile de Sein (aujourd'hui "Quai des Français Libres"), deux sentinelles allemandes, bien calées sur les jambes écartées et le Mauser serré sur le flanc, rompaient la monotonie de leur veille en regardant ce spectacle captivant. A un certain moment, le "Dalc'h Mad" fut très près d'une autre barque : - On va en Angleterre. Il y en a qui viennent avec nous ? Il y eut deux volontaires, mais le Patron fit remarquer que leur geste risquait de faire déporter le reste de l'équipage, au retour à Douarnenez.
Passé le Raz, la pinasse mit cap à l'Ouest, toujours dans le voisinage d'autres bateaux de pêche. On devait tenir ce cap sur 30 miles. Au Sud de la Chaussée, la houle forcissait. Les vagues écumantes semblaient accourir de partout. Dans la cale, tous ressentaient le mal de mer, d'autant qu'il fallait couvrir le panneau à cause des paquets de mer incessants. Le phare d'Armen, dressé sur son rocher et balayé par les vagues de l'Océan étant passé depuis une trentaine de miles, J Marec mit le cap au Nord, vers le Cap Lizard en Cornouailles. Il sut par la suite que la route choisie leur évita un désastre : Les Allemands apprirent dans la soirée leur départ et lancèrent les vedettes de la Kriegsmarine à la poursuite du "Dalc'h Mad". Elles patrouillèrent entre Ouessant et Sein qui était la zone où aurait du se trouver la pinasse, si elle avait suivi la route directe.
Dalc'h mad ! Tiens bon !
Dans la nuit du 7 au 8, une forte tempête de Norois se leva avec des vents de 8 à 9 Beaufort. Marec dût mettre à la cape. Le tapecul et le moteur au ralenti maintenaient la barque face au vent, évitant ainsi le chavirement. Les vagues, qui "cassaient", secouaient le bateau et provoquaient des ratées du moteur, à cause du flotteur magnétique à bain d'huile qui se désamorçait sans cesse aux coups de tangage. L'homme chargé du moteur, croyant à une perte d'huile, en remettait souvent., heureusement sans qu'il y en eut de conséquence. Lili s'en aperçut à temps. Dans la matinée du 8, les voiles étaient en lambeaux. En dépit d'une mer démontée, le moteur permit de reprendre doucement la route. A un moment, Marec constata que la pompe d'épuisement pour assécher la cale crachait une eau propre. C'était anormal et signalait sûrement une entrée d'eau. Pourtant, aucun des passagers entassés dans la cale ne s'en inquiétait. Lili envoya Auguste Kervarec y voir de plus près. On était alors, à l'estime, dans les 35 miles au N.O. de Armen, le Phare-du-Bout-du-Monde, et le "Dalc'h Mad" était secoué. On rechercha la voie d'eau qui le rendait peu maniable : Si on ne pouvait colmater, le naufrage était assuré dans cette mer démontée. Encore fallait-il trouver l'entrée d'eau. On sonda en enlevant du vaigrage (doublage) là où l'on voyait une arrivée d'eau. Enfin, à l'endroit où la coque est la plus large, derrière une membrure, on découvrit la voie d'eau provoquée par le décollement du bordée à une jointure. On essaya en vain de colmater. Outre que l'endroit est peu accessible, il était impossible de placer un étai pour coincer un bourrage : Plus la pièce de bois appuyait et plus elle repoussait les jointures de bordée, augmentant l'entrée d'eau. Restait un moyen et Marec cria de mettre en place un "paillet Makaroff". Il expliqua qu'il s'agissait d'une sorte de coussin de fortune, fait à l'aide de bâche ou de voile et muni d'orins aux quatre coins: Depuis l'étrave du bateau, et à l'extérieur, on glisse le "Paillet Makaroff" jusqu'à ce qu'il vienne s'appliquer, tel un pansement, sur la "blessure" par où entre l'eau. La pression extérieure rend l'emplâtre relativement étanche. Les restes de la voilure Marconi firent l'affaire : Dans une mer démontée qui faisait tanguer et rouler le "Dalc'h Mad", et malgré le mal de mer qui verdissait les visages ou les rendait pâles, le "paillet Makaroff" fut mis à poste. L'eau continuait à pénétrer mais la pompe pouvait désormais étaler. Par contre, la protubérance du "pansement externe" ralentissait la vitesse à 2 ou 3 noeuds seulement. La nuit arrivait de nouveau et le temps commençait à "mollir". Le ronronnement du moteur devint régulier et rassurant : A cette vitesse réduite, s'il y avait assez de carburant, on arriverait en Angleterre. Le moral remontait.
Sainte Anne a bien fait
Dans la nuit, on entendit un bruit de moteur d'avion. Marec fit éteindre les cigarettes et mettre en panne, pour éviter d'être repéré et peut-être attaqué. L'avion passa au-dessus de la chaloupe, très bas, presque à toucher le mat, puis disparut. Vers 22 heures, on aperçut des feux : Etaient-ce le Cap Lizard, à la pointe des Cornouailles Britanniques, ou son voisin Land's End ? (Finistère : Pen ar Bed en Breton) Les feux étaient assez nombreux mais faibles : Marec apprit par la suite qu'il s'agissait d'un convoi de cargos sous escorte et qu'il avait été préférable de n'avoir pas été repéré, de nuit.
La bonne humeur revint avec le jour, d'autant que le calme relatif de la mer faisait penser qu'on bénéficiait déjà de la protection de la côte. Lili Marec vérifia son point. Tout allait bien. A l'aube du troisième jour, la mer était belle, semée d'algues flottantes et les mouettes survolaient rapidement : Cela signifiait que l'on n'était pas loin d'une côte dont les fonds avaient été remués par la tempête. Avec le jour, la bonne humeur revint. On avait hissé les couleurs qui flottaient fièrement en haut du mat. Le Patron promit la "double", selon la tradition, au premier à voir la terre. Les avis étaient partagés sur ce qu'on croyait voir à l'horizon, tout autour du bateau... Lili souriait en fixant une ombre au ras de l'eau, qui confirmait l'exactitude de ses calculs. Les mouettes, maintenant plus hardies, commençaient à virevolter au-dessus de la pinasse, s'enhardissant à toucher les "clandestins de l'Iroise" et s'étonnant certainement plus que cet étrange équipage ne jette pas de boyasse fraîche de poisson, que de la Croix de Lorraine peinte au coaltar sur l'étamine blanche du pavillon de l'Inscription Maritime de Tréboul. Lorsque Marec cria "terre !" En pointant la direction de la main, la joie fut intense, provoquant un moment de silence : On avait réussi à "rallier" ! Trois appareils de la "Coastal" vinrent survoler la pinasse, manifestement pour la reconnaître.
On échangea des signes d'amitié. Un bateau de pêche, se détachant d'une flottille, s'approcha de cette curieuse barque sur laquelle flottait un étrange pavillon de grande taille à la marque de de Gaulle. "Ah, ces étonnants Free Frenchies !" L'équipage britannique, flegmatique, ne semblait pourtant pas s'étonner. Au loin on devinait Penzance, pays des cousins Bretons. A la demande de Marec le bateau ami pilota le "Dalc'h Mad" vers une crique, au bas du phare du Cap Lizard. La pinasse y jeta son ancre en eaux calmes, sur fonds de galets. C'était la dernière car celles de proue et de poupe avaient été larguées au départ, dans le port de Tréboul. Les évadés de France avaient touché l'Angleterre 54 heures après avoir largué les amarres en Bretagne. On était le 9 Avril 1943. Il était 7 heures du matin, au pied de la Station de Sauvetage du Cap Lizard. La joie se manifesta d'une étrange façon : Quelqu'un entonna, immédiatement repris en choeur, le chant qu'avaient adopté à la fois les Anglais et les Allemands et plus tard Marlène Dietrich : "Lily Marlene" !... Ici, cependant, il y avait une variante qui semblait réjouir la chorale improvisée : "Lily Marlene" devenait "Lili Marec". Il méritait bien çà. La population se mêla peu à peu à leur joie. Un Boby se présenta et Marec lui remit ses papiers, dont sa carte de la Gast qu'il regrettera de ne plus revoir.
On entonna une victorieuse "Marseillaise", puis on fit honneur au chocolat chaud et aux petits pains apportés par des jeunes filles : Quel régal, après le café aux glands de l'occupation ! Les villageois venaient voir les évadés et s'entretenir avec eux. "Xavier" était à son affaire, tandis que Gordon Carter rêvait déjà d'un futur Lancaster qui ferait pleuvoir ses bombes sur les "Huns". Marec avait pris toutes les dispositions pour la sécurité de la pinasse. Un rôle avait été établi pour le pompage, qui devait être maintenu impérativement car, à l'arrêt, le paillet ne bénéficiait plus autant de la pression de l'eau. Le Patron rassembla les papiers de ses passagers et, accompagné de Gordon, s'embarquèrent à bord du canot de deux pêcheurs de l'endroit pour aller régler les formalités immédiates auprès de trois policemen flegmatiques. Gordon resta avec eux et Lili retourna à bord, suivant les instructions reçues, pour attendre l'arrivée de la Royal Navy. Un peu avant 9 heures, une vedette et un remorqueur, battant pavillon de la Navy, s'approchèrent du "Dalc'h Mad". Ils prétendaient prendre la pinasse en remorque, mais Marec fit remarquer que la vieille barque ne supporterait pas un remorquage dans les conditions du moment car son étrave s'arracherait à la traction. On trouva la solution convenant à ces "Frenchies" : Un Petty Officer monta à bord à côté de Marec et prit la barre pour une courte navigation d'une demi-heure vers Newlyn. L'amarre du "Dalc'h Mad" y fut "tournée", après 170 miles de navigation. Patron et passagers furent interrogés par l'Intelligence Service. A un moment, Marec eut la surprise de voir entrer deux Douarnenistes de sa connaissance, qui avaient "rallié" dès 1940.
En Breton, ils demandèrent à Lili ce qu'il faisait là avec son équipe : Un Officier Britannique présent mais muet jusque là, ajouta ce commentaire à la réponse de Marec à ses "Pays" : - Le Général de Gaulle va être heureux d'avoir 18 nouveaux Français Libres avec lui. Comment comprendre cet humour ? Ce fut ensuite le train pour Londres où l'interrogatoire recommença à Patriotic School, suivi de l'établissement de papiers militaires et d'affection dans les unités des Forces Françaises Libres. Ce fut enfin la réception par leur Chef, celui qu'ils avaient rallié pour la Libération, le Général de Gaulle. Comme l'avait dit l'Officier Britannique, le Général fut heureux de saluer ces évadés venus de Bretagne pour continuer le combat contre l'occupant nazi. Des messages furent lancés sur les ondes de la B.B.C. : "Sainte Anne a bien fait les choses", rassura les familles des dissidents et Marec en ajouta un de son cru, improvisé, au code subtil. Comme il était né le jour de Pâques, il avait été déclaré en Mairie le lendemain.
Son message, que comprit immédiatement sa famille à Tréboul, disait énigmatiquement : "Lili, né le 3 et non le 4, embrasse toute la famille, ainsi que Tante Jo". Cette "Tante Jo" était, en fait, sa future épouse. Louis Marec avait 23 ans depuis moins d'une semaine. Le 12 Avril 1943 à Patriotic School, il rédigea son Rapport de Mer en terminant par l'énumération des hommes qui firent le voyage fameux du "Dalc'h Mad". Décidément, que de "signes", comme aiment à les noter les Bretons : Lili était né le Jour de Pâques, celui de la Résurrection ; il avait navigué sous le patronage de Sainte Anne si chère aux Bretons ; la pinasse s'appelait "Dalc'h Mad", un nom (Tiens Bon) qui rappelle la devise de Bretagne telle qu'on la voit gravée dans le granite du Monument des F.F.L. à l'Ile de Sein ou celui des Français Libres de Bretagne, à la Pointe de Trèiz Hir, en Crozon ; telle qu'on la proclame dans le cantique traditionnel Breton "Da Feiz hon Tadou kouz" (la Foi de nos Aïeux) ; souvent aussi gravée aux frontons de nos lits-clos. Gordon Carter n'oubliera pas, le danger passé, celle qui veilla sur "ses Bretons", comme dit le Cantique à Sainte Anne : Chacun de ses quatre enfants, qu'il eut de Janine, devenue sa femme, a reçu "Anne" en deuxième prénom. Établi dans les Côtes du Nord avec celle qui l'accompagnait dans ses randonnées clandestines pédestres, il ne s'est pas étonné d'apprendre que sa paroisse d'élection était dédiée à Ste Anne (Ploubazlanec). A peine débarqué en Angleterre, Louis Marec entra au B.C.R.A., le service Renseignement et Action de la France Libre, au sein duquel il poursuivit sa guerre aventureuse contre l'occupant.
Entre temps, son père l'avait rejoint, accompagné de deux frères, à bord du "Moise" qui avait facilité leur départ de Tréboul devant la Gast. Eux aussi avaient bien fait les choses : Comme convenu, Madame Marec mère fit dire un "service" par Monsieur le Recteur pour le repos des âmes du mari et de ses deux fils "péris en mer". Même la Gestapo venue enquêter s'y laissa prendre. Madame Marec... également : Comme un officier Allemand lui déclarait savoir que son mari et ses fils étaient sains et saufs en Angleterre, elle l'étreignit dans un élan en le remerciant à la sortie de l'église. Cela acheva de persuader "Ces Messieurs" de la sincérité de la brave épouse et mère de pêcheurs et lui évita de sérieux ennuis : Elle en fut quitte d'être astreinte à respecter un couvre feu spécial. D'autres bateaux les avaient précédés,- dont la flottille de l'Ile de Sein dès l'Appel du 18 Juin 40 -, et d'autres suivirent, de Douarnenez comme des autres ports de Bretagne. Salez devenait suspect aux Allemands : Voilà un Syndic des Gens de Mer qui paraissait bien ignorant des mouvements de son Quartier. Il décida qu'il était maintenant temps de partir à son tour. Le 2 Octobre 1943, à bord du "La Pérouse", il se présentait au contrôle de la Gast en s'écriant : - On part pour l'Angleterre, il y a encore deux places à bord si vous voulez.
Les Posten rirent de bon coeur à cette bonne blague et firent signe de poursuivre la route en souhaitant bonne navigation. Arrivé dans la Baie, le "La Pérouse" fut accosté par de plus petites embarcations : Les candidats à l'engagement dans les Forces Françaises Libres montèrent à bord du bateau de Salez qui mit le cap vers les Cornouailles et toucha terre deux jours plus tard à Penzance. Cette fois la Gestapo se démena. Québriac réussit pourtant à les aiguiller vers une voie sans issue. Cependant on dut se résoudre à reporter les départs. Le calme finit par revenir dans le Quartier de Douarnenez. Au début de 1944, un drame avait consterné le pays : Parti de l'Ile Tudy (entre Bénodet et Pont l'Abbé), le "Jouet des Flots" avait été victime de la tempête dans le Raz de Sein. A cause de fortes avaries il avait dû accoster : Les Allemands capturèrent les évadés de cette opération montée par l'O.R.A.. Parmi les malheureux il y avait le Représentant du Général de Gaulle en France occupée, Pierre Brossolette, qui mourut en héros dans le sinistre antre de la Gestapo à Paris : Il se suicida pour ne pas parler. Les noms ont-ils un pouvoir ? Là où le "Dalc'h Mad", en Breton : tiens bon, et le "Moise" avaient réussi, comme le découvreur "La Pérouse", le "Jouet des Flots" n'avait pu conjurer le mauvais sort. Y a-t-il des noms prédestinés ? Pierre Brossolette avait été le jouet des flots. L'histoire du "Dalc'h Mad" ne serait pas complète s'il n'était fait mention d'une suite où le dérisoire vint d'un certain clerc "post -concilaire qui prétendait avoir compris les enseignements de Vatican II, mais ignorait les sentiments populaires et les manifestations de la foi.
Le Pavillon des Gens de Mer de Tréboul avait été ramené au pays après la guerre. Le Père Marec avait remplacé lui-même l'étamine blanche rongée par le coaltar de la Croix de Lorraine. L'épouse de Lili Marec y avait fait broder, par les Soeurs de la Providence, à Quimper, une belle Croix de Lorraine, ainsi que les noms de ceux du voyage du "Dalc'h Mad". Ce drapeau avait été offert, en ex-voto, à Sainte Anne en sa chapelle de Sainte Anne-la-Palud, au fond de la Baie de Douarnenez. Après le Concile, qu'il avait compris dans les brumes de son esprit, le prêtre en charge estima qu'il s'agissait là d'une manifestation de militarisme dépassé et jeta la relique glorieuse aux ordures.
Heureusement, le bedeau était moins sot que l'abbé. Il ramassa le drapeau et alla le porter à la famille Marec. Il est aujourd'hui exposé au Musée de la Résistance Jean Moulin à Bordeaux où le Maire, Chaban-Delmas, Compagnon de la Libération, lui a réservé une place de choix. Le "Père" de Sainte Anne-la-Palud est tombé dans l'oubli comme de malfaisants confrères et supporters que l'histoire désavoue en 1990... Sainte Anne, elle, la Bonne Mère comme chantent "ses" Bretons, a dû pardonner à cet "innocent" d'iconoclaste. Trellu, qui avait fait faire divers travaux sur le drapeau pour sa présentation, et Marec se rendirent à Bordeaux pour l'offrir officiellement, en Mai 1986.
Dalc'h Mad !
Source des documents suivants : https://www.douarnenez.bzh/le-dalch-mad/
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