SALOU MARIE
Chemin de la Résistance et des Maquis
Mis en ligne sur le site le 17 avril 2020 / mise à jour 8 juillet 2024
Nom du ou des réseaux d'appartenance dans la Résistance :
Front National de la Résistance
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Itineraire d'une Déportee
De Brest a Mauthausen
Marie SALOU
1942-1945
par Jean Nédélec d'après les archives de Marie
Fin novembre, prisons: Château de Brest, Centrale de Rennes
11.12.1942 : jugement à Rennes
13.04.1943 : départ de la centrale de Rennes pour la prison Jacques Cartier
Juillet 1943 : départ pour la prison de Fresnes
Aout 1943 : jugement allemand
23.12.1943 : départ de Fresnes pour I' Allemagne Arrivée à Karlsruhe
8 jours a Francfort sur Ie Main 4 jours a Guenmiz
07.01.1944: arrivée a Walheim
14.02.1944: depart pour Lubeck en passant par Berlin et Hambourg
Mai 1944 : départ pour Cottbus
07.11.1944: départ pour Ravensbruck
07.11.1945: départ de Ravensbruck pour Mathausen
20.03.1945: bombardement d' Amsteten
24.05.1945: libération par la Croix Rouge Internationale 11.06.1945: arrivée à Brest
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Marie Salou, née Cam, a vu Ie jour Ie 30.11.1914 a St Marc. Dès I'âge de 16 ans elle apprend Ie métier de couturière, trois ans d'apprentissage auprès d'ouvrières tres expertes, avant de devenir elle-même ouvrière. Très vite elle va connaître la vie militante, notamment au moment de la guerre civile en Espagne. En 1936, elle faisait partie de l'Association Nationale du soutien de I'enfance malheureuse avec Jeanne Cariou, Alice de Bortoli, Mmes Bernard, Riou et Duchene. Ces femmes avaient pris en charge les réfugies républicains espagnols qui avaient fui la guerre civile de leur pays.
lis étaient hébergés dans des baraquements a Berthaume qui servaient de lieux de vacances pour la commune de Lambezellec dont Ie responsable etait M. Le Berre et son épouse, instituteurs a I'école de Kerraloche. Le Secours Populaire était aussi partie prenante dans cette action. Marie Salou, en juin 1939, va faire un nouveau pas dans sa vie en adhérant au Parti Communiste Français.
Dès 1940 va commencer sa vie de résistante. Tout d'abord avec des distributions de tracts et des journaux clandestins du Parti Communiste. En aout 1941, elle ajoute à ses activites celles d'hébergement de résistants du P.C et du F.N. en mission (il s'agit bien entendu du Front National de la Résistance) Goulven Salou son mari, prisonnier évadé, avait du partir en zone libre en janvier 1941.
En février, restant seule avec sa fille, il lui a fallu travailler cinq mois au Fort de Penfeld où était cantonnée I'organisation Todt qui s'occupait de la construction du Mur de I'Atlantique. Elle réussissait dans cet endroit à lacher quelques tracts rédigés en allemand qui lui étaient fournis par Charles Cadiou. En avril 41, elle héberge Venise Gosnat, responsable national et son épouse, en attendant qu'on leur trouve une planque dont devait se charger Jean Ie Nedellec. En juin 41, Marie a voulu rejoindre Goulven à Dakar. Hélas, elle ne faisait qu'un aller-retour a Paris n'ayant qu'un laisser passer pour la ligne de démarcation. Revenue a Brest, elle se remettait au travail, il fallait bien vivre. Cette fois ce fut au Fort Montbarrey ou étaient détenus prisonniers les républicains espagnols. Avec Jeanne Goasguen qui leur procurait de fausses cartes d'identité, elles réussirent à faire sortir certains qui retournèrent en Espagne combattre Franco. Marie arrête de travailler en février 42, I'argent circulant entre les deux zones. Elle apprend à ce moment que les espagnols ont été envoyés aux lies d'Aurigny-Guernesey ou plusieurs sont morts et la plupart déportes en Allemagne.
Marie Salou va prendre une part active à la préparation et au déroulement de la manifestation des femmes, organisée par Ie P.C.F. mais signée "Union des femmes patriotiques", devant I'annexe de la mairie, rue Danton, Ie 28.01.1952. A I'issue de cette manifestation, elle est interpellée, mais relachee faute de preuves et d'aveu. Au mois d'aout, avec Raymonde Valaine, protégées par un groupe de F.T.P. elles saccagent la vitrine de la L.V.F. (Ligue des volontaires français contre Ie bolchevisme, qui recrute pour la Werhrmacht) Cela se passait rue de Siam, à quelques mètres d'une sentinelle allemande postée a I'entrée de la Préfecture Maritime occupée par la Kriegsmarine. Avant que les allemands du poste de garde avaient été en mesure d'intervenir, les deux patriotes réussissent à se perdre dans la foule sous la sauvegarde des F.T.P. qui eux-memes se replient sans anicroche. Marie Salou possède a son actif de résistante bien d'autres actes de bravoure comme cette prise de parole à la porte de I'Arsenal contre Ie depart des ouvriers pour Ie S.T.O. (service du travail obligatoire pour I' Allemagne) et sa responsabilité comme agent de liaison avec Ie Finistère Sud .....
Le 1er octobre 1942, à la veille de la rentrée scolaire, au retour d'une promenade avec sa fille Andrée, elle est arretée par la police de Vichy. Andreée sera recueillie, pendant la durée de la déportation de Marie, par la soeur de son mari, Goulven.
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Arrestation et Déportation
C'est Ie début pour Marie Salou d'un long calvaire qui va la mener de Brest a Mauthausen, jusqu'a sa libération, Ie 24 avril 1945, par la Croix Rouge Internationale. Le 1 er octobre 1942, des messieurs en chapeaux mous nous attendaient raconte Marie. Apres une fouille en règle, ils n'ont rien trouvé, mais ils m'ont quand même embarquée. Le plus gros des arrestations eut lieu ce jour-là. Toute la police était sur les dents, même les agents de ville. Nous avons été répartis dans les différents commissariats de la ville de Brest, les hommes un moment à la prison de Pontaniou ou j'ai vu les gendarmes, gantés de blanc, les y enfermer. Je n'y suis pas restée parce qu'on n'y gardait pas les femmes.
Par la suite, nous avons été regroupés au Château d'ou les hommes sont partis pour Rennes afin d'être interroges par la SPAC (Section de Protection Anticommuniste) lis en sont revenus bien amochés : Albert Abalain, son bridge cassé, Paul Ie Guen les pieds écrasés etc. .. Conduites également à la Centrale de Rennes avec trois compagnes : Yvette Richard, Angele Le Nedellec et Raymonde Vadaine, nous avons été nous aussi jugées par la SPAC et condamnées à cinq ans de prison. Le 18 avril 1943, nous avons été remises aux allemands et emprisonnées a la prison Jacques Cartier de Rennes où se trouvaient déjà des camarades hommes. Le 23 juillet, c'est le départ pour Fresnes avec une de mes compagnes.
Là, dans une baraque qui servait de tribunal, nous avons été rejugées Ie 28 août et condamnées à mort, ainsi que 19 hommes qui seront fusilles Ie 17 septembre 1943 au Mont Valerien.
Apres six mois passes à Fresnes, j'ai quitté mes compagnes de cellule. Le 23 decembre je partais pour I'Allemagne, Raymonde Valaine m'avait devancée d'un mois. Le lendemain, 24 décembre, j'étais dans la prison de Karlsruhe, après avoir fait Ie voyage avec Capelle, une autre française, arretée pour avoir hébergé un deserteur allemand. II y avait aussi deux allemandes: Anne Roth, arrêtée pour avoir aide son fiancé à déserter (il faisait partie de la DCA de Guilers) II ne voulait pas servir Hitler. II s'est évadé, fut repris et fusillé, Anne condamnée à deux ans de prison. II y avait aussi Alma qui avait volé dans les colis destinés aux soldats partant pour Ie front russe.
Huit jours avant un convoi de françaises, était parti pour Lubeck. Le voyage avait duré trois mois. Je passais la nuit de Noël a Karlsruhe. Anne et Capelle sont allées à la Messe de Minuit et je suis restée avec Alma qui en a profité pour voler les provisions des autres.
lci c'était Ie régime pois chiches bourrés de charançons. Nous sommes restées quatre jours à Karlsruhe qui était la plaque tournante vers les différentes destinations. Nous avons été transferées à Heildelberg ou je retrouvais plusieurs resistantes françaises qui étaient en Allemagne depuis déjà un bout de temps. On les baladait de prison en prison. II y avait Margot qui en état à sa 24ème prison et qui est morte depuis son retour. II y avait aussi Yvonne Muller, vendeuse aux Hailes de Paris et une vieille dame de Bayonne.
Le 1er janvier 1944, j'étais à Francfort-sur-Ie Main. Nous avons atterri dans une énorme pièce qu'ils appelaient Presidium. La vivaient depuis un certain temps quelques femmes russes dont deux étaient malades.
Les autres allaient au travail dans la journée et rentraient Ie soir. Nous avons sejourné huit jours dans cette pièce ou les châlits étaient infectés par les poux, les punaises et les puces. Des que les SS arrivaient, iI fallait se ranger pour que la chambrière dise combien nous étions. Le matin nous avions un ersatz de café dans des gamelles toutes grasses puisque nous les lavions a I'eau froide. L'ersatz de café était accompagné d'une tranche de pain que nous frottions a I'ail.
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A la suite de mille ruses nous avions réussi à ramasser une tête d'ail sur Ie quai de la gare d'Heildelberg. A midi nous avions une soupe de choux rouges, bien grasse elle aussi. Pour la nuit de la Saint-Sylvestre nous avons demandé de coucher sur les bancs et les tables, à cause des parasites. On nous avait répondu affirmativement, mais au milieu de la nuit les SS sont arrivés comme des fous, criant "Schnell in bet" (Vite au lit) en nous envoyant des coups de bottes. Avant de quitter ce fameux Présidium, avec quel soulagement, nous avons assisté à une scène affreuse. Une couverture avant disparu, une russe avait été soupçonnée de I'avoir volée pour s'en faire une jupe.
Un matin arrivent les SS qui appellent la femme, la frappent tant et plus. Pour en finir lui jettent un seau d'eau en pleine figure et lui ordonnent de laver Ie parquet de la pièce qui faisait bien dix metres de long sur six mètres de large. De là, nous avons passé une nuit à Kassel dans la prison qui avait été bombardée. Ensuite, un train nous a conduites à Magdebourg. lci nous avons été séparées et je suis partie seule de mon bordo J'ai passé une nuit dans une baraque à Leipzig avec des hommes de plusieurs nationalites.
Ce fut ensuite Gueimenitz ou j'ai passé trois jours avec quatre allemandes, dont I'une avait été arrêtée, avec toute sa famille, parce que son frère, qui était sur Ie front russe, avait critique I'état major du grand Reich dans son courrier Une russe était venue nous rejoindre. Elle venait soi-disant d'un camp de travail. Elle avait un de ces pochons à I'oeil. Elle portait une grosse veste matelassée, mais rien dessous.
Comme j'avais des vêtements je lui ai passé des tricots et Ie soir, lorsque j'ai exprimé de coucher près d'elle, les allemandes m'en ont dissuadé en me disant que Ie lendemain cette femme serait tuée. Effectivement, elle est partie seule Ie lendemain. Je suis arrivée à Waldheim Ie 7 janvier 1944. Là, comme mes trois compagnes, j'ai été tondue. J'avais de longs cheveux, et pas de poux. La forteresse gardait les cheveux pour en faire de la bure. Lorsque la première est passée à la toise, nous I'avons entendue.
Nous nous demandions ce qu'on lui faisait. Quand nous I'avons vue, Ie crâne complètement rasée, les autres se sont mises à pleurer, et moi de les consoler en leur disant que ça ne faisait rien puisque nous serions bientôt Iibres.
L'une d'elles avait plus de cinquante ans et n'était condamnée qu'à un an. Elle a tout de même passé à la toise. Je suis passée la dernière. lis me demandaient s'iI fallait Ie faire aussi à la 'Frantzose' En me demandant ma peine, j'ai répondu ' A mort'. « Allez, vite aussi » fut la réponse.
J'ai été mise en cellule toute seule, il faisait plusieurs degrés en dessous de zéro. Je pensais rester dans cette prison jusqu'à la fin puisque ma condamnation à mort avait été commuée en réclusion. La discipline était très dure.
C'était une vieille prison, mais propre. N'empèche qu'll n'y avait pas mal de punaises. Toutes les semaines, je devais laver mon parquet à I'eau de lessive. Le linge aussi était changé chaque semaine. La nourriture était mangeable, mais pas suffisante. Nuit et jour, j'entendais les colonnes qui partaient au travail. De temps en temps, on me donnait des peaux de lapins qu'il fallait découper en tout petits morceaux afin de récupérer les poils ou j'enlevais I'arête des plumes de poulets.
Le 13 fevrier, on est venu me chercher pour aller au bureau, puis au grenier, afin de récupérer mes vêtements. Au retour on me change de cellule. La gardienne me prévient de me tenir prête pour 6 heures Ie lendemain.
Je me demande ce qui va se passer. Le lendemain en effet on me conduit au bureau. On me remet un pain et un peu de margarine. Apres maintes discussions, un homme d'un certain âge est arrive, un policier d'une soixantaine d'années. II m'ordonne de Ie suivre. Dehors il fait froid, on gelait, les enfants allaient à I'école en luge.
Apres quelques pas, nous sommes entrés dans un commissariat ou on m'a passé les menottes, et en route pour la gare ou il a fallu attendre Ie train. Avec mon gardien, nous avons voyagé dans les compartiments réservés au personnel des chemins de fer. Je ne comprenais pas grand-chose de ce que me disait mon gardien. II ne parlait qu'allemand, bien qu'il prétendait être natif de Metz.
Les employés qui voyageaient avec nous lui ont demandé qui j'étais, ce que je faisais là. J'avais I'air bien, avec mon crâne rasé et les menottes. Mon gardien leur disait que j'étais française et précisait pourquoi j'étais dans ce train. C'était de grosses et grandes exclamations 'Oh,scheinerie' (cochonne) Les femmes enviaient mes bas, elles demandaient au gardien si j'en avais dans mon balluchon . Elles auraient bien voulu en prendre mais Ie gardien Ie leur refusa. A midi nous étions à Berlin. Pour traverser cette ville, nous avons pris Ie métro, dans Ie compartiment des ballots. Mon gardien s'y est d'ailleurs fait disputer pour y être entre.
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Je regardais partout si je ne distinguais pas de visage connu, quelqu'un qui aurait pu m'aider à me lâcher de mon garde du corps. J'entendais parler français, peut-être des ouvriers de I'arsenal ,requis pour Ie S.T.O., mais hélas ! Nous avons repris un train pour Hambourg, ou après un nouveau changement, nous étions Ie soir même, vers 19 h à Lubeck. Nous avons pris un tramway pour se rapprocher du gasthaus (centre d'hébergement) qui était retiré de la ville et c'est la que mon 'cavalier' m'a laissée.
Je retrouvais à nouveau une cellule glaciale, seule, avec seulement une couverture. Etant arrivée trop tard Ie soir , je n'ai pas eu de pain, mais Ie lendemain on m'a donné ce qui allait avec Ie pain, Ie 'zulag' (repas) qui était un jour une cuillerée de confiture, un morceau de margarine ou un peu de petit sale que j'ai dû manger comme cela.
Heureusement qu'il y avait de I'eau dans la cellule, car je crevais de soif. La soupe se composait surtout de rutabagas et pois cassés. Souvent des asticots surnageaient. Le lendemain après-midi, j'ai entendu les françaises qui allaient à la promenade. Au retour quelqu'un a frappé doucement à ma porte en me disant que des camarades que je connaissais étaient là, et que Ie soir, après la seconde cloche, il me faudrait vider I'eau de ma cuvette de water avec un chiffon et qu'a ce moment quelqu'un me parlerait. Ce que je fis et j'entendis des conversations dans tous les sens.
J'appris ainsi que les françaises et les belges étaient nombreuses et travaillaient en atelier. Moi, dans ma cellule, je découpais des uniformes verts de gris, tout macule de sang et qui sentaient Ie 'macchabée' à plein nez. Malgré cela, la nuit j'avais tellement froid que je m'en servais comme couverture Un jour, a la suite d'une dispute dans une cellule, on me transporta ailleurs afin de mettre à ma place une camarade qui, je crois avait perdu la tête.
Je me retrouvais ainsi, avec trois campagnes qui, dans la journée, allaient aux ateliers et je restais seule. Un jour qu'ils nous avaient prêté un livre Assimil, j'ai appris la phrase" Je voudrais aller à I'atelier" Ce qui fut fait et là je confectionnais des sacs à provision, Ie moins possible évidemment. Les gardiennes, en général, n'étaient pas terribles, à part le chef nommee Jansen, qui était pendue au judas
Le 9 mai, je suis partie en train, pour Cottbus. II faisait un temps splendide. Nous étions au moins 150, dans ce train. Nous avions presque I'impression d'être Iibres. Hélas! Nous avons passe une nuit dans la gare de Stettin qui avait été bombardée.
Arrivées a Cottbus, nous avons retrouvé des camarades du convoi qui nous avait précédées lei, la nourriture était mangeable, mais peu copieuse. Dans la prison, nous travaillions en atelier à la confection de chemises d'hommes. Le pensum était de 7 chemises par jour, nous en faisions 7 par semaine. Nos gardiens étaient fous de rage. lis nous ont transférées à I'atelier de tissage ou avec des brins de jonc ou des feuilles de mars nous devions faire des boules. La encore, il nous était demandé une boule par jour. Nous la faisions dans la semaine, ce qui fait que nous étions privées de nourriture. Lors des promenades, nous devions ramasser des glands sous Ie chêne de la cour, ou les épluchures lorsque nous passions devant les cuisines. Pour finir, nous avons été gardées en cellule et nous n'avions plus droit aux promenades que de temps en temps, parce que nous étions au moins 300 françaises et que ça faisait un tel chahut ces sorties!
Nous étions cinq par cellule de trois Iits. Deux avaient Ie droit de coucher par terre, avec une couverture. C'était des cellules à tinettes, nous avions un unique broc d'eau pour notre toilette. Nous devions nous laver toutes les cinq dans la même eau et après la toilette c'était Ie Iinge. Sur les six mois nous n'avons pas eu de Iinge de rechange. En juin 44, j'ai fait une otite carabinée qui a duré plus d'un mois. Un jour j'ai été conduite au spécialiste, en ville, avec 39° degré de fièvre menottes aux mains. Le docteur avait décidé de me mettre à I'infirmerie, mais comme il n'y avait plus de place je n'y suis pas allée.
Nous avons quitté Cottbus début novembre, avec une gardienne que nous surnommions Villette.
Elle nous donnait souvent des nouvelles et nous souhaita bon courage en nous quittant. Nous allions dans un camp très dur. Des le départ nous en avons eu un aperçu. Nous étions rangées par cinq, sous la garde de la Wehrmacht. Pour ma part, mal rangée, j'ai reçu une bonne paire de claques. Le long du parcours nous avons chanté tout ce que nous avons pu : la Marseillaise, l'internationale, et tous les chants patriotiques de chez nous. Nos gardiens nous disaient: « Chantez, ce soir vous déchanterez. » En effet, dans la nuit, nous avons débarqué en pleine campagne.
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RAVENSBRÜCK
Le 9 mars 1944, nous étions à Ravensbruck.
C'est là que me fut attribué Ie numéro 85225 de ma déportation.
Aussitôt rangées par cinq et en colonnes nous sommes entrées dans ce camp, dont nous apercevions au loin les lumières.
A cette heure tardive, des colonnes de prisonnières partaient au travail. Nous avons fait une pause devant les douches, puis nous y avons été enfermées, entassées.
Dans la nuit il y a eu des bombardements. Avant Ie jour les 'kubels' (récipients) débordaient. Nous étouffions et étions malades avec les odeurs. Aussi, au petit jour, les portes s'étant ouvertes, quel soupir de soulagement. Hélas ! C'était pour voir des choses de plus en plus horribles. Comme ils n'avaient pas Ie temps de s'occuper de nous, ils nous ont plaquées dans une tente immense, d'au moins 400 mètres carrés où se trouvaient plusieurs centaines de hongroises dont plusieurs avaient déjà perdu la tête.
Puis nous avons fait des kilomètres à pied et ensuite sur des wagons découverts. Vers 11 heures, ils se sont décidés à nous donner une soupe. Ensuite de fut une nouvelle pose devant les douches, à I'entrée du camp. Nous étions près du cabanon ou étaient enfermées les folies. De là, nous avions vue sur la morgue ou nous voyions arriver des cadavres entravés, sur des charrettes à bras .. Nous sommes restées là, jusqu'à la nuit, sans que personne, s'occupe de nous, puis ramenées à la tente ou deux femmes se promenaient avec un bâton, pour mettre de 'I'ordre' si besoin était. Nous étions épuisées et il nous fallait dormir à même Ie sol. II y régnait une odeur infecte.
Le lendemain nous avons été reconduites devant les douches, toute la journée, avec seulement une soupe dans Ie ventre. Cette fois, dans la soirée, nous sommes passées à la douche, par groupes. On nous mettait nues afin de nous enlever nos affaires personnelles et on nous donnait de vielles frusques à la place. En plein mois de novembre, je recevais une chemise à fleurs en crêpe de chine artificiel, une jupe de coton bayadère et un manteau avec une croix blanche dans le dos, car c'était une régie pour toutes. Ensuite nous avons été dirigées vers Ie bloc 32 et réparties en colonnes de travail pour Ie lendemain. Le lever avait lieu à quatre heures du matin, souvent par 25° ou 30° degrés au-dessous de zéro, et après avoir bu une espèce de lavasse appelée café, il nous fallait monter sur Ie 'lager strass' (Ia grande rue) pour I'appel qui durait jusqu'au petit jour.
Nous devions nous ranger, la 'blockova' (Ia surveillante) nous comptait et nous devions attendre que les SS viennent contrôler. Pendant ce temps nous essayions de nous réchauffer en tapant du pied. Après cet appel il fallait rejoindre sa colonne en nous cachant Ie visage afin d'apparaitre plus vieilles pour éviter la corvée. Ces fameux wagons arrives, à I'extérieur du camp, nous avions bien 800 mètres de marche a pied pour nous y rendre.
Certains allaient au sable, d'autres au 'betrieb' (atelier de couture) Moi je faisais partie des 'wagons'. Le travail consistait à tirer les produits des rapines qui venaient des pays de l'Est. Nous y trouvions les objets les plus hétéroclites: des équipements militaires, capotes, bidons, chaussures, machines à écrire, machines à tricoter, vêtements, literie, porcelaine, cristaux. II y avait un hangar pour ranger chaque catégorie d'objets. Par exemple, pour la literie, il y en avait sur une longueur de 500 mètres au moins. Parfois nous trouvions, enfoui dans un tapis de table noué aux quatre coins, un tricot commencé. C'était du linge que I'on sentait, entassé à la hâte par quelques réfugiés.
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Je me rappelle, un jour nous avons trouvé des gamelles militaires, presque toutes neuves. Je m'étais promis d'en prendre une, à la place de ma vieille. J'attendais la soupe, quant tout à coup je sens qu'on me I'arrache des mains et aussitôt je reçois un violent coup sur la tête. L'instant d'après, je me tourne vers une camarade qui portait des lunettes, qui lui étaient indispensables. Je m'inquiete de savoir s'il lui était arrivé le même coup. Or, elle aussi avait change sa gamelle et le SS qu'on appelait 'Ie fou' lui avait assené un coup également et cassé ses lunettes. Le soir, tard, nous rentrions au camp ou il fallait passer à la fouille.
Souvent nous ne pouvions pas nous défaire tellement nous avions les mains engourdies par le froid. Après la fouille, nous avions quelquefois une tranche de pain et un rond de saucisson, en rentrant au block une soupe et un nouveau morceau de pain. Notre réconfort, c'était quand Marie-Claude ou Danielle venaient nous donner des nouvelles. Avant de se coucher, il fallait faire la grande toilette, à I'eau glacée, car le matin c'était impossible. II ne fallait pas se laisser gagner par la vermine.
Vers février 45, les russes approchant, nos gardiens étaient sur les dents. II y avait de I'énervement dans I'air. Pendant plusieurs jours, ils nous ont fait passer sur le 'lager strass' des journées entières, avec notre balluchon, prêtes a partir. Nous étions un peu inquiètes. Le soir on rentrait au block. Un jour, dans I'après-midi, nous en avions marre et nous sommes rentrées au block par les fenêtres. Mal nous en a pris. Aussitôt entrées, la 'stoupova' nous en faisait sortir, avec son bâton et dehors le SS que l'on appelait 'le marchand de vaches' parce que c'était lui qui préparait les colonnes de transport, nous attendait pour nous taper dessus à coups de planches et nous faisait remonter à la pose. Un après-midi, nous passions devant le block quand nous vîmes un SS s'en prendre à une grand-mère bretonne, la tabasser tant et plus. Notre camarade lui tenait tête en lui disant : « Vous en faites pas, bientôt ce sera votre tour»
MATHAUSEN
Début mars, c'est un nouveau départ. Je me réjouissais, bien que nous que nous sachions que ce serait de plus en plus dur. Je disais aux camarades: « Ne vous tracassez pas, c'est un nouveau pas vers la Iiberté.» Malheureusement, combien ne I'ont pas connue cette Iiberté? Apres avoir été parquées dans un block pour la nuit, nous avons rejoint la voie ferrée pour monter dans des wagons à bestiaux, 70 par wagon. Nous avons reçu pour le voyage: un pain, un morceau de margarine et du saucisson.
Ce voyage dura cinq jours et cinq nuits. Aussi, il y avait longtemps que le pain était dans les talons avant I'arrivée. Ce fut un voyage infernal. Nous devions uriner dans nos gamelles, les dysentériques de même. Nous avons été bombardés de nuit. Pour ma part, j'ai réussi a dormir une seule nuit, pendant ces cinq nuits. J'ai cru devenir folle. Aussi, quand j'ai entendu les beuglements annonçant l'arrivée, quel ouf!
Hélas, dans plusieurs wagons, il y avait des morts. Nous apprenions, en arrivant, que nous étions a Mathausen. Le sol était recouvert de neige. Nous avions une bonne marche à faire et Ie tout dans une montée. II a été proposé que les malades montent en camion. Les plus fatiguées se sont armées de courage et ont pris la route. Nous n'avions pas fait 200 mètres que certaines commençaient à tomber. Des que I'une tombait un SS approchait. D'une balle silencieuse, il I'abattait et repartait. Enfin nous avons aperçu sur les collines les lueurs du camp. II était peut-être minuit et nous avons attendu jusqu'à I'après-midi devant les cuisines.
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Heureusement, je ne sais par quel subterfuge, les cuisiniers qui étaient espagnols pour la plupart, avaient réussi a nous donner un peu de café chaud. Nous sommes ensuite passées aux douches, entre une haie de SS et de capots qui nous mettaient un grand K dans Ie dos, de celles qui leur paraissaient mal en point, puis badigeonnaient les endroits pileux d'un produit désinfectant. Je ne vous raconte pas la scène, d'autres I'ont fait avant moi. Nous sommes sorties de la, habillées d'un caleçon long et d'une chemise d'homme. Nous avons été placées en quarantaine, sous la garde de tziganes. Pendant la soupe, elles organisaient une certaine pagaille, ce qui amenait une trentaine de françaises à ne pas en avoir. Quand les vêtements arrivaient de I'étuve, elles les resquillaient si bien qu'il y avait plusieurs camarades qui sont restées en caleçon un certain temps. Des fois, au milieu de la nuit, on nous appelait encore pour la douche.
Dès notre arrivée, ils ont formé un transport pour malades. Gardées dans un block, parquées comme des bêtes, elles y sont restées quelque temps et réexpédiées à Bergen- Belsen.
Sur 300 3 seulement sont rentrées en France. Dans Ie block où nous étions, les premières ont réussi a avoir un lit, les dernières, couchant à même Ie sol. Pour ma part, j'étais entre deux camarades, têtes bêche. Le 19 mars, nous avons été appelées pour former soi-disant un commando des champs. Bien que plutôt méfiantes, nous envisagions la possibilité de pouvoir manger des légumes.
Le lendemain 20 mars, nous avons été réveillées à quatre heures du matin, et au sortir du block installées sur un 'lager strass'. Quelle ne fut pas notre surprise de nous voir encadrées par des civils, les fusils braqués sur nous. On se demandait si c'était des prisonniers. II y en avait un tous les deux mètres, des vieux et des jeunes, nous avons su que c'était la 'volkstum'. Nous sommes descendues, cinq par cinq, à pied, jusqu'à la gare de Mauthausen. II y avait aussi une colonne d'hommes.
Nous étions environ 200 femmes et 80 hommes. Puis nous avons pris Ie train, debout tout Ie long. Celles qui savaient I'allemand essayaient de deviner ou nous allions, mais motus. Nous avons traversé Ie Danube, et des kilomètres après nous nous disions que I'on ne retournerait sans doute pas au camp.
Mais à la gare d' Amsteten, nous sommes descendues et la nous ont remises une pelle et une pioche à chacune d'entre nous. II s'agissait de déblayer les voies de chemin de fer bombardées la veille et recouvertes de glaise. Moins d'une heure après avoir commencé à déblayer, c'était une alerte. Le bombardement a duré quatre heures. Nous avons du nous réfugier dans un bois. Les bombes tombaient sur la gare et hélas! Les deux dernières étaient pour nous.
Le petit bois a été complètement retourné. Nous entendions crier les camarades "Adieu, adieu". Quand nous avons pu relever la tête, c'était un triste spectacle. Certaines étaient en charpie à la cime des arbres, dont une Olga, rescapée d' Auschwitch. Yvonne, de Bordeaux, avait Ie bassin fracture. La petite Rosette (Therese Rigaut) et moi nous nous sommes dépêchées de gratter la terre avec nos mains pour déterrer les compagnes qui étaient ensevelies, dont une petite roumaine, Berthe, ancienne elle aussi d' Auschwitch.
Elle avait des côtes fracturées et elle s'en est tirée. II y avait aussi deux sœurs belges qui étaient déjà toutes violacées ainsi que Yvonne Kieffer. Nous avons eu 90 tués. L'alerte terminée, les habitants de I'orée du bois sont venus et ils ont fait boire du schnaps à certaines. Ce jour la, nous sommes rentrées tard au camp, après un voyage très pénible.
Les mortes ou mourantes étaient arrivées avant nous. Nous avons vu descendre les corps au crématoire. Quelques jours après, il y eut un moment d'affolement. C'était appel sur appel, ils ne savaient pas au juste combien il y avait de manquants. Pendant ce temps, au camp, ils ont voulu une colonne pour nous remplacer Ie lendemain, mais ayant su que nous avions été bombardées, elles ont protesté. Elles on été menacées d'être enfermées dans la salle de douches et fusillées. Ce fut une grande panique parce qu'elles ont cru qu'on allait les gazer, mais tout s'est passé sans anicroches.
Quand tout a été remis en ordre, une partie des camarades a été gardée au camp, et le plus grand nombre descendu dans une horrible carrière ou nous nous couchions à même le sol, sauf les blessées du bombardement qui avaient droit à une paillasse. Nous logions dans une grande baraque, entourée d'un ruisseau, à I'orée d'un petit bois, ou nous avions des biches comme voisines.
Dans I'obscurité, à la moindre alerte, lorsqu'il fallait se lever pour aller faire ses besoins, on marchait sur des blessées. Les dernières nuits, on ne pouvait même pas s'allonger. Le matin, avant de commencer Ie travail, il fallait sortir de cette carrière, marcher et rentrer au camp pour défiler, en rang, devant ces messieurs.
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CROIX ROUGE INTERNATIONALE
Nous sommes revenues sur les lieux du travail qui consistait à ramasser des pommes de terre pour les mettre dans des caves. Nous les transportions à deux à I'aide de ' draguers' ( petites caisses a brancard). C'était un travail éreintant, surtout que le soir il fallait monter au camp pour la fouille. Heureusement, sur Ie travail nous pouvions manger des pommes de terre ou du pissenlit. Un jour, nous avons même découvert un silo de betteraves pour vaches, mais elles n'étaient pas faciles a manger.
A la mi-avril Nous avons appris par les groupes résistants clandestins du camp que la croix internationale était sur les Iieux. Nous avons eu un espoir lorsque les norvégiennes et les hollandaises sont parties. Cependant, la vie devenait de plus en plus pénible. La nourriture diminuait toujours et Ie crématoire marchait à plein.
Lorsqu'il nous arrivait de sortir la nuit, nous voyions de longues flammes s'élancer dans le noir et cette odeur de viande grillée qui nous remplissait les narines. Le 22 avril, nous étions descendues au sillon, comme d'habitude. Dans I'après-midi, nous avons vu une voiture s'arrêter près de nous, un homme en descendre et annoncer à une camarade qui se trouvait sur la route que le lendemain nous serions rapatriées.
Aussitôt, plusieurs laissèrent éclater leur joie, à la grande colère des SS bien entendu. Un d'entre eux assena une bonne paire de claques à celle qui se trouvait la plus près de lui. Les plus sages continrent leur joie, car il fallait toujours se méfier. Au retour du travail, nous avons vu monter les malades au camp. Nos gardiennes SS avaient disparu, elles devaient se cacher. Nous sommes partis à la douche. Pendant que nous attendions notre tour, nous avons vu passer devant nous, un groupe d'hommes nus, plutôt des squelettes qui montaient du petit camp. lis étaient recouverts d'une simple couverture et allaient sûrement à la chambre a gaz.
Plus près de nous quelques prisonniers étaient là Ie visage tourné vers le mur et bien surveillés.
Nous avons réussi à savoir qu'ils y étaient depuis plusieurs jours, sans manger. C'était des Alsaciens et de Lorrains qui avaient refusé de porter I'uniforme allemand.
Après la douche, retour à la carrière. Le lendemain matin, nous sommes montées au camp ou nous avons attendu à nouveau dans la salle de douche. Enfin, nous avons été conduites au terrain de sport (qui servait évidemment aux SS) De là nous avons vu arriver toute une colonne de camions de la Croix Rouge Internationale dans lesquels sont montées les plus pressées.
Faute de places, plusieurs d'entre nous n'ont pu y grimper. Désespérées, nous sommes retournées à la salle de douche et I'après-midi d'autres camions sont arrivés pour nos prendre. II nous a été distribué du pain à la sciure de bois et du pâté confectionné avec les vieux chevaux malades, couverts de plaques, que nous avions vu revenir du front russe. Nous avons protesté et nous avons obtenu qu'il nous soit distribué du pain des SS et du saucisson mangeable. Nous avons traversé une grande partie de I' Autriche en car, de jour et de nuit. Le 24 avril au matin, les cars sont montés sur Ie bac qui traverse le lac de Constance.
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Aussi, c'est avec un Ouf ! de soulagement que nous avons posé nos pieds sur le sol Suisse, car jusque la nous n'étions sures de rien. Dans ce pays d'accueil, nous avons été bien reçues sur Ie quai. II y avait presque une infirmière pour chacune. Nous avons passé une visite médicale.
Celles jugées incapables de continuer le voyage sont restées en Suisse ou plusieurs, hélas, sont mortes.
Voila un résumé de mon parcours à travers I'univers concentrationnaire. J'aurais beaucoup à ajouter. Je voudrais pouvoir oublier, mais c'est impossible quand nous voyons tant de camarades laissées derrière nous. Pour que ceci ne se renouvelle pas, nous devons crier bien fort ce qui s'est passé. Nous n'avons pas lutté contre le nazisme, contre la mort, pour voir ce qui se passe aujourd'hui.
Rédigé d'après les notes remises par Marie Salou à Jean Nédélec
Brest Mai 2006
Hommage à Marie SALOU dit MIMI ancienne résistante - déportée
Le 30 novembre 2010, pour son 96ème anniversaire, Mimi nous a encore étonnés par sa présence alerte et c'est d'un cœur joyeux qu'elle a chanté « Le temps des cerises » et « Le drapeau rouge ». Le choix de ces chansons qui lui tenaient à cœur n'est pas anodin : en effet, Mimi n'a jamais renié ses convictions, elle qui est allée jusqu'à risquer sa vie pour elles. Quand on a faillit mourir pour des idées, que l'on a souffert dans sa chair pour les défendre, celles-ci vous accompagnent toute votre vie, aussi longue soit-elle : renier ses idéaux,ç'eut été se trahir !
Parce qu'il lui était impossible d'oublier toutes ces camarades laissées derrière elle, Mimi s'était fait un devoir de témoigner devant des élèves de collège ou de lycée de sa douloureuse expérience de l'univers carcéral et concentrationnaire en Allemagne nazie. Et ceci elle l'a fait jusqu'à la limite de ses forces. C'est toujours dans un silence marqué par un profond respect que les adolescents écoutaient cette vieille dame raconter son expérience des camps, les relations tissées avec les détenues et la solidarité entre elles. Le silence des élèves était palpable quand Mimi leur montrait sa tenue de déportée. Cette tenue de déportée, elle l'avait agrémentée d'une martingale; ce petit détail vestimentaire n'en est pas un : dans ce monde où l'individu était réduit à un simple numéro, où il était appelé à disparaître dans « la nuit et le brouillard », Mimi rappelait à ses bourreaux que chaque être humain est unique et reste digne, même sous la pire des barbaries.
Cet exercice de mémoire qui l'obligeait à évoquer des souvenirs si douloureux, elle le faisait pour que les jeunes générations sachent jusqu'où la folie de l'homme peut aller et qu'il faut rester toujours vigilants pour que de telles horreurs ne réapparaissent pas.
Ce 13 juillet j'étais à Nantes, invité par la Ligue des Droits de l'homme en compagnie d'une fille de résistante déportée. Je lui ai parlé de Mimi dont je venais d'apprendre la disparition. Le lendemain 14 juillet, j'étais Place de la Bastille en compagnie de mon camarade Raymond Aubrac, de représentants de la société civile et de partis politiques ainsi que de Didier Magnin, président de l'Association « Citoyens résistants d'hier et d'aujourd'hui » parrainée par Stéphane Hessel et Raymond Aubrac. En évoquant la mémoire de Mimi avec eux, c'est tout naturellement que j'ai parlé d'une « résistante » brestoise d'aujourd'hui en la personne d'Irène Frachon. En effet, à sa manière et dans un contexte certes bien différent de celui où Mimi a mené ses combats, Mme le Docteur Frachon résiste elle aussi. Mimi n'aurait sûrement pas renié ce genre de combat, elle qui, récemment encore, par solidarité avec d'autres camarades, avait refusé le diplôme d'honneur de l'Élysée !!
Au cours de ce rassemblement j'ai eu l'occasion de parler avec des enfants de déportés qui m'ont demandé qui était Mimi Salou. Raymond Aubrac m'a chargé de présenter à la famille et aux amis de Mimi son salut fraternel.
Merci Mimi
Brest, le 18 juillet 2011
C'est avec beaucoup d'émotion que j'évoque notre amie Mimi Salou. Elle était présidente d'honneur de l'ANACR, l'Association des anciens combattants de la Résistance, et elle est restée jusqu'au bout un membre actif de la section brestoise. Depuis plusieurs années, nous nous retrouvions, d'anciens camarades résistants et amis, pour lui souhaiter son anniversaire chez elle, rue Henri Billant.
Le 30 novembre 2010, pour son 96ème anniversaire, Mimi nous a encore étonnés par sa présence alerte et c'est d'un cœur joyeux qu'elle a chanté « Le temps des cerises » et « Le drapeau rouge ». Le choix de ces chansons qui lui tenaient à cœur n'est pas anodin : en effet, Mimi n'a jamais renié ses convictions, elle qui est allée jusqu'à risquer sa vie pour elles. Quand on a faillit mourir pour des idées, que l'on a souffert dans sa chair pour les défendre, celles-ci vous accompagnent toute votre vie, aussi longue soit-elle : renier ses idéaux,ç'eut été se trahir !
Parce qu'il lui était impossible d'oublier toutes ces camarades laissées derrière elle, Mimi s'était fait un devoir de témoigner devant des élèves de collège ou de lycée de sa douloureuse expérience de l'univers carcéral et concentrationnaire en Allemagne nazie. Et ceci elle l'a fait jusqu'à la limite de ses forces. C'est toujours dans un silence marqué par un profond respect que les adolescents écoutaient cette vieille dame raconter son expérience des camps, les relations tissées avec les détenues et la solidarité entre elles. Le silence des élèves était palpable quand Mimi leur montrait sa tenue de déportée. Cette tenue de déportée, elle l'avait agrémentée d'une martingale; ce petit détail vestimentaire n'en est pas un : dans ce monde où l'individu était réduit à un simple numéro, où il était appelé à disparaître dans « la nuit et le brouillard », Mimi rappelait à ses bourreaux que chaque être humain est unique et reste digne, même sous la pire des barbaries.
Cet exercice de mémoire qui l'obligeait à évoquer des souvenirs si douloureux, elle le faisait pour que les jeunes générations sachent jusqu'où la folie de l'homme peut aller et qu'il faut rester toujours vigilants pour que de telles horreurs ne réapparaissent pas.
Ce 13 juillet j'étais à Nantes, invité par la Ligue des Droits de l'homme en compagnie d'une fille de résistante déportée. Je lui ai parlé de Mimi dont je venais d'apprendre la disparition. Le lendemain 14 juillet, j'étais Place de la Bastille en compagnie de mon camarade Raymond Aubrac, de représentants de la société civile et de partis politiques ainsi que de Didier Magnin, président de l'Association « Citoyens résistants d'hier et d'aujourd'hui » parrainée par Stéphane Hessel et Raymond Aubrac. En évoquant la mémoire de Mimi avec eux, c'est tout naturellement que j'ai parlé d'une « résistante » brestoise d'aujourd'hui en la personne d'Irène Frachon. En effet, à sa manière et dans un contexte certes bien différent de celui où Mimi a mené ses combats, Mme le Docteur Frachon résiste elle aussi. Mimi n'aurait sûrement pas renié ce genre de combat, elle qui, récemment encore, par solidarité avec d'autres camarades, avait refusé le diplôme d'honneur de l'Élysée !!
Au cours de ce rassemblement j'ai eu l'occasion de parler avec des enfants de déportés qui m'ont demandé qui était Mimi Salou. Raymond Aubrac m'a chargé de présenter à la famille et aux amis de Mimi son salut fraternel.
Merci Mimi
Brest, le 18 juillet 2011