Docteur PERPER
Chemin de la Résistance et des Maquis
Mis en ligne sur le site le 17 avril 2020 / mise à jour 8 juillet 2024
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Entretien avec Monsieur Jean LE GUILLOU, Photographe en retraite, Châteaulin le 11 mars 2007.
Un travail de micro-histoire qu'il faut saluer à double titre : d'une part, et parce qu'il n'a concerné que (relativement) peu de victimes, le sujet n'est pas assez connu en Bretagne.
D'autre part, alors que tout ou presque a été écrit sur la persécution des juifs, reste encore désormais à faire revivre ces parcours isolés de familles fauchées par la barbarie.
Les Perper auraient pu être heureux dans ce Finistère où ils se réfugièrent dès 1935, lui comme médecin, elle donnant naissance là à deux enfants. Mais ils devront fuir à Pleyben, à Brasparts, avant d'être arrêtés par la gendarmerie à Plonéour-Ménez.
Des bribes qu'elle a pu récolter, l'auteur reconstitue le puzzle de leur vie, et l'implacable système qui via Drancy les conduira aux camps de la mort.
Un salutaire exercice de mémoire.
Comme elle est poignante, cette photographie banale d’une petite famille des monts d’Arrée prise à la fin des années trente. Avant que tout vole en éclat. On y voit deux petites chipies au regard espiègle, Rosa, 7 ans, lourdes anglaises brunes, roulant de grands yeux sous sa frange, et sa petite sœur Odette, 2 ans,gros nœud de taffetas sur ses bouclettes claires et un sourire malicieux esquissé. Elles sont encadrées de leurs parents qui prennent la pose, tout en réserve et en bienveillance: à droite Sonia, 27 ans, aux cheveux tirés en un sage chignon, grands yeux sombres et doux sourire, et à gauche, Ihil, 31 ans, visage rond et paisible, cheveux gominés et raie au milieu au-dessus de petites lunettes cerclées d’acier. Ils ne le savent pas encore, mais un petit Paul va bientôt agrandir cette famille tranquille en 1942. Et ils ne le savent pas encore, mais ils mourront tous un an plus tard, assassinés à Sobibor en 1943.
En posant leurs malles dans les monts d’Arrée au mitan des années trente, Ihil Perper et son épouse Sonia Kalnitskaya, quittant la Bessarabie –une région aujourd’hui partagée entre la Moldavie et l’Ukraine n’ont sans doute pas été dépaysés, passant des landes désertiques des bords de la Mer Noire aux montagnes usées du massif armoricain. Mais comment sont-ils arrivés là ? Et pourquoi ?
Ihil Perper naît en 1908 dans une Europe centrale tourmentée à l’aube d’un siècle guerrier. A l’orée des nauséabondes années trente, il ne fait pas bon être juif dans une Bessarabie profondément antisémite. «Au-delà, c’est le désert gris de l’Ukraine. Rien ! De l’herbe sèche et rase. Derrière nous, un autre Sahara :la Bessarabie. » écrira Roger Vercel en 1934 dans son roman Capitaine Conan. Profitant d’un vieil accord datant de Napoléon III conclut entre la France et la Roumanie, le jeune Roumain débarque en 1927 au pays des Droits de l’Homme pour y étudier la médecine et fuir pogroms et ghettos. Il a dix-neuf ans. Sonia, de quatre ans sa cadette, lui emboîte bientôt le pas pour étudier la pharmacie. Ils se rencontrent
vraisemblablement sur les bancs de l’université de Nancy et choisissent d’unir leurs vies dans ce monde brutal : à deux, on est moins seul. Et ils sont bientôt trois, car Rosine naît en 1932, un an avant l’arrivée au pouvoir d’Adolph Hitler en Allemagne. La situation des Juifs se dégrade singulièrement un peu partout, et notamment en Bessarabie. Les Perper décident alors qu’une fois leurs études respectives terminées, ils s’installeront définitivement en France pour y vivre le plus paisiblement du monde. Un rêve simple d’une humanité infinie.
Une petite annonce publiée dans la presse médicale française en 1934 attire leur attention : on demandeun médecin à Brasparts, petite commune rurale des monts d’Arrée. Gageons qu’ils déploient alors une carte de géographie sur laquelle ils cherchent au bout du monde ce village inconnu. Sans un regard pour la Bessarabie ni pour Nancy, ils gagnent ce Far West européen, des rêves de bonheur et de paix plein la tête. Lorsqu’ils descendent du train à la gare de Landerneau un beau matin, ils sont accueillis par le directeur de l’école de Brasparts qui les prend en charge avec enthousiasme, leur trouve un logement et leur donne un salutaire coup de pouce pour faciliter leur installation dans cette montagne très pauvre en pays Kerne, en lisière du Léon. Ihil francise son prénom et devient Jules Perper, un prénom plus accessible pour ses patients bretonnants, étonnés par les R roulés du jeune médecin et de son épouse.
Le premier médecin de Brasparts visse donc sa plaque cuivrée en 1935 pour le bonheur et le soulagement des habitants. Petits bobos et grands accidents, joie des naissances et accompagnement vers la mort, le Dr Perper à bord de sa Peugeot 201 sillonne les monts d’Arrée et consulte en son cabinet à Brasparts.
Certes, il ne parle pas breton et son français quoiqu’impeccable charrie un accent aux parfums d’Europe Centrale, et à bien y réfléchir, il ne fréquente pas l’église du bourg de Brasparts. Mais il est bienveillant, disponible, accessible et point trop cher. Très rapidement, son épouse, avenante et généreuse, se fait une petite place dans la société braspartiate, reçoit dans sa maison pour le thé : les coussins multicolores et les pâtisseries d’ailleurs étonnent dans un premier temps puis font tout doucement partie du décor. Dans toutes les cuisines de Brasparts on préparera longtemps le gâteau Perper, une sorte de millefeuille fourré de crème et recouvert de chocolat. Une paire d’années passe et les Perper semblent avoir toujours été là. Ils font d'ailleurs des projets d’avenir, entretiennent des liens d’amitiés avec leurvoisinage et vivent très paisiblement : la petite Odette naît à Brest en 1937, la famille déménage pour une maison plus grande, Sonia achète un piano Focké, Ihil projette d’édifier un sanatorium sur le mont Saint-Michel-de-Brasparts... Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles...
Pourtant, Ihil et Sonia, lettrés, cultivés et polyglottes, écoutent sur la TSF l’écho des sombres rumeurs du monde et s’inquiètent, à raison, du bellicisme de l'Allemagne nazie d'Hitler. En 1939, lorsque sonne le tocsin annonçant l’entrée en guerre de la France, c’est le glas qu’entendent les Perper. A partir de la débâcle, tout va tomber de Charybde en Scylla : les nazis et le gouvernement de Vichy prennent la main.
Le quotidien de ceux qu’on appelle désormais « les juifs et les apatrides » va se compliquer singulièrement. Du jour au lendemain, les Juifs n’ont plus le droit d’enseigner ni d’être avocats, artistes ou médecins ce que découvrent Ihil et Sonia dans la presse aux ordres de Vichy :
" L’épuration du corps médical"On connaît la loi qui vient d’être promulguée sur l’exercice de la profession de médecin. Le pays a accueilli avec soulagement cette mesure de salut public : les rebuts des universités d’Europe cessent d’exercer leur néfaste activité. L’invasion se multipliait, menaçante. En 1936, dans une seule université, sur cent candidats à la profession médicale, 95 étaient des étrangers de la fameuse minorité ethnique, c’est-à-dire juifs. Cette minorité était une majorité. (...) On a naturalisé sans pudeur, la passion politique était la seule règle. Aujourd’hui, la France entend commander chez elle. Les étrangers ne feront plus la loi ; ils s’y soumettront. » (Ouest-Eclair, 24 août1940)
C’est aussi dans la presse qu’on annonce l’arrivée d’un nouveau médecin pour Brasparts. Les Perper s'installent à Pleyben, où, sur autorisation spéciale de la Préfecture, Ihil est autorisé à exercer quelques temps pour pallier l’absence du médecin de la ville, prisonnier de guerre. Plus les jours passent, plus un voile sombre s’installe comme une nuit sur les vies de tous et menace celle des juifs pour lesquels les interdits semblent s’empiler chaque jour davantage : soumis aux mêmes difficultés de ravitaillement que le reste de la population, le zélé pouvoir de Vichy entrave leur quotidien, leur interdisant de détenir voiture, radio, vélo, téléphone... L’étau se resserre chaque jour un peu plus alors que Sonia découvre, fin 1941, qu’elle est à nouveau enceinte. Sonia ni Ihil n’ont plus aucune nouvelle de leurs parents respectifs en Bessarbie... Les Perper, auxquels des amis avaient pourtant conseillé de fuir en Suisse, choisissent alors de s’installer à Plouneour-Menez où Ihil exerce son art et signe scrupuleusement chaque semaine, le lundi, à 15h, en mairie, le registre des Etrangers, Apatrides et Juifs. Les Perper vivent dans une modeste maison du bourg, au n°42 de ce qui s’appelle désormais la rue de la Libération. L’obligation, d’une violence inouïe, du port de l’étoile jaune s’impose bientôt à tous les juifs de plus six ans alors que des rumeurs persistantes enflent, pointant le risque de rafles auprès des familles juives finistériennes.
Cela semble invraisemblable. Arrêter des femmes et des enfants ? C’est impossible ! Pourtant, à la gendarmerie de Pleyber-Christ, l’information circule... Et l’un des gendarmes demande à son fils, Jean Kerdoncuff, jeune résistant, d’en avertir les Perper et de leur conseiller de prendre la poudre d’escampette. Mais, en l’absence d’Ihil, Sonia, le ventre lourd, usée par les privations, reçoit le jeune homme inconnu sans le prendre au sérieux. Elle accouchera d’ailleurs bientôt d’un petit Paul qui voit le jour à Plouneour-Menez le 18 juin 1942.
Moins d’un mois après, la rafle du Vel’ d’Hiv' envoyait 13 000 personnes à Auschwitz après un effroyable séjour à Drancy.
L’été se déroule comme il peut dans les monts d’Arrée avec ce bébé tout neuf qui occupe les jours et les nuits de Sonia, la préparation de la rentrée scolaire de Rosa qui entre au collège à Morlaix et d’Odette qui entre à la grande école ainsi que les consultations semi clandestines d’Ihil dans les villages de montagne: La Feuillée, Botmeur, Saint-Rivoal... Pendant ce temps, la résistance s’organise dans les monts d’Arrée, se structure en maquis redoutable et se renforce chaque jour. Le Dr Perper est un atout et les maquisards s’apprêtent à accueillir les Perper dans une ferme perdue dans le bocage entre Plouneour et Commana. Pas assez rapidement cependant. L’ordre d’arrêter les juifs tombe dans les gendarmeries finistériennes le 8 octobre 1942 et le jeune résistant de Pleybert-Christ, à nouveau envoyé prévenir les Perper du péril arrivera trop tard. A 21h15, le 9 octobre 1942, Ihil, Sonia, Rosa, Odette et Paul –qui a trois mois- sont arrêtés, conduits à la gendarmerie de Morlaix où ils sont écroués à une heure du matin. Les pleurs du bébé et des enfants alertent les épouses des gendarmes de la caserne mais rien n’y fait. Le lendemain, tous les juifs arrêtés sont envoyés à Rennes puis à Drancy où ils survivront dans des conditions effroyables pendant cinq mois au terme desquels ils prennent place, le 25 mars 1943 à 10h30,dans des wagons à bestiaux du convoi n°53 à destination de Sobibor à la frontière polonaise avec l’Ukraine. Sobibor, contrairement à Auschwitz, est un camp d’extermination : après des jours d’un voyage éprouvant, les Perper et leurs mille compagnons d’infortune sont débarqués sans ménagement, dépouillés et assassinés sans autre forme de procès. Il ne restera d’Ihil, de Sonia, de Rosa, d’Odette et de Paul qu’un inventaire dérisoire de leur maison de Plounéour dévastée par le malheur : un livre de recettes de cuisine, deux poupées en chiffon, un stéthoscope, une carafe en cristal de Bohème, un bloc de papier à lettres à en-tête de « Madame Sonia Perper, pharmacien », un jeu d’échecs, une photo du port d’Odessa, une fiche d’inscription au collège de Morlaix, un cartable plein de livres et de cahiers, des coussins multicolores, des partitions et un piano...
Un inventaire dérisoire et un grand silence.
En cette journée internationale de la paix, placée sous le thème vertueux de « Façonner la paix ensemble», partageons avec les enfants et les parents victimes des guerres un petit goûter d’écolier très gourmand –biscuit et compote- avec une pensée embuée pour Ihil, Sonia, Rosa, Odette et Paul.
gouezou.canalblog.com
SOURCE : 2007- Dossier remis par Jean LE GUILLOU - ANACR Châteaulin
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SOURCE : 2007- 23 février_ témoignage de Jean LE GUILLOU _ famille PERPER
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2007- Dossier remis par Jean LE GUILLOU - ANACR Châteaulin
2007- 23 fevrier_ temoignage de Je an LE GUILLOU _ famille PERPER
1942-1944 - Deportation. nom de 46 juifs du Finistère
https://ville-brasparts.forum-actif.net/t87-les-perper-une-famille-braspartiate-dans-la-tourmente
Un ouvrage à lire, une famille de Brasparts à découvrir (ou à redécouvrir, pour les plus anciens). Ce livre de Marie-Noëlle Postic, Sur les traces perdues d’une famille juive en Bretagne, Coop Breizh, 2007, vient d'être réédité. |
Auteur(s) : Marie-Noëlle Postic
Éditeur : Coop Breizh
Genre : CORRESPONDANCE - MÉMOIRES
Présentation : Broché
Article Ouest-France du 9 juillet 2007 de Daniel MORVAN:
"Avant 1940, de nombreux médecins roumains pouvaient exercer en France grâce à un privilège exceptionnel datant du Second Empire.
Fuyant les pogroms antisémites, ils s'installèrent le plus souvent en milieu rural pour compenser le manque de médecins. c'est ainsi que le docteur Ihil Perper, de la région d'Odessa, s'installe dans le Finistère.
Marie-Noëlle Postic, chercheuse au CNRS, s'est attachée à cette famille, et a bien voulu en retracer l'itinéraire.
Ihil Perper a commencé par ouvrir un cabinet à Brasparts en 1935. À partir de 1940, tout bascule. les médecins juifs sont interdits d'exercice.
Le médecin reçoit par dérogation l'autorisation de travailler dans des conditions précaires à Plounéour-Menez.
Il bénéficie du soutien de la population qui facilite ses déplacements (les Juifs n'ont pas le droits de posséder une bicyclette.
le 9 octobre 1942, la famille est arrêtée. l'un des deux gendarmes chargés de la sinistre besogne, est le père d'un jeune résistant qui aura vainement tenté de sauver les Perper en se lançant à leur rencontre à bicyclette, le même 9 octobre.
le livre suit les étapes tragiques: le terrible hiver 1942 au camp de Drancy, puis l'arrivée au camp de Sobibor le jeudi 25 mars 1943. Marie-Noëlle Postic s'appuie intelligemment sur la littérature, qui permet de raconter ce qu'a pu vivre la famille Perper, à travers les témoignages de Robert Antelme, de Primo Levy;, d'Imre Kertesz, de Charlotte Delbo, ou encore les travaux de Jorge Semprun et de Pierre Pachet.
La dernière partie du livre est consacrée au mutisme qui, à la Libération, entoura le sort des 150 Juifs finistériens.
Seuls échappent à l'amnésie orchestrée" les plus connus, le poète Max Jacob, le résistant martyr Albert Rotschild et l'ancien combattant Gourfinkel.
" Les années qui suivent scelleront cet oubli en forme de déni en Bretagne, mais plus généralement en France et en Europe."
Désormais, grâce à Marie-Noëlle Postic, une commune des Monts-d'Arrée se souvient de son médecin et de sa famille déportée."
SOURCE : Ej Sizun
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