Eugène Littoux était au Ménez-Hom le 1er septembre 1944. Il avait 19 ans. Il raconte cette journée. Il sera ce samedi à la cérémonie du 70e anniversaire.
Témoignage
Eugène Littoux, né rue Graveran à Châteaulin, 89 ans, du bataillon Stalingrad et de la Cie De Gaulle.
Nous avions libéré Châteaulin le 11 août, sans bataille : les Allemands étaient déjà partis. À cette époque, je travaillais comme postier à la gare de Saint-Nic. Je renseignais Jean Charlès, un Châteaulinois résistant, sur les mouvements des Allemands, qui avaient mis le paquet sur la Presqu'île pour protéger Brest.
J'avais été blessé au genou lors d'une attaque du côté de Cast, le 28 août. Je marchais difficilement. Nous étions un groupe d'une dizaine d'hommes commandés par mon frère, Hervé Berthelot. Nous avions réalisé un brassard spécial, blanc avec une tête de mort noire, marquée SS, Section spéciale. Si les Allemands nous avaient arrêtés avec ce brassard, on était morts.
Après avoir pris Dinéault, nous sommes allés au-dessus de Trégarvan, dans une ferme du côté de Penn ar Stang. On était bien accueillis. C'était la saison du cidre. On nous a donné le pressoir, à condition qu'on aide au ramassage. On dormait dans un bâtiment, mais pas dans des lits !
Un fusil allemand
Un jour, on a reçu l'ordre d'attaquer le Ménez-Hom. Je n'avais pas peur. Je suis entré dans la Marine à 14 ans, je savais ce que c'était. Nous sommes partis de la ferme en camion. Il faisait jour, et nous devions rester à un endroit bien précis en vue du sommet. À un moment, nous sommes passés à découvert, j'ai dû dévaler la pente sur le derrière, pour ne pas être trop visible. Mon pantalon de Marine y est passé !
J'avais un fusil allemand. Un fermier de Dinéault l'avait récupéré, avec des munitions. Moi qui n'avais qu'une grenade, il me l'a donné. Nous n'étions pas dans l'armée. Nous n'avions rien, même pas d'uniformes, pas de vêtements de rechange, pas de jumelles, pas de casque. Finalement, quand Henri Birrien a hissé le drapeau français au sommet, vers 13 h, il n'y avait plus d'Allemands. Ils étaient partis dans la nuit. Ensuite, on a pris la route de la Presqu'île de Crozon. J'avais mal au genou, je ne pouvais pas suivre alors, on m'a donné un cheval russe et une charrette.
Telgruc bombardée
Sur la route vers Tal ar Groas, on a entendu le bombardement de Telgruc. On avait demandé le soutien des Américains dans le Ménez-Hom trois jours auparavant, et ils venaient seulement maintenant, alors que Telgruc était libérée !
Arrivés à Tal ar Groas, on voyait des chars américains revenir de la Presqu'île avec des prisonniers allemands. On a alors été relevés. On était casernés à l'école de garçons, l'école Marie-Curie aujourd'hui. Là, on nous a proposé de nous engager pour la poche de Lorient. J'ai refusé : j'étais engagé dans la Marine depuis 1942, considéré comme déserteur. Je suis resté dans la Marine, j'ai rejoint le centre de Rennes. Et suis parti sur le Jean Bart à Casablanca. Mais ceci est une autre histoire... »
Ce samedi, à 11 h, à Plomodiern, cérémonie du 70e anniversaire de la bataille et de la Libération du Ménez-Hom.