Fred Moore est décédé dans la nuit de samedi à dimanche à l'Institution nationale des Invalides, a précisé l'Ordre de la Libération dans un communiqué, saluant son « profond attachement à l'institution militaire à travers, notamment, son engagement dans la réserve qui lui a valu le grade le plus élevé de colonel honoraire ».
Expédition de Dakar, débarquement…
Il prend part à l’expédition de Dakar en septembre 1940 puis sert au Levant au sein d’une unité de Spahis Marocains. Il débarque en Normandie le 2 août 1944 avec la 2ème division blindée du général Leclerc.
Le 25 août 1944, lors de la libération de Paris, il prend une part active à la prise de l’École Militaire. Par la suite, il participe jusqu’en avril 1945 aux derniers combats, jusqu’en Allemagne.
Démobilisé en avril 1946, il crée une affaire d’optique à Amiens. Il est rappelé à l’activité en mai 1956 et sert en Algérie jusqu’en novembre 1956.
Chancelier de l’Ordre de la Libération
Élu député de la Somme à Amiens en 1958, il démissionne de toutes ses fonctions politiques en 1969 pour se consacrer à son métier d’opticien.
En mars 2004, Fred Moore est nommé membre du Conseil de l’Ordre de la Libération, puis par décret du 11 octobre 2011, chancelier de l’Ordre de la Libération.
« Le 18 juin, il était aux côtés du président de la République, au Mont-Valérien, pour la cérémonie commémorative de l’Appel du général de Gaulle », souligne l’Élysée.
Ce chancelier de l'ordre de la Libération était hier à Brest, sa ville natale, pour accueillir les collégiens et lycéens du concours national de la Résistance et de la Déportation.
Témoignage
À 95 ans, le colonel Fred Moore, droit comme un « i », mémoire d'éléphant, ceint du cordon rouge de la Légion d'honneur, a égrené, debout, ses souvenirs de résistant devant l'auditoire des collégiens et lycéens participant au concours national de la Résistance et de la Déportation réunis dans le salon Richelieu de l'hôtel de ville.
Né en mars 1920 à Brest, il est encore mineur (la majorité est alors à 21 ans) lorsque les Allemands envahissent la France. Il doit son patronyme anglais à son père, un officier britannique de la Royal Navy. À partir de 1913, et durant toute la Première Guerre mondiale, son navire vint faire du charbon à Brest. Et il rencontra une demoiselle Breton...
Le discours de Pétain
Sa décision de s'engager fut prise le 17 juin 1940. « Avec mon frère, nous étions venus à vélo de Plouguerneau jusqu'à Brest. Sur la place du Champ-de-Bataille, des haut-parleurs diffusaient le discours du maréchal Pétain. Sur chaque visage, on voyait que tout le monde avait l'air démoli ! On ne pouvait pas accepter. Avec mon frère, nous avons décidé d'aller en Angleterre. »
Il faudra, pour cela, que son père accepte, non sans réticence, qu'il s'engage en devançant l'appel. Lui qui voulait être pilote de chasse s'est retrouvé dans le 1er Régiment de spahis marocains.
Pas de discours va-t-en-guerre ou de fanfaronnade. Le colonel Moore l'avoue sans détours : « Je suis un homme chanceux. Tout m'a réussi. Dans mon régiment de spahis, mes Marocains m'avaient surnommé le lieutenant Baraka. Baraka veut dire chance ! » Le mauvais sort l'a ainsi épargné. Et à ce jour, sur les 34 Compagnons de la Libération de son régiment, ils ne sont plus que deux survivants.
« Privé de liberté »
L'auditoire aurait sans doute apprécié de l'écouter plus longuement sur les raisons de son engagement dans les Forces françaises libres (FFL). Ce sont les autres survivants de la Seconde Guerre mondiale, engagés dans la Résistance ou les FFL, qui ont témoigné des raisons pour lesquelles, un jour, ils ont dit non à la défaite.
Pour le Brestois Charles Paperon, engagé à 16 ans, « chaque mot de Pétain était un coup de poignard ». Marcel Clédic, d'Huelgoat, a pris exemple sur les premiers résistants communistes.
Alain Bodivit, de Fouesnant : « Je ne supportais pas d'être privé de liberté... » Jean Huitorel, de Camaret, avait été choqué de voir que « Paris était devenu une ville allemande ».
Alexis Le Gall, engagé à 17 ans, fut le plus touchant en évoquant son départ sur le quai : « Ma mère, qui était déjà veuve, ne disait rien. J'avais conscience qu'on faisait un grand pas et qu'on n'avait pas beaucoup de chance de revenir. Au large de Ploudalmézeau, j'ai vu la France partir... »
Chacun a eu un mot pour la jeune génération. Alain Bodivit : « Ce que vous avez de plus beau au monde, c'est votre liberté ! » Alexis Le Gall : « Vous ne réalisez pas la chance que vous avez de vivre dans une démocratie. » Charles Paperon : « Osez ! Il ne suffit pas de s'indigner. Il faut oser tous les matins. Bon courage ! » Marcel Clédic : « Tout simplement : Liberté ! Égalité ! Fraternité ! »