Mitraillette à la main, une jeune femme de 19 ans pose devant l’objectif d’un photographe américain. Nous sommes le 23 août 1944, le général de Gaulle est en visite à Chartres et Simone Segouin devient ce jour-là un des symboles de la Résistance en France.
Un patriotisme familial
Simone Segouin est née à Thivars, près de Chartres, en octobre 1925. Elle grandit dans la ferme familiale entourée de ses trois frères. Son quotidien bascule quand la Seconde Guerre mondiale éclate et le paysage change radicalement : le château de Spoir est investi par les Allemands.
Ces derniers demandent au père de Simone, conseiller municipal, une liste de jeunes filles susceptibles de travailler à leur service. Afin d’éviter que sa fille ne soit esclave de l’ennemi, il la fait passer pour une couturière. Mais quand les Allemands arrivent à la ferme avec une pile de linge à raccommoder, la supercherie est démasquée, il faut quitter Thivars. L’entrée dans la Résistance sous le pseudonyme de Nicole Minet
Simone annonce alors qu’elle se rend à Paris pour travailler au Bon Marché avec sa tante. Elle a 18 ans et rejoint en réalité les Francs-tireurs et partisans (FTP) sous le pseudonyme de Nicole Minet au printemps 1944. Elle répond aux ordres du lieutenant Boursier, alias Germain, son futur compagnon.
Comme bon nombre de résistants, elle se munit d’une fausse carte d’identité sur laquelle il est écrit qu’elle est née à Dunkerque. Une combine efficace sachant que l’état de la ville, en ruines, ne permet aucune vérification.
Sa première mission consiste à voler la bicyclette d’une coursière allemande. Distribution de messages, transport d’armes, dynamitage de ponts, cette Amazone des temps modernes prend ensuite part à bon nombre de missions de la Résistance française entre Châteaudun, Dreux et Chartres. Les FTP lui proposent ensuite de prendre les armes. Simone Segouin participe à la libération de Chartres et à la libération de Paris, du 19 au 25 août 1944. La lutte armée
Le 20 août 1944, elle participe à la capture de vingt-quatre prisonniers avec son chef et deux autres FTP à Thivars. C’est là qu’elle récupère le pistolet mitrailleur MP40 avec lequel elle pose fièrement à Chartres lors de la venue du général de Gaulle. À l’Hôtel de La Poste, celui-ci prononce : « Combien m’émeut l’accueil magnifique de Chartres, de Chartres libéré. Chartres sur le chemin de Paris, c’est-à-dire sur le chemin de la Victoire. » À bord d’un camion pris à l’ennemi, Simone Segouin rejoint la capitale et participe à la libération de Paris avec ses compagnons.
Le 26 août 1944, le journal Independent Eure-et-Loir raconte que Simone Segouin participe à « des actions armées de convois ennemis et de trains, des attaques contre des détachements ennemis qu’elle exterminait avec ses camarades du groupe » avant de la décrire comme « l’un des plus purs combattants de la Résistance française héroïque qui a préparé la voie de la libération ».
Si la participation des femmes à la lutte armée est très minoritaire (environ 10%), Simone Segouin est devenue un symbole de l’engagement des femmes dans la Résistance.
En 1946, elle obtient la Croix de Guerre et le grade de sous-lieutenant. Peu impressionnée par les honneurs repris par la presse locale, l’actuelle nonagénaire garde la tête froide : « j’étais une résistante, un point, c’est tout ! »