LE RÉSEAU FRANÇOISE
Chemin de la Résistance et des Maquis
Mis en ligne sur le site le 25 AVRIL 2021
Marie-Louise DISSARD
1881-1957
Au cœur de l’action, Marie-Louise Dissard était l’un des maillons essentiels pour la Résistance et les actions d’évasions. A la tête du réseau Françoise, elle a travaillé aux côtés de nombreuses organisations de Résistance locales et britanniques. L’action de son réseau de passeurs et de filières d’évasion couvrait tout le Sud-Ouest et au-delà.
Marie Louise Dissard voit le jour le 5 novembre 1881, dans une petite maison du vieux Cahors, rue de la Liberté.
Sa mère, Hélène est modéliste et son père, Guillaume, professeur. Sa mère tient un magasin de mode à Cahors, toutes les élégantes de Lomagne et de Quercy se viennent s’habiller chez elle. Fortune faite, la famille s’éloigne de la ville pour s’installer en Quercy dans une propriété appelée « Terre-Rouge ». Marie-Louise, adolescente insoumise, développe dans l’ennui de la campagne lotoise une imagination débordante et un sens de la provocation accentué.
Jean, son frère cadet s’apprête à entrer dans les ordres. Il est envoyé chez les Jésuites, pour la plus grande joie de ses parents. Marie-Louise, quant à elle, poursuit une scolarité sans éclat mais en manifestant un don certain pour les arts (dessin, peinture, sculpture et couture).
Une femme en avance sur son temps
Cependant, Marie-Louise refuse les conventions de son époque et accentue son côté « garçon manqué » pour provoquer ses parents. A 21 ans, elle décide de chercher un emploi et devient maîtresse d’internat à Carcassonne. Elle revient encore de temps à autres chez ses parents, puis de moins en moins.
Marie-Louise trouve un poste à Toulouse et exerce dans les lycées de filles quelques années. En des temps où l’émancipation des femmes ne se fait quasiment que par le mariage, elle insuffle sa soif de liberté et d’indépendance aux jeunes femmes et transforme leur quotidien par sa joie de vivre et sa disponibilité. Après quelques années de service, à 32 ans, elle change de fonction. Elle est nommée inspectrice de couture pour toutes les écoles municipales.
Mais lassée par cette fonction, elle démissionne. Elle achète une petite boutique, rue de la Pomme, qu’elle baptise « A la poupée moderne » ; un «magasin de frivolités féminines », comme on disait à l’époque. Ses talents et son imagination lui procurent rapidement de nombreuses commandes du Théâtre du Capitole. Son magasin ne désemplit pas.
Les jours sombres
En septembre 1939, Marie-Louise Dissard voit son compagnon partir à la guerre. Elle vit maritalement avec un homme depuis des années, le capitaine C. Elle aime avant tout la liberté pour céder aux exigences d’apparence de la bonne société, à commencer par sa propre famille. Tant pis si elle doit renoncer aux réunions familiales! Son ami est fait prisonnier quelques mois plus tard, abandonné dans les Stalag par une France qui vient de se déshonorer.
Marie-Louise fête ses 59 ans, en ce mois de novembre 1940 lorsque le maréchal Pétain vient à Toulouse pour sa première visite officielle en « zone libre ».
Anti-fasciste et courageuse, elle diffuse les messages d’un homme encore inconnu des Français, invitant à ne pas cesser le combat: le général de Gaulle. D’un naturel enjoué, bavard, exubérant parfois, rigoureux et sévère à la fois, Marie-Louise connaît bien le milieu toulousain et dit haut et fort ce qu’elle pense! Au point que la police française ouvre une enquête sur elle en septembre 1941. Mais le rapport conclut au déséquilibre mental. Marie-Louise Dissard s’évertue à accentuer tous les jours cette réputation pour agir plus tranquillement.
« Victoire »
Elle entre en contact avec l’un des premiers groupes de résistance toulousains : le « Réseau Bertaux ». Sous le pseudonyme de «Victoire», elle diffuse des tracts clandestins, récolte des renseignements pour les résistants. Mais la police française démantèle le réseau en décembre 1941. Tous ses membres sont jugés et enfermés « au secret » à la prison militaire de Furgole. « Victoire » se débrouille alors pour ravitailler toutes les semaines ses camarades emprisonnés.
Au printemps 1942 elle rencontre le Docteur Albert Guérisse alias Pat O’Leary , officier belge, mais officiellement de nationalité canadienne, du moins pour les Allemands. Il est le chef du réseau d’évasion qui porte son nom. Ce réseau est chargé de récupérer les pilotes alliés tombés en territoire occupé.
Pat O’Leary manque de contacts sûrs dans le Sud-ouest. Il comprend rapidement la valeur de Marie-Louise Dissard pour son organisation et lui accorde toute sa confiance.
C’est en juin 1942, qu’elle prend le pseudonyme de «Françoise ». Elle installe le PC du réseau chez elle, rue Paul Mériel et prend en main l’organisation des transits par Toulouse.
Marie-Louise Dissard ne se consacre plus qu’à la gestion et au transfert des combattants alliés évadés, de jour comme de nuit. Elle s’occupe personnellement de la réception, de l’hébergement, du camouflage (c’était une spécialiste du déguisement) et du convoyage des aviateurs anglais ou américains pour les remettre à des passeurs.
Le Réseau Françoise (mai 1943 – août 1944)
À partir de novembre 1942, les Allemands envahissent la zone sud, ce qui complique les activités du réseau. Marie-Louise est sollicitée par les mouvements de Résistance, comme Libération-Sud. Dans les milieux clandestins, sa réputation est déjà très solide.
En mars 1943, à la suite d’une dénonciation d’un agent nommé « Roger le légionnaire », la Gestapo démantèle complètement le réseau Pat O’Leary. Marie-Louise Dissard perd de nouveau tous ses camarades. Albert Guérisse est arrêté dans un bar du centre-ville de Toulouse. Il est torturé, transféré à Marseille puis déporté « Nacht und Nebel » (Camp de Mauthausen Natzweiler-Struthof, puis Dachau jusqu’en mai 1945)
Après avoir sauvé les papiers compromettants, Françoise se réfugie quelques temps dans sa ville natale, Cahors, puis déterminée retourne à Toulouse. Le War Office, persuadé que cette filière d’évasion est anéantie, suspend tous les financements et toutes les opérations.
Françoise ne renonce pas : elle se rend en Suisse pour rencontrer l’ambassadeur britannique et le persuader de reconstituer le réseau d’évasion. Convaincus, les Anglais lui donnent les moyens nécessaires à la mise en place d’un nouveau réseau, homologué sous le nom de « Réseau Françoise » en mai 1943.
L’Oncle François
A partir de ce moment, Françoise reçoit les instructions directement du vice-consul britannique, « l’Oncle François », qui lui envoie les moyens financiers, les renseignements sur les filières à emprunter et les lieux où les « colis » (les combattants) doivent être récupérés et transportés.
Surveillée par la Gestapo, Françoise vit cachée dans des greniers, des garages ou des caves d’où elle dirige les actions. Passée maîtresse dans l’art du déguisement, elle utilise tous les subterfuges pour passer inaperçue et récupérer renseignements et faux papiers. C’est un jour en veuve éplorée, un autre en paysanne, ou en femme excentrique, allant même jusqu’à changer son accent méridional identifié par les Allemands, qu’elle accompagne ses « colis » à travers les rues de Toulouse jusqu’aux quais de la gare Matabiau et même jusqu’en Espagne.
Son tempérament indépendant lui fait néanmoins outrepasser les directives des Britanniques : elle utilise les filières d’évasion pour les résistants français à l’insu des Anglais.
L’efficacité, l’ingéniosité, le courage, la détermination, le dévouement et le sang-froid avec lesquels Marie-Louise Dissard a dirigé son réseau (qui recense 211 membres) ont permis à près de 700 aviateurs alliés et résistants de franchir les Pyrénées.
Pourtant ni son âge, ni sa condition de femme ne la prédisposaient pour prendre en main un tel réseau. Marie-Louise Dissard fut l’une des seules femmes en France à avoir dirigé seule une organisation de la Résistance (la plus célèbre étant Marie-Madeleine Fourcade, chef du réseau Alliance, soutenu également par les Britanniques).
Femme d’exception, Marie-Louise Dissard a su montrer son sens profond des valeurs humaines non seulement pendant les années noires mais également à travers son action en faveur de l’apprentissage des jeunes filles. C’est elle qui initie l’idée de créer à Toulouse un centre d’apprentissage féminin, inauguré en 1956, route d’Espagne (aujourd’hui Lycée Françoise, reconstruit à Tournefeuille après l’explosion de l’usine AZF en 2001)
Distinctions honorifiques:
1946:
Chevalier de la Légion d’honneur
Médaille de la Résistance (avec rosette)
American Medal of Freedom
Officier de l’Ordre de Léopold II
Croix de Guerre belge avec palmes
1947: