Massacre à Villeneuve-d’Ascq (Nord)
Chemin de la Résistance et des Maquis
Mis en ligne sur le site le 30 mars 2024
Finalement, le commandement régional de l’armée allemande à Lille est prévenu et envoie la Feldgendarmerie qui fait stopper ce déchaînement de violence. Juste à temps pour sauver un quatrième groupe de civils. En deux heures, ce sont 86 victimes qui sont passées par les armes. Les plus jeunes s’appelaient Jean, René et Roger, ils avaient 15 ans. Le plus âgé, Pierre, en avait 74. Plusieurs corps sont défigurés par la violence des coups, et certains soldats n’hésitent pas à détrousser les cadavres et à piller les maisons.
Au petit matin, face à l’ampleur du massacre, l’armée allemande interdit l’accès au village. Cela n’empêche pas la nouvelle de parcourir la métropole lilloise. Pour contrer la rumeur, le général Bertram, à la tête de la Kommandantur de Lille, interdit à la presse locale d’évoquer « l’incident » et fait publier un communiqué qui accuse les Asquois. La version du gradé allemand, bien loin de la réalité, minimise les fait en expliquant que « des coups de feu ont été tirés sur un train militaire […], la troupe a répondu par les armes et un nombre considérable d’habitants ont trouvé la mort… » Une opération de légitime défense donc, au cours de laquelle les SS n’auraient fait que riposter !
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20 000 personnes aux funérailles
Malgré la propagande allemande, le 5 avril, jour des funérailles, plus de 20 000 personnes se rassemblent dans le village d’Ascq, en silence, pour saluer le cortège transportant les cercueils, et soutenir les 75 veuves et les 127 orphelins du drame. Une telle manifestation est interdite, mais il n’y aura aucune répression. Le même jour, 60 000 ouvriers de la région lilloise se mettent en grève en signe de contestation. C’est l’une des plus importantes mobilisations françaises au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Dès la Libération, les familles de victimes organisent un lieu de mémoire en souvenir de ce que la presse va bientôt appeler « L’Oradour du Nord ». En 1947, le Général de Gaulle – ancien chef de la France Libre - se rend sur le lieu du massacre, tout comme le président Vincent Auriol, qui pose la première pierre du monument des fusillés. L’année suivante, la loi baptisée « Ascq-Oradour » qui permet de faire « d’un membre quelconque de la division le responsable des exactions de ses compagnons » débouche en août 1949 sur un procès de 17 SS des Hitlerjugend présents dans le train le 1er avril 1944. Condamnés à morts, ils sont finalement graciés, puis libérés à la fin des années 1950, sur fond de réconciliation franco-allemande.
Une ville nouvelle en hommage
Quatre-vingts ans après, le souvenir de ce drame est encore bien présent dans la mémoire collective locale, à travers le Mémorial inauguré en 1984, dans les murs de l’ancien centre de soins pédiatrique construit sur les lieux de la tragédie. « Dès la fin de la guerre, les veuves ont souhaité que là où leurs maris et leurs fils avaient péri, on édifie un dispensaire moderne pour la consultation des nourrissons : là où la violence de guerre avait apporté la mort, tout soit fait pour préserver et soutenir la vie », explique Quentin Duhem.
Tous les ans, une cérémonie est organisée le jour de la fête des Rameaux. Elle prend une ampleur particulière tous les cinq ans, avec une retraite aux flambeaux, la veille au soir. La commune, qui a fusionné en février 1970 avec celles d’Annappes et de Flers, a aussi donné son nom à la ville qui a vu le jour, comme le rappelle Gérard Caudron, le maire de Villeneuve-d’Ascq : « À l’époque, l’idée de l’État était de baptiser cette nouvelle entité Villeneuve-en-Flandres. Les Asquois se sont battus pour que le nom de leur commune martyre reste dans la dénomination de la ville nouvelle… »